L’agent à temps partiel bénéficiant d’une décharge d’activité syndicale doit prouver la discrimination syndicale qu’il allègue

  • Cour administrative d'appel Marseille M. B... 04/04/2017 - Requête(s) : 16MA00460

I – LE TEXTE DE L'ARRÊT


Sur le bien-fondé du jugement attaqué :


1. Considérant que M. B… qui dispose d'une décharge pour activité syndicale, est employé à temps partiel, en qualité d'adjoint administratif de 2e classe, au bureau des entrées du service des urgences du centre hospitalier de la Dracénie ;


2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires susvisées : « La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires. Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions […] syndicales […] » ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations susvisée : « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. […] » ; qu'aux termes de l'article 4 de ce même texte : « Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. […] » ;


3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au requérant qui s'estime victime de mesures discriminatoires de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer cette atteinte au principe d'égalité de traitement des personnes ; qu'il incombe au défendeur de produire les éléments permettant d'établir que les mesures reposent sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les mesures ont été ou non prises pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'il lui appartient, en cas de doute, de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure utile d'instruction ;


4. Considérant que, pour faire présumer qu'il a été victime d'un traitement discriminatoire contraire au principe d'égalité de traitement des agents de la fonction publique, M. B… estime que son employeur l'a cantonné dans des tâches sommaires et dégradantes, que sa notation annuelle tient compte de son appartenance syndicale et que le local exigu dans lequel il est confiné révèle la volonté de son employeur de l'isoler de ses collègues ;


5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les tâches dévolues aux adjoints administratifs affectés au bureau des admissions du service des urgences imposent un traitement et un suivi quotidien des dossiers, ainsi qu'une mise à jour permanente des procédures ; qu'il en résulte que le centre hospitalier de la Dracénie est fondé à soutenir que M. B…, qui ne peut être présent dans ce service, compte tenu de ses activités syndicales, plus de cinq jours par mois en moyenne, ne peut s'acquitter des tâches ordinairement confiées à ses collègues présents à plein temps ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'instruction que l'envoi des factures, dont M. B… à la charge, présente un intérêt déterminant pour le bon fonctionnement de ce service ; que les tâches correspondantes sont au nombre de celles pouvant légalement être confiées à un adjoint administratif ;


6. Considérant en deuxième lieu, que dès lors que l'envoi des factures fait partie du bon fonctionnement du service des admissions, le centre hospitalier était fondé à intégrer dans la notation annuelle de l'intéressé pour 2011, des remarques sur son implication dans la bonne marche de ce service ; que l'intéressé n'établit pas que l'appréciation formulée sur ce point serait erronée ; que, s'il est fait allusion, lors des notations annuelles, qui ont d'ailleurs été en hausse constante entre 2010 et 2012, aux fonctions syndicales du requérant, cette mention avait pour seul but de justifier dans l'intérêt du service, la nécessité d'une nouvelle affection sur un poste qui n'impliquait pas une présence effective à temps plein ;


7. Considérant en troisième lieu, que s'il résulte de l'instruction que M. B… effectue son service dans un local exigu et relativement encombré qui constitue son poste de travail, cette circonstance n'est pas, compte tenu du temps de présence très réduit de l'intéressé dans son environnement professionnel, de nature à établir que cet agent serait l'objet, de ce fait, d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient M. B…, il ne résulte pas de l'instruction qu'il serait isolé de l'ensemble de ses collègues de service durant la totalité du travail qu'il effectue ;


8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. B… ne produit pas d'éléments de fait suffisamment probants pour faire présumer qu'il aurait fait l'objet d'un traitement discriminatoire ; que, par voie de conséquence, le centre hospitalier de la Dracénie n'ayant commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à son encontre, M. B… n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :


9. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de la Dracénie, la somme que lui demande M. B…, au titre des frais qu'il a exposés, non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier sur le fondement des dispositions précitées ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de la Dracénie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D… B… et au centre hospitalier de Dracénie.


CAA Marseille, M. B…, 4 avril 2017, n° 16MA00460


II – LE TEXTE DE RÉFÉRENCE


Article 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations


Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.


III – COMMENTAIRE


Un adjoint administratif de 2e classe, affecté au bureau des entrées du service des urgences du centre hospitalier de la Dracénie, qui disposait d'une décharge d'activité syndicale, était employé à temps partiel mais se plaignait d'être victime d'une discrimination syndicale. À ce titre, il a demandé des réparations de ses préjudices pour une somme dépassant 10 000 euros. Sa requête a été rejetée tant en première instance devant le tribunal administratif de Toulon que devant la cour administrative d'appel de Marseille.


Pour rejeter sa demande, le juge d'appel rappelle qu'il appartient au demandeur de prouver les faits allégués. En effet, l'arrêt mentionne qu'il incombe au requérant « qui s'estime victime de mesures discriminatoires de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer cette atteinte au principe d'égalité de traitement des personnes ». Le requérant devait donc apporter au juge tout élément qui aurait permis d'établir la véracité de ses allégations. Cependant, le requérant ne faisait qu'alléguer que son employeur l'avait confiné dans des tâches sommaires et dégradantes et que sa notation annuelle tenait compte de son appartenance syndicale.


En second lieu, en l'absence d'éléments probants, la juridiction administrative n'a retenu aucune faute à la charge de l'établissement. Le juge administratif s'est livré à une appréciation très concrète du dossier : le fait que les tâches dévolues aux agents administratifs affectés au bureau des admissions du service des urgences nécessitent un traitement quotidien de suivi des dossiers, il n'était dès lors pas possible pour l'établissement que l'agent qui ne pouvait être présent que partiellement en raison de son activité syndicale puisse s'acquitter de toutes les tâches normalement confiées aux agents présents à temps plein. Le juge a retenu que, dans l'intérêt du service, l'établissement pouvait légitimement affecter l'agent sur un poste qui n'impliquait pas une présence effective à temps plein.


Par ailleurs, l'agent se plaignait d'être relégué dans un local exigu mais le juge n'a pas vu un traitement discriminatoire parce qu'il a été tenu compte du temps présent très réduit de l'intéressé au sein de l'établissement.

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