Il appartient au Centre national de gestion d’évaluer les personnels de direction des hôpitaux, par quelque moyen que ce soit : en cas d’absence d’évaluation, la responsabilité du CNG est engagée

  • Conseil d'État , Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femme 25/11/2015 - Requête(s) : 383220

I – LE TEXTE DE L'ARRÊT

1. Considérant que les écritures de Mme A…, qui ont été présentées sans le ministère d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, bien que l'intéressée ait été informée de l'obligation de recourir à ce ministère, doivent être écartées des débats ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article 2 du décret du 4 mai 2007 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors applicable, le directeur général du Centre national de gestion assure, au nom du ministre chargé de la Santé, la gestion statutaire et le développement des ressources humaines des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et des praticiens hospitaliers ; qu'à cette fin, il incombe au directeur général du Centre national de gestion d'assurer notamment la nomination dans les corps des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et les autres actes de gestion de leur carrière, ainsi que la tenue d'un dossier individuel par agent ; qu'aux termes de l'article 26 du même décret : « Les biens, droits et obligations de l'État afférents aux missions mentionnées à l'article 2 du présent décret sont transférés au Centre national de gestion » ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la responsabilité pour faute simple du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière peut être engagée du fait du non-respect par l'État de ses obligations en matière de gestion statutaire et de tenue des dossiers des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, y compris pour une période antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 4 mai 2007 ; que, dès lors, la Cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il résultait des dispositions de ce décret que la responsabilité du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers était susceptible d'être engagée pour le non-respect des obligations de ce centre en matière de gestion statutaire et de tenue des dossiers des personnels de direction de la fonction publique hospitalière pour les années 2006 et 2007 ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 : « Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. […] Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi » ; que les fiches d'évaluation figurent parmi les pièces intéressant la situation administrative des fonctionnaires ; qu'il est constant que, saisi par Mme A… de plusieurs demandes de transmission de ses fiches d'évaluation au titre des années 2006 à 2008, le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ne les lui a pas communiquées ; que, dès lors, en relevant qu'il appartenait au Centre national de gestion d'imposer la tenue des entretiens d'évaluation par quelque moyen que ce soit pour en déduire qu'en se bornant à adresser quelques courriers en 2009 à la directrice de l'hôpital où était affectée Mme A…, le centre n'établissait pas avoir respecté ses obligations en matière de gestion statutaire et de tenue du dossier de Mme A…, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits qui lui étaient soumis ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les avis de vacance de postes de personnel de la fonction publique hospitalière mentionnent les fiches d'évaluation parmi les pièces des dossiers de candidature à transmettre ; qu'en estimant que l'impossibilité dans laquelle Mme A… a été placée de pouvoir présenter ses dernières feuilles d'évaluation lui a fait perdre une chance sérieuse de mutation, la cour administrative d'appel de Marseille a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la ministre des Affaires sociales et de la Santé doit être rejeté ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le pourvoi de la ministre des Affaires sociales et de la Santé est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes et à Mme B… A…

CE, Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, 25 novembre 2015, n° 383220

II – COMMENTAIRE

Créé par l'ordonnance du 1er septembre 2005 portant diverses dispositions relatives aux établissements de santé et à certains personnels de la fonction publique hospitalière, le CNG a été mis en place par le décret n° 2007-704 du 4 mai 2007. Le CNG est désormais, par délégation du ministre chargé de la Santé, l'opérateur direct de la direction de l'hospitalisation de l'offre de soins en matière de gestion du personnel hospitalier, tant pour les quelque 4 000 directeurs d'hôpital que pour les quelque 40 000 praticiens hospitaliers (cf. Marine Boutet et Jean-Marie Clément, Dictionnaire des principaux sigles du droit et de l'administration hospitalière, 5e éd., LEH Édition, 2014).

Dans cette affaire, le tribunal administratif de Nice a condamné le CNG à verser à un directeur d'hôpital une indemnité de 2 000 euros en compensation de l'absence de feuilles de notation qui a entraîné le rejet de sa demande de mutation dans un autre établissement public de santé. Le Conseil d'État confirme ce jugement et rejette le pourvoi du ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.

Le Conseil d'État rappelle qu'il appartient au CNG, agissant au nom de l'État, de gérer les dossiers de la carrière de chaque directeur d'hôpital et que l'absence des feuilles de notation et d'évaluation engage sa responsabilité, nonobstant le manque de réponse du chef d'établissement concerné à donner un avis sur son collaborateur. Le Conseil d'État va plus loin en exigeant que cette tenue des dossiers se fasse par quelque moyen que ce soit, c'est-à-dire par sa substitution pure et simple au chef d'établissement ne répondant pas aux demandes d'avis de notation de ses collaborateurs. Rappelons en effet que la note de l'agent et son évaluation sont d'abord proposées par le chef d'établissement et pour ce dernier par le directeur général de l'ARS, puis ensuite rendue définitive par le directeur général du CNG.

Cette décision va considérablement accroître le travail du CNG : c'est la contrepartie d'une centralisation que nous jugeons quelque peu excessive.

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