L’attitude procédurière mais vaine d’un directeur adjoint révoqué à demander des dommages et intérêts à son ancien établissement

  • Cour administrative d'appel Nancy M. A… 27/03/2018 - Requête(s) : 16NC00924

I – LE TEXTE DE L'ARRÊT

1. Considérant que, M. A…, qui avait été nommé directeur-adjoint au centre hospitalier de Vitry-le-François à compter du 1er mai 2010, a été révoqué par un arrêté du 5 mai 2011 de la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ; qu'il a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner le centre hospitalier de Vitry-le-François à réparer les préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de fautes commises par le centre hospitalier postérieurement à sa révocation ; que, par un jugement du 29 mars 2016, dont M. A… relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande indemnitaire ;

2.Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 5424-1 du Code du travail : « Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 : 1° Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'État et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs ainsi que les militaires ; […] » ; que les dispositions de l'article L. 5424-2 du même code prévoient que : « Les employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1 assurent la charge et la gestion de l'allocation d'assurance […] » ;

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. A…, ces dispositions n'imposaient pas au centre hospitalier de l'informer de son droit à bénéficier de l'allocation d'assurance pour perte involontaire d'emploi et des modalités de mise en œuvre de ce droit ; que l'intéressé n'indique par ailleurs pas quel autre fondement prévoirait une telle obligation ; que M. A… n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'en ne l'informant pas de l'existence et de l'étendue de ses droits au bénéfice de l'allocation d'assurance pour perte involontaire de d'emploi, le centre hospitalier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, les dispositions du 1° de l'article L. 5424-1 du Code du travail étendent notamment aux agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'État et de ses établissements publics administratifs, aux agents titulaires des collectivités territoriales et aux agents statutaires des autres établissements publics administratifs le bénéfice de l'allocation d'assurance instituée par l'article L. 5422-1 du Code du travail au profit des « travailleurs involontairement privés d'emploi […] aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure » ; qu'aux termes de l'article L. 5422-2 du même code : « L'allocation d'assurance est accordée pour des durées limitées qui tiennent compte de l'âge des intéressés et de leurs conditions d'activité professionnelle antérieure […] » ; qu'aux termes de l'article R. 5424-2 du même code dans sa rédaction alors applicable : « Lorsque, au cours de la période retenue pour l'application de l'article L. 5422-2, la durée totale d'emploi accomplie pour le compte d'un ou plusieurs employeurs affiliés au régime d'assurance a été plus longue que l'ensemble des périodes d'emploi accomplies pour le compte d'un ou plusieurs employeurs relevant de l'article L. 5424-1, la charge de l'indemnisation incombe à l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L. 5427-1. / Dans le cas contraire, cette charge incombe à l'employeur relevant de l'article L. 5424-1, ou à celui des employeurs relevant de cet article qui a employé l'intéressé durant la période la plus longue » ; qu'il résulte de l'article 3 du règlement général annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'indemnisation du chômage, agréée par un arrêté du 15 juin 2011, que la période retenue pour l'application de l'article L. 5422-2 correspond aux 28 ou 36 mois précédant la fin du contrat de travail selon que, à cette date, le salarié est âgé de moins ou de plus de 50 ans ;

5. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la charge de l'indemnisation, au titre de l'assurance chômage, d'un agent de la fonction publique hospitalière qui s'est trouvé involontairement privé d'emploi, ne peut incomber à l'établissement hospitalier qui l'a employé en dernier lieu que si, durant la période de référence, selon le cas, de 28 ou de 36 mois ayant précédé la perte involontaire de son emploi, l'intéressé, d'une part, n'a pas travaillé pendant une période plus longue pour le compte d'un ou plusieurs employeurs affiliés au régime d'assurance que pour le compte d'un ou plusieurs employeurs relevant de l'article L. 5424-1 du Code du travail et, d'autre part, n'a pas été employé pour une période plus longue par une autre personne publique mentionnée à l'article L. 5424-1 du Code du travail ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, au cours de la période d'affiliation de référence de 36 mois, qui s'étend du 5 mai 2008 au 5 mai 2011, le centre hospitalier de Vitry-le-François n'a employé M. A… que du 1er mai 2010 au 5 mai 2011 alors qu'il a été placé en position de recherche d'affectation auprès du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, établissement public administratif, du 1er décembre 2008 au 30 avril 2010 ; que, M. A… ne conteste pas que le centre hospitalier de Vitry-le-François ne peut pas être regardé comme ayant été son employeur sur la période la plus longue au cours de la période de référence, au sens des dispositions précitées ; qu'en outre, si par une ordonnance du 30 mai 2013 le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'établissement hospitalier à lui verser une provision correspondant à une partie du montant de l'allocation de retour à l'emploi en litige, il ne peut se prévaloir de cette ordonnance, dès lors que, contrairement à ce qu'il soutient, celle-ci n'est pas, au principal, revêtue de l'autorité de la chose jugée ; qu'ainsi M. A… n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui verser l'allocation de retour à l'emploi au-delà du 23 septembre 2012, le centre hospitalier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

7. Considérant en troisième lieu, qu'il est constant que l'ordonnance du 30 mai 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné le centre hospitalier de Vitry-le-François à verser une provision de 20 497,95 euros à M. A… a été notifiée au centre hospitalier le 3 juin 2013 et que, saisi par M. A… d'une demande de paiement de la provision le 24 juin, le centre hospitalier a indiqué à l'intéressé, par un courrier du 25 juillet 2013, qu'il allait procéder au paiement de la provision au mois d'août 2013 ; qu'il résulte de l'instruction que le paiement a été effectif à la fin du mois d'août 2013 ; que le centre hospitalier ne peut être regardé comme ayant refusé de procéder à ce paiement ; que, dans les circonstances de l'espèce, le retard pris par l'établissement pour effectuer ce paiement n'a pas constitué une faute de nature à engager sa responsabilité ;

8. Considérant, en quatrième et dernier lieu que, si M. A… soutient que le centre hospitalier de Vitry-le-François a commis une faute en rédigeant une mauvaise appréciation dans son dossier de validation des acquis de l'expérience, il est constant qu'il n'a exercé ses fonctions de directeur-adjoint au centre hospitalier de Vitry-le-François que du 1er mai 2010 au 5 mai 2011 et qu'il a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, dès le 26 octobre 2010, en raison de sa mise en examen pour conduite sous l'emprise d'alcool, refus d'obtempérer avec mise en danger de la vie d'autrui en état d'ivresse, blessure involontaire avec ITT inférieure à 3 mois ; que ces faits se sont déroulés avec une voiture du service et alors que l'agent était de garde ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le centre hospitalier n'aurait pas tenu compte, pour établir l'évaluation litigieuse, de l'ensemble de la manière de servir de l'agent durant la période au cours de laquelle il a été en fonction ; que l'intéressé n'apporte par ailleurs pas d'éléments de nature à établir que l'appréciation portée par le centre hospitalier aurait été entachée d'une erreur d'appréciation ; que, par suite, M. A… n'établit pas que ce dernier aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A… n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Vitry-le-François, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A… demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier, la somme demandée par le centre hospitalier de Vitry-le-François au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Vitry-le-François sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D… A… et au centre hospitalier de Vitry-le-François.

CAA Nancy, M. A…, 27 mars 2018, n° 16NC00924

II – COMMENTAIRE

Ce n'est pas moins de 150 000 € de dommages et intérêts que réclamait un ancien directeur adjoint à son ancien établissement dans lequel il avait été affecté lorsqu'il a été révoqué par la directrice générale du CNG.

Il ressort des faits de l'affaire que le directeur adjoint avait été, d'abord, suspendu de ses fonctions à titre conservatoire en raison de sa mise en examen pour conduite du véhicule de fonction sous l'emprise d'alcool, refus d'obtempérer avec mise en danger de la vie d'autrui en état d'ivresse, blessures involontaires avec ITT inférieur à 3 mois, et ce, alors qu'il était de « garde » (voir « Les astreintes et permanences des personnel non médicaux », FDH n° 278, p. 4335, disponible dans sa version numérique sur www.hopitalex.com). Puis, il avait ensuite été révoqué par la directrice générale du CNG.

La demande d'indemnités, particulièrement élevée, qui avait été présentée devant la juridiction administrative par l'ancien directeur adjoint contre son ancien établissement a été rejetée. A la lecture de l'arrêt rendu, nous en retiendrons un double enseignement.

D'une part, le requérant demandait des dommages et intérêts contre son ancien établissement au motif qu'il n'avait pas été informé de l'existence et de l'étendue de ses droits à bénéficier de l'allocation d'assurance pour perte d'emploi. Sa demande a été purement et simplement rejetée car le juge administratif affirme, sans l'ombre d'un doute, qu'il n'existe pas d'obligation à la charge de l'établissement d'informer l'agent involontairement privé d'emploi de son droit au chômage. Autrement dit, aucune faute n'a été jugée imputable à l'établissement.

D'autre part, le requérant soutenait que l'établissement avait commis une faute en rédigeant une mauvaise appréciation dans son dossier de validation des acquis de l'expérience. Sa demande a également été rejetée.

Il ressort très nettement de l'arrêt rendu que l'établissement devait tenir compte de l'ensemble de la manière de servir du directeur adjoint pour rédiger une appréciation dans son dossier de validation des acquis de l'expérience. Il faut préciser que le directeur adjoint, avant sa révocation, avait exercé au sein de l'établissement du 1er mai 2010 au 5 mai 2011 et qu'il avait été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire dès le 26 octobre 2010 en raison des faits délictueux qui lui étaient reprochés.