Le contrat de séjour qui lie un établissement médico-social à un résident n’a pas pour effet de créer une situation contractuelle

Publié en novembre 2017 | FJH n°090 , p.463

Contrat de séjour Relation non contractuelle

Voir également :
  • Conseil d'État Mme A... 05/07/2017 - Requête(s) : 399977

I – LE TEXTE DE L’ARRÊT

1. Considérant que la prise en charge d’une prestation d’aide à domicile par un centre communal d’action sociale, établissement public administratif en vertu des dispositions de l’article L. 123-6 du Code de l’action sociale et des familles, a le caractère d’un service public administratif ; que les usagers de ce service public ne sauraient être regardés comme placés dans une situation contractuelle vis-à-vis de l’établissement concerné, alors même qu’ils concluent avec celui-ci un « contrat de séjour » ou qu’est élaboré à leur bénéfice un « document individuel de prise en charge », dans les conditions fixées par l’article L. 311-4 du même code ; que le moyen tiré de ce qu’un litige opposant un tel service public administratif à un de ses usagers ne peut être réglé sur un fondement contractuel est relatif au champ d’application de la loi et est, par suite, d’ordre public ;

2. Considérant qu’il suit de là qu’en réglant le litige opposant Mme A…, ayant droit de Mme B…, au centre communal d’action sociale de Quimper sur le fondement de la responsabilité contractuelle de cet établissement, en application du « contrat de prise en charge » signé par son vice-président et par Mme B..., la cour administrative d’appel de Nantes a méconnu le champ d’application de la loi ; que Mme A… est ainsi fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens du pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

3. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n’est pas la partie perdante, le versement des sommes que demande, à ce titre, le centre communal d’action sociale de Quimper ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du centre communal d’action sociale de Quimper le versement d’une somme de 3 000 euros à Mme A… au titre des mêmes dispositions ;

 

DÉCIDE 

Article 1er : L’arrêt du 22 mars 2016 de la cour administrative d’appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à cour administrative d’appel de Nantes.

Article 3 : Le centre communal d’action sociale de Quimper versera la somme de 3 000 euros à Mme A… au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par le centre communal d’action sociale de Quimper sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... A…et au centre communal d’action sociale de Quimper.

Copie en sera adressée à la ministre des Solidarités et de la Santé et à la caisse primaire d’assurance maladie du Finistère Sud.

CE, Mme A…, 5 juillet 2017, n° 399977 

 

II – COMMENTAIRE 

Pour toutes les directions des établissements médico-sociaux, l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 5 juillet 2017 fera date. 

Dans cette affaire, une résidente avait, semble-t-il, lourdement chuté à son domicile, dans le cadre du contrat signé avec le CCAS et avait recherché la responsabilité de l’établissement pour obtenir réparation de ses préjudices. 

La requérante réclamait une somme de 20 465,77 euros.

Les juges du fond avaient constamment refusé de faire droit à la requête. 

Cependant l’arrêt qui avait été rendu par la cour administrative d’appel de Nantes le 22 mars 2016 a été annulé parce que la juridiction administrative s’était fondée sur la responsabilité contractuelle de l’établissement. 

Or, pour le Conseil d’État, il est admis que les usagers d’un service public administratif : « ne sauraient être regardés comme placés dans une situation contractuelle vis-à-vis de l’établissement concerné, alors même qu’ils concluent avec celui-ci un contrat de séjour" ou qu’est élaboré à leur bénéfice un document individuel de prise en charge »

Cette situation est exactement la même que pour l’usager d’un établissement public de santé. Pour autant, le Conseil d’État n’a pas dénié le caractère contractuel du contrat de séjour comme il l’avait fait pour le contrat d’activité libérale du praticien hospitalier (CE, 28 décembre 2001, Syndicat national de défense l’activité libérale de la médecine à l’hôpital, n° 229718, FJH n° 026, 2002, p. 97, disponible dans sa version numérique sur www.hopitalex.com).

Pour revenir à l’usager d’un établissement médico-social, sa situation est d’ordre légal et réglementaire de droit public, comme l’est d’ailleurs celle de l’usager d’un établissement public de santé.