L’inscription au tableau d’avancement de grade n’équivaut pas à la promotion : le choix appartient à l’autorité hiérarchique

Publié en novembre 2016 | FJH n°089 , p.445

Inscription Tableau Avancement de grade Choix

Voir également :
  • Cour administrative d'appel Nancy Dame A… B… c/ EHPAD de Châteauvillain 05/07/2016 - Requête(s) : 15NC00235

I – Le texte de l'arrêt


1. Considérant que Mme B… a été employée par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Châteauvillain, en qualité d'aide-soignante, à compter du 1er novembre 1983 et titularisée le 1er janvier 1986 ; qu'elle a exercé ses fonctions au sein de cet établissement jusqu'à son admission à la retraite, le 30 novembre 2010, alors qu'elle était au huitième échelon du grade d'aide-soignant de classe normale ; qu'elle estime avoir été victime d'une discrimination tout au long de sa carrière et demande réparation du préjudice ainsi subi, qu'elle évalue à la somme de 30 000 euros ; que Mme B… relève appel du jugement du 1er décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande indemnitaire ;


Sur la régularité du jugement attaqué :


2. Considérant que Mme B… fait grief au tribunal de ne pas avoir fait usage de ses pouvoirs d'instruction en ordonnant à l'EHPAD de Châteauvillain la production des fiches de notation de ses anciennes collègues aides-soignantes ; que la méconnaissance, ainsi invoquée, par le juge de son office, qui est susceptible d'affecter le bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité ;


Sur les conclusions indemnitaires de Mme B… :


3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : « Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l'article 17 du titre Ier du statut général est exercé par l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du ou des supérieurs hiérarchiques directs. Les commissions administratives paritaires ont connaissance des notes et appréciations ; à la demande de l'intéressé, elles peuvent en proposer la révision » ;


4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article 3 du décret statutaire du 18 avril 1989 puis de l'article 5 du décret du 3 août 2007 portant création du corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés que les aides-soignants sont classés en trois grades, soit les aides-soignants de classe normale, les aides-soignants de classe supérieure et les aides-soignants de classe exceptionnelle ; que les dispositions des articles 4 et 4-1 du décret du 18 avril 1989 puis de l'article 13 du décret du 3 août 2007 prévoient que l'avancement de grade se fait dans les conditions fixées au 1° de l'article 69 de la loi du 9 janvier 1986 ; que selon ces dernières dispositions, l'avancement de grade a lieu « au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire par appréciation de la valeur professionnelle des agents » ;


5. Considérant que Mme B… soutient qu'elle a fait l'objet d'une discrimination constante de la part de son employeur, tant dans la progression de sa notation que dans l'évolution de sa carrière ; qu'elle fait plus particulièrement grief à l'EHPAD de Châteauvillain de l'avoir maintenue dans le grade d'aide-soignant de classe normale, alors que d'autres collègues, moins anciennes qu'elle dans le corps, auraient bénéficié d'un avancement dans le grade d'aide-soignant de classe supérieure puis d'aide-soignant de classe exceptionnelle ;


6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment des fiches de notation de Mme B…, établies tout au long de sa carrière, que la valeur professionnelle et la manière de servir de l'intéressée ont fait l'objet d'évaluations médiocres ; que, notamment, ses six évaluateurs successifs ont, de façon constante, relevé un manque de ponctualité et des difficultés à travailler en équipe ; qu'ils ont également considéré, à plusieurs reprises, que son aptitude au service n'était pas suffisante, qu'elle devait fournir des efforts d'application dans l'exécution de son travail et dans son comportement avec les personnes hospitalisées ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la commission administrative paritaire aurait proposé une révision de la note attribuée à Mme B… ; que la circonstance que la note individuelle de la requérante est restée inférieure à la note moyenne générale du grade ne saurait, eu égard aux éléments contenus dans ses fiches de notation, révéler l'existence d'une discrimination ;


7. Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme B… a été, à deux reprises au moins, inscrite au tableau d'avancement ; que toutefois, compte tenu de ce que l'avancement de grade se fait au choix par appréciation de la valeur professionnelle de l'agent, les appréciations portées par ses supérieurs hiérarchiques successifs expliquent que Mme B… n'a pas bénéficié d'une promotion au grade d'aide-soignant de classe supérieure, alors même qu'elle remplissait les conditions d'ancienneté dans le grade et l'échelon ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle aurait subi une discrimination dans le déroulement de sa carrière, ni que son administration aurait méconnu le principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires d'un même corps ; 


8. Considérant enfin, que les circonstances que l'EHPAD de Châteauvillain n'a pas spontanément organisé une cérémonie à l'occasion de son départ à la retraite et qu'il ne l'a pas conviée à la cérémonie de présentation des vœux du directeur pour l'année 2011 ne sont pas susceptibles, à elles seules, de démontrer l'existence d'une discrimination ;


9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale soulevée par l'EHPAD de Châteauvillain, que Mme B… n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :


10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EHPAD de Châteauvillain, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B… demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'EHPAD de Châteauvillain sur le fondement des mêmes dispositions ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.


Article 2 : Les conclusions de l'EHPAD de Châteauvillain présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… B… et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes « Maison de retraite du Mail » de Châteauvillain.


CAA Nancy, Dame A… B… c/ EHPAD de Châteauvillain, 5 juillet 2016, n° 15NC00235



II – COMMENTAIRE


Une aide-soignante considère qu'elle a subi un préjudice moral du fait d'un traitement discriminatoire pendant sa carrière ; pour cela, elle étaie ses dires sur diverses mesures vexatoires ou discriminantes comme :


- l'absence d'évolution tout au long de sa carrière comparée avec les promotions de ses collègues ;

- le refus systématique de l'inscrire au tableau d'avancement ;

- l'absence de cérémonie pour son départ à la retraite.


  1. L'évolution de la carrière d'un agent dépend des notes et appréciations, et si celles-ci ne lui conviennent pas, il peut former un recours pour excès de pouvoir, ce qui n'a pas été fait par la requérante qui est déboutée de ce moyen.

  1. L'évolution de la carrière concerne l'avancement et la promotion ; si l'avancement est fonction de l'ancienneté dûment pondérée par le niveau de notation de l'agent concerné par rapport à ses collègues, la promotion à une classe supérieure est du choix du directeur après inscription sur un tableau d'avancement. L'intéressée conteste – avec retard puisqu'elle le fait à sa retraite – cette non-inscription qui n'est pas de droit mais est au choix du directeur en tant qu'autorité hiérarchique (cf. article 69, al.1 de la loi du 9 janvier 1986 relative aux fonctionnaires hospitaliers). De plus, l'intéressée a bien été inscrite deux fois au tableau d'avancement contrairement à ses dires, mais cette inscription n'a pas abouti à sa promotion car le directeur ne l'a pas appréciée par rapport à ses autres collègues qui furent promus. Rappelons que les juges ont examiné la nature du choix en vérifiant la véracité des dires du directeur par rapport aux notes et appréciations contenues dans le dossier.

  1. La cérémonie de départ à la retraite n'est pas une obligation légale et son absence ne saurait caractériser une quelconque discrimination.