Dans le silence des statuts, le secrétaire général représentant le syndicat dans les actes de la vie civile est tacitement investi du droit d’ester en justice

  • Conseil d'État Syndicat régional CFDT Santé sociaux de Corse 27/06/2016 - Requête(s) : 388758

I – LE TEXTE DE L'ARRȆT


1. Considérant qu'en l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter cette association ou ce syndicat en justice ; qu'une habilitation à représenter une association ou un syndicat dans les actes de la vie civile doit être regardée comme habilitant à le représenter en justice ;


2. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que l'article 15 des statuts du syndicat régional CFDT santé sociaux de Corse, aux termes duquel « le secrétaire régional représente le syndicat régional dans les actes de la vie civile », ne conférait pas au secrétaire régional le pouvoir d'ester en justice alors que les statuts ne réservaient expressément à aucun autre organe le soin de représenter le syndicat en justice, pour en déduire que seul le congrès régional pouvait décider d'une action en justice, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;


3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Castellucio la somme de 3 000 euros à verser au syndicat régional CFDT santé sociaux de Corse, au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du syndicat régional CFDT santé sociaux de Corse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


DÉCIDE :


Article 1er : L'arrêt du 13 janvier 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.


Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.


Article 3 : Le centre hospitalier de Castelluccio versera une somme de 3 000 euros au syndicat régional CFDT santé sociaux de Corse au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.


Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Castelluccio au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.


Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat régional CFDT santé sociaux de Corse, au centre hospitalier de Castelluccio et à MM. D… F…, E… C… et A… B…


CE, Syndicat régional CFDT santé sociaux de Corse, 27 juin 2016, n° 388758



II – COMMENTAIRE


L'affaire relative au pouvoir d'ester en justice d'un secrétaire de syndicat, en l'absence de précision idoine des statuts, avait fait l'objet d'une décision négative de la cour administrative d'appel de Marseille. En l'absence de pouvoir explicite contenu dans les statuts d'un syndicat, le secrétaire de celui-ci ne peut être autorisé à ester en justice (CAA Marseille, CH de Castelluccio, 13 janvier 2015, n° 14MA02895 et n° 14MA02896 ; FJH n° 46, mai 2015, p. 229 et s., disponible dans sa version numérique sur www.hopitalex.com).


Le Conseil d'État rappelle fort à propos qu'en l'absence dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de dispositions (le juge administratif dit « stipulations », ce qui est malvenu car ce dernier ne concerne que les contrats et les marchés), réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action en justice, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter cette association ou ce syndicat en justice. Dès lors, les statuts du syndicat réservant à son secrétaire général le pouvoir de le représenter dans les actes de la vie civile, et considérant que les statuts ne précisaient pas à un autre organe directeur la capacité d'ester en justice, cette dernière appartenait de fait et en conséquence de droit au secrétaire du syndicat.


Comment se fait-il que les juges de la cour administrative d'appel de Marseille aient commis cette erreur de droit ? L'excès de précisions amène un excès de juridisme manifeste. Si le secrétaire d'un syndicat a le pouvoir de le représenter dans les actes de la vie civile et si aucune autre instance n'a reçu cette capacité dans les statuts dudit syndicat, comment peut-on refuser audit secrétaire le droit de représenter son organisation en justice ? Est-ce que cette assimilation peut nuire au fonctionnement démocratique du syndicat ? Si tel était le cas, il appartient alors à l'organe directeur (bureau, conseil d'administration ou assemblée générale) de délibérer pour désavouer son secrétaire et remettre à une autre instance (bureau, CA ou AG) le droit d'agir en justice.