Le versement des émoluments à un PH suspendu provisoirement par le directeur d’hôpital doit être maintenu tant que la décision n’est pas rapportée

  • Cour administrative d'appel Nantes Centre hospitalier du Haut-Anjou 08/06/2018 - Requête(s) : 16NT02760

Résumé

Le PH suspendu provisoirement par le directeur d'hôpital puis interdit d'exercice par l'autorité judiciaire a droit au maintien de ses émoluments mensuels tant que la décision de suspension provisoire reste en vigueur.

I – LE TEXTE DE L'ARRÊT

1. Considérant que, par une décision du 29 mars 2013, M. C…, praticien hospitalier, a été suspendu de ses fonctions dans l'intérêt du service, avec maintien de l'intégralité de ses émoluments, par le directeur du centre hospitalier du Haut-Anjou ; que, l'intéressé ayant ensuite été interdit d'exercer l'activité de médecin par l'autorité judiciaire, le directeur du centre hospitalier du Haut-Anjou a, par la décision contestée du 28 août 2014, mis fin au versement de ses émoluments ; que le centre hospitalier relève appel du jugement du 28 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision ainsi que la décision du 10 septembre 2014 portant rejet du recours gracieux formé par M. C… ;

2. Considérant que selon l'article L. 6143-7 du Code de la santé publique, le directeur de l'établissement public de santé « exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle du praticien dans l'exercice de son art. » ; qu'en application de ces dispositions, le directeur d'un centre hospitalier peut légalement, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein de son établissement, sous le contrôle du juge et à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné ;

3. Considérant que si, en vertu des dispositions de l'article R. 6152-77 du Code de la santé publique, l'autorité compétente peut décider de réduire, dans la limite de la moitié, le montant des émoluments versés à un praticien hospitalier suspendu ayant fait l'objet d'une décision de justice lui interdisant d'exercer la médecine et si, par ailleurs, elle a la faculté, dans les mêmes circonstances, de mettre fin à tout moment à la mesure de suspension de ce praticien hospitalier, qui a un caractère provisoire, puis, constatant l'absence de service fait, de mettre également fin au versement de la totalité de ses émoluments, aucun texte ou principe ne lui permet, en revanche, de cesser de verser la totalité des émoluments d'un praticien hospitalier lorsque la mesure de suspension frappant celui-ci est toujours en vigueur ;

4. Considérant qu'il est constant que la décision du 29 mars 2013 par laquelle le directeur du centre hospitalier du Haut-Anjou a suspendu M. C… avec maintien du versement de ses émoluments n'avait pas été abrogée lorsque cette même autorité a décidé, le 28 août 2014, d'interrompre en totalité ce versement ; que, dès lors, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Nantes, la décision de suspension prise le 29 mars 2013 faisait, alors même que l'intéressé avait fait l'objet d'une mesure d'interdiction d'exercer la médecine, obstacle à ce que puisse être légalement prise la décision contestée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier du Haut-Anjou n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de M. C… ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. C…, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse au centre hospitalier du Haut-Anjou la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier du Haut-Anjou une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C… et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier du Haut-Anjou est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier du Haut-Anjou versera à M. C… la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier du Haut-Anjou et à M. A… C.

CAA Nantes, Centre hospitalier du Haut-Anjou, 8 juin 2018, n° 16NT02760

II – COMMENTAIRE

L'arrêt rendu par la cour administrative de Nantes le 8 juin 2018 permet d'enrichir le droit de la suspension provisoire d'un PH ordonné par le directeur d'hôpital. Les faits étaient les suivants : un praticien hospitalier avait été suspendu de ses fonctions dans l'intérêt du service avec maintien de l'intégralité de ses émoluments par le directeur du centre hospitalier du Haut-Anjou. Puis, ce PH avait été interdit d'exercer l'activité de médecin par l'autorité judiciaire. C'est alors que le directeur de l'hôpital avait pris une nouvelle décision mettant fin au versement des émoluments du PH mais sans rapporter formellement la décision de suspension provisoire qu'il avait prise antérieurement dans l'intérêt du service. Le PH avait contesté la décision de suspension de ses émoluments devant la juridiction administrative. Tant en première instance que devant la cour administrative d'appel de Nantes, le PH avait obtenu gain de cause. L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Nantes le 8 juin 2018 est doublement intéressant.

D'une part, le juge d'appel rappelle opportunément que pendant toute la durée de suspension provisoire de ses activités cliniques et thérapeutiques, le PH a droit au versement de ses émoluments mensuels. Rappelons également que lorsque le directeur prend la décision de suspendre provisoirement le PH pour assurer la continuité du service et la sécurité des patients, il doit en référer immédiatement aux autorités de tutelles pour que celles-ci engagent la procédure idoine (insuffisance professionnelle ou procédure disciplinaire).

En outre, la suspension provisoire du PH ordonné par le directeur de l'hôpital n'est enfermée dans aucun délai à la différence de la suspension provisoire ordonnée par le directeur général du CNG.

En second lieu, l'autre point plutôt intéressant et qui ressort de l'arrêt rendu par le juge administratif d'appel de Nantes est l'affirmation suivante par ce dernier : « l'autorité compétente, peut décider de réduire, dans la limite de la moitié, le montant des émoluments versés à un praticien hospitalier suspendu ayant fait l'objet d'une décision de justice lui interdisant d'exercer la médecine et si, par ailleurs, elle a la faculté, dans les mêmes circonstances, de mettre fin à tout moment à la mesure de suspension de ce praticien hospitalier, qui a un caractère provisoire, puis constatant l'absence de service, de mettre également fin au versement de la totalité de ses émoluments, aucun texte ou principe ne lui permet, en revanche, de cesser de verser la totalité des émoluments d'un praticien hospitalier lorsque la mesure de suspension de celui-ci est toujours en vigueur ».

Dès lors, il faut comprendre que dans l'affaire jugée, le directeur du centre hospitalier du Haut-Anjou aurait dû, immédiatement après l'interdiction d'exercice décidée par l'autorité judiciaire à l'égard du médecin, rapporter formellement sa décision de suspension provisoire et ensuite, le versement des émoluments mensuels au PH ne se justifiait plus. En effet, du fait de la disparition de la décision de suspension provisoire, le directeur pouvait constater l'absence de service fait par le PH et ainsi prendre la décision de stopper le versement des émoluments au PH.