Dans un arrêt du 8 décembre 2023, n°435266, le Conseil d’État rappelle l’importance de la condition de bonne foi, nécessaire pour se prévaloir de la qualité de lanceur d’alerte.
La présente affaire traite d’un salarié de la SNCF, exerçant un mandat de représentant syndical, qui a adressé un premier courrier électronique à une quinzaine de dirigeants et d'agents de la SNCF, dans lequel il mettait en cause « son ancien supérieur hiérarchique direct en l'accusant, sans apporter de précision, de commettre un "délit d'abus de bien social" résultant de "l'utilisation massive" "d'emplacements de parkings à des fins personnelles", et en dénonçant "une longue liste de délits" ainsi que des "affaires de clientélisme, de népotisme, de conflits d'intérêts" et de "prises illégales d'intérêts" ». « Par deux autres courriers électroniques […], il a qualifié son ancien supérieur hiérarchique de "sinistre personnage" ayant "sa garde rapprochée", et indiqué ne plus vouloir accepter de mission provenant du service dirigé par ce dernier, qualifié de "truand corrompu" et dénoncé les "sombres activités de certains dirigeants". »
De fait, par une autorisation administrative délivrée le 20 mai 2015 par la ministre du Travail, le salarié a été licencié.
Afin d’échapper à la sanction disciplinaire de licenciement, celui-ci se prévaut de la qualité de lanceur d’alerte. En effet, le salarié ou l’agent qui dénonce une infraction, en respectant les conditions prévues légalement, bénéficie d'un régime de protection : aucune sanction ne pourra être prise à son encontre (civile, pénale, ordinale…), la confidentialité sera préservée, il sera protégé contre d’éventuelles mesures discriminatoires de son employeur et enfin, toute personne qui a fait obstacle à la transmission du signalement pourra être sanctionnée.
Or, tant en droit du travail (article L1132-3-3 du Code du travail) qu’en droit de la fonction publique (article 135-4 du CGFP et article 6 de la loi du 9 décembre 2016), la qualité de lanceur d’alerte est assujettie à plusieurs conditions (Voir : FDH « Le lanceur d’alerte dans la fonction publique ») notamment celle d’être de bonne foi.
En l’espèce, la haute juridiction estime ces accusations sont d'une particulière gravité et « formulées en des termes généraux et outranciers, sans que l'intéressé ait été par la suite en mesure de les préciser d'aucune manière ». En outre, elles s’inscrivent « dans le cadre d'une campagne de dénigrement dirigée contre son ancien supérieur hiérarchique direct, se traduisant par la mise en cause répétée de celui-ci pour des pratiques illégales » que l’intéressé « n'a jamais étayées par le moindre élément factuel ». Le juge conclu, logiquement, qu’il ne peut être regardé comme ayant agi de bonne foi.
En clair, en l’absence de bonne foi, le salarié, comme l’agent public, ne peut bénéficier de la protection accordée aux lanceurs d’alerte.