Publié en juillet 2024
Harcèlement moral Faute détachable du service Partie civile Comité social d'établissement CSE
Voir également :Cette décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation, publiée au Bulletin, est intéressante au-delà de l'analyse du harcèlement moral reproché à la directrice d'un centre hospitalier.
En l'occurrence, le harcèlement a été retenu par la cour d'appel de Rennes, en date du 3 mai 2023, qui l'a condamnée à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et s'est prononcée sur les intérêts civils.
La Cour de cassation a jugé le 25 juin 2024 (pourvoi n°23-83.613) en rejetant le pourvoi sur ce point. En effet, la chambre criminelle estime que “à compter du 21 janvier 2014, Mme [J] a été avisée que certains personnels se plaignaient d'être en souffrance au travail et n'a pu également ignorer que des critiques étaient directement formulées sur sa direction, notamment par des personnels de l'établissement qui ont souligné la dureté de son management et de son comportement à leur égard.” L'information venant de l'inspection du travail, la cour d'appel a pu, sans erreur, par “son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve produits aux débats” retenir comme “caractérisé le délit de harcèlement moral commis au préjudice des quatre agents […] en retenant à l'encontre de la prévenue des propos et comportements répétés, confortés par de nombreux témoignages de personnels de l'établissement, ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail de ces salariés, ce dont elle avait nécessairement conscience compte tenu de ce contexte.”
En revanche, la Cour casse partiellement sur les intérêts civils. En effet, un syndicat et le comité social d'établissement s'étaient constitués partie civile, aux côtés des plaignants personnes physiques, et avaient obtenu 1 euros de dommages et intérêts. Il s'agissait, ni plus ni moins, de reconnaître la responsabilité civile de l'intéressée, agent public. Or, seule la faute détachable des fonctions le permet. La Cour de cassation rappelle alors que “en se reconnaissant ainsi compétente pour statuer sur la responsabilité civile de la prévenue, directrice d'un établissement public hospitalier ayant agi dans l'exercice de ses fonctions, sans rechercher si les fautes imputées à celle-ci présentaient le caractère d'une faute personnelle détachable du service”, la cour d'appel a méconnu les textes.
De plus, la cour d'appel a également commis une erreur en accueillant la constitution de partie civile du CSE, venant aux droits du CHSCT du Centre hospitalier, au motif “les faits de harcèlement retenus ont directement affecté les conditions de travail de plusieurs agents de cet établissement.” La Cour de cassation expose que “le CSE, venant aux droits du CHSCT, n'a pas pour mission de représenter les différentes catégories du personnel, ni les intérêts généraux de la profession, et ne tient d'aucune disposition de la loi le droit d'exercer les pouvoirs de la partie civile sans avoir à justifier d'un préjudice personnel découlant directement des infractions poursuivies, y compris en matière de conditions de travail.”
La chambre criminelle casse et annule sur ce dernier point mais pas sur la qualification de harcèlement moral.