Mobilités public/privé : peut mieux faire selon la Cour des comptes

La loi du 6 août 2019 a rénové le cadre des activités “privées” que les agents publics peuvent être autorisés à exercer en sus de leur activité publique ou lorsqu'ils cessent leurs fonctions (temporairement ou définitivement) afin de mesurer le risque pénal et le risque déontologique (Voir nos fiches dédiées : “L’activité privée des agents publics” et “Le référent déontologue dans la fonction publique hospitalière”).

Notamment, les mobilités public/privé ont été redéfinies et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a remplacé la commission de déontologie. 

Cependant, la réglementation relative à ces mobilités demeure largement inappliquée. La HATVP le souligne déjà dans son rapport d'activité 2023 (voir “Rapport d'activité 2023 de la HATVP”, juin 2024). Rien d'étonnant alors que le rapport de la Cour des comptes “Les mobilités entre les secteurs public et privé” partage ces mêmes constats.

Si l'on analyse uniquement la fonction publique hospitalière, les contrôle sont “quasi inexistants” en raison “d’une méconnaissance générale et du non-respect des procédures de contrôle déontologique, y compris pour les postes de direction” appuyée par l'absence de référent déontologue ou de charte de déontologie dans les établissements, alors qu'il s'agit d'une obligation. Entre 2021 et 2023, la HATVP n'a été saisie que "15 fois pour des départs de la fonction publique hospitalière et jamais pour l’entrée dans celle-ci."  En outre, lorsque les référents sont nommés, ils demeurent méconnus des agents, là encore en méconnaissance de la réglementation.

Les praticiens hospitaliers (PH) jouissent, en outre, d'un cadre dérogatoire, ce qui explique la hausse exponentielle des disponibilités (+330% entre 2012 et 2022). Ils vont ainsi exercer principalement en libéral ou en établissement de santé privé. Par ailleurs, les différentes réformes menées pour renforcer l'attractivité des carrières médicales ont abouti à assouplir les possibilités de cumul : cumul d'activité pour les PH et les praticiens contractuels qui exercent au maximum à 90% à l'hôpital sur simple demande au directeur, exercice partagé pour les praticiens contractuels exerçant 4 demi-journées par semaine en centre hospitalier tout en ayant une activité de médecine de ville ou en établissement privé de santé. Or, la Cour souligne l'impact de ces mesures sur le temps travaillé à l'hôpital. Il n'existe pas, pour les personnels gérés par le Centre national de gestion (directeurs d’hôpital, directeurs d’établissement sanitaire, social et médico-social ou directeur des soins, praticiens hospitaliers et praticiens hospitalo-universitaires) de charte déontologique. LE CNG a indiqué la finalisation d'un guide pour “mieux informer les professionnels gérés et leurs établissements de leurs responsabilités en la matière”.

Alors que la DGOS envisage “d’autoriser l’exercice mixte pour les sages-femmes”, elle reconnaît aussi l'absence d'évaluation de la pertinence de ce dispositif d'exercice partagé.

Plus largement, les cumuls d'emplois irréguliers des personnels soignants exposent certes à des sanctions disciplinaires lorsqu'ils sont décelés, mais rejoignent la problématique du temps de travail, lorsque les agents exercent ces cumuls sur des temps de récupération par exemple.

La HATVP rend des avis de compatibilités, avec ou sans réserves, et plus rarement des avis d'incompatibilités. Ils s'imposent à l'agent et l'administration. Le non-respect de l'avis a des conséquences précises : sanctions disciplinaires, retenue sur pension si le fonctionnaire est retraité, interdiction de recruté l'agent contractuel intéressé au cours des trois années suivant la date de notification de l'avis rendu par la HATVP, fin du contrat (article L.124-14 code général de la fonction publique). La HATVP peut également opérer un signalement auprès du Parquet. Toutefois, l'interdiction de recruter l'agent contractuel a été analysée comme une punition automatique par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2024-1120 QPC du 24 janvier 2025 qui en a déclarée l'inconstitutionnalité. Si l'abrogation est reportée au 31 janvier 2026, “l’administration peut écarter la sanction prévue par ces dispositions ou en moduler la durée pour tenir compte des circonstances propres à chaque espèce” jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation (voir “Navette public-privé-public et HATVP : inconstitutionnalité partielle dans le code général de la fonction publique”). La HATVP est d'ailleurs critique vis-à-vis de cet article L.124-20.

La direction générale de l’offre de soins (DGOS), chargée de la tutelle des établissements hospitaliers publics, a indiqué qu’il serait opportun « d’expliciter davantage la réglementation actuellement en vigueur » pour lui permette de faire des rappels à la loi.” La Cour des comptes l'invite à se rapprocher de la HATVP. 

Il serait opportun également de recenser les emplois à risque en y associant la procédure requise et de fluidifier le parcours devant la Haute autorité.