Refus de CDD, allocation chômage et urgence : le CE poursuit son analyse bienveillante du référé suspension

Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Tels sont les termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative qui justifie la suspension d'une décision. Il faut que l'urgence le justifie et qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de ladite décision.

Depuis quelque temps, le Conseil d'État s'attache à définir précisément la situation du requérant à laquelle la décision contestée porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate. Particulièrement, la situation financière est scrutée et développée par le Conseil d'État.

Dans l'affaire jugée en cassation de l'ordonnance du TA de Nantes du 21 octobre 2022, le CE a ainsi reproché au juge des référés de s'être fondé sur des circonstances sans prendre en considération la situation financière de Mme B... alors qu'elle en invoquait la précarité (CE, 20/06/2023, n°468720).

Les faits portés à la connaissance du CE étaient à la fois assez communs et originaux. Assez commun car il s'agissait simplement du versement des allocations chômage par un centre hospitalier au motif qu'il était l'employeur ayant eu la plus longue période d'emploi avec l'intéressée, Mme B. Cette dernière avait démissionné du CH, puis avait été employée par un établissement privé et, du fait des durées d'emploi, le centre hospitalier était redevable des allocations chômage.

L'originalité se situe sur l'argument ayant fondé le refus des ARE. Le CH, qui n’était donc pas le dernier employeur, propose un emploi à Mme B, à temps partiel (ou non complet selon la juridiction saisie) et lui précise que son refus l'empêchera de percevoir le chômage, puisqu'elle ne pourrait être regardée comme ayant été involontairement privée d'emploi. 

En référé, le le TA de Nantes rejette sa demande car elle n'établit pas ni même n'allègue se trouver dans l'impossibilité d'exercer une autre activité professionnelle, alors de surcroît que, par la décision litigieuse, elle s'est vu proposer un poste à temps non complet en tant qu'auxiliaire de vie sociale. 

En cassation, le CE relève que “Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence”. Or, le TA de Nantes ne s'est pas attaché à la situation financière de Mme B…, ni à sa précarité et, ce faisant “le juge des référés a, eu égard à la nature et aux effets d'une décision qui la privait du bénéfice de l'aide au retour à l'emploi, entaché son ordonnance d'une erreur de droit”.

Au surplus, le CE précise que “l'employeur public ne peut soutenir que, dans une telle situation, l'intéressé ne peut être regardé comme n'ayant pas été involontairement privé d'emploi au motif qu'il aurait refusé son offre d'un nouvel emploi en contrepartie du non versement de l'aide au retour à l'emploi”. Et ce d'autant plus que le centre hospitalier n'était pas le dernier employeur de Mme B…Cela crée “un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée”.

Le CE suspend dès lors la décision refusant le versement des ARE.