Santé mentale : la nouvelle ministre de la santé (et du travail et des solidarités) répond sur l'état de la psychiatrie en France

Lors de la séance des questions au Gouvernement, ce mercredi 17 janvier 2024, la nouvelle ministre du travail, de la santé et des solidarités a répondu à de nombreuses questions, dont le financement et l'attractivité étaient au centre. Les députés ont majoritairement souligné la désaffection soignante qui frappe le secteur, la fermeture des lits et le manque de moyens en relais de ville. 

 

Les dépenses d'assurance maladie représentent ainsi plus de 12 milliards en 2023, soit 32% de plus qu'en 2020. Catherine Vautrin souligne par ailleurs que “l'un des grands problèmes que nous rencontrons … c'est effectivement ce phénomène très hétérogène de l'offre à l'échelle du territoire”. Pour autant, comme le note avec sévérité Aurélien Pradié, il s'agit d'un véritable “naufrage” auquel ont contribué tous les gouvernements successifs. Le Conseil national de la refondation aura lieu, précise-t-elle en réponse ; les moyens sont beaucoup plus importants aujourd'hui. 

 

La profession compte environ 15500 médecins psychiatres au 1er janvier 2022 dont la moitié sont hospitaliers mais 30% des postes sont vacants à l'hôpital, ce qui affecte la prise en charge des patients, rappelle Maxime Minot ; de surcroît, le poste d'infirmiers vacants a doublé entre 2019 et 2022. Dès lors, comment favoriser l'attractivité, et notamment en pédopsychiatrie qualifiée de “spécialité sinistrée” ? Michel Herbillon expose, à cet égard, que le temps d'attente dans les CMP peut atteindre 1 an pour cette spécialité. Aux termes d'échanges quelque peu houleux, Catherine Vautrin expose que la refonte du référentiel infirmier en 2024 "devrait permettre d'actualiser le cadre de formation". Le déploiement d'infirmiers en pratique avancée de psychiatrie en santé mentale présente “l'immense avantage d'être en proximité”. La “hausse des postes aux examens nationaux” et la création de la spécialité psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et de la personne âgée depuis 2017 sont les moyens mis en œuvre par le Gouvernement, mais, concède la ministre, il n'y a pas de “baguette magique” pour rattraper le retard dans la mesure où les études sont longues, et où 30% des médecins ont 60 ans ; en 2023, 12% des internes seulement ont fait le choix de la psychiatrie. Anne-Cécile Violland souligne ainsi le désintérêt des jeunes médecins pour la discipline, particulièrement dans les territoires d'Outre-Mer comme le rappelle Marcellin Nadeau qui appelle de ses vœux la création d'une UMD interrégionale en Martinique, et elle critique l'impact administratif lié aux hospitalisations sans consentement. Catherine Vautrin précise, en outre, que renforcer l'offre de soins, c'est également permettre à chacun d'avoir une prévention et dès lors, de tenir compte de “l'humain dans l'urbain”, c'est-à-dire dans les quartiers.

De son côté, Benoît Mournet fait état des centres experts en psychiatrie, existant depuis plus de 2 ans et victimes de leur succès ; ces centres permettent d'éviter à un an la moitié des ré hospitalisations. C'est un dispositif efficient et peu onéreux et qui pourtant est resté expérimental. 

Géraldine Grangier évoque la possibilité de renforcer le cadre existant avec les travailleurs sociaux, sans réponse de la ministre.

 

Faut-il rembourser les consultations de psychologues ou labelliser leur formation, s'interroge Jean-Jacques Gaultier ? Plus largement, comment soutenir les établissements concernés dans leurs investissements ? Sur ces interrogations, la ministre rappelle les efforts menés depuis 3 ans (Mon soutien psy, renforcement du réseau des Maisons des adolescents, augmentation des effectifs des centres médico-psychologiques -CMP-, et le renforcement des psychologues dans les maisons de santé et centres de santé).  Questionnée par Anne-Cécile Violland, la ministre énonce que 2500 psychologues volontaires participent au dispositif (données du 8 janvier 2024), avec une moyenne de 88 patients et 5 séances en moyenne par patient pour un montant remboursé de 22 millions. “Je crois que nous devons tirer les éléments de ce bilan pour aller plus loin” conclut-elle.

Maud Petit aborde, quant à elle, la questions des unités pour malades difficiles (UMD) et souligne l'exposition des soignants aux violences de ces patients. Catherine Vautrin annonce l'ouverture d'une nouvelle UMD dans les Hauts-de-France en 2024. 

Sur la question des prises en charge, Elsa Faucillon évoque les pratiques maltraitantes (particulièrement de contention), dénoncées dans plusieurs rapports et notamment par le Contrôleur général des lieux de privation et libertés (CGLPL). Catherine Vautrin rappelle les quatre axes du plan du comité national de pilotage de la psychiatrie. Saisie d'une problématique similaire par Emmanuelle Ménard, la ministre précise que de nombreuses instructions sont émises sur le sujet et que la Haute autorité de santé a rédigé en mars 2021 un guide des bonnes pratiques. Depuis 2021, “ce sont 50 millions d'euros” mobilisés pour former et mettre en avant les bonnes pratiques pour l'aménagement des locaux pour éviter le recours aux pratiques de contention. En outre, “dans le cadre de la réforme des autorisations une mention soins sans consentement a été créée. Les établissements devront donc remplir des conditions techniques d'implantation et de fonctionnement afin d'être autorisés à dispenser des soins sans consentement au sein de leurs structures. C'est une mesure préventive qui me paraît aller dans le bon sens” conclut-elle. 

De son côté, Jérôme Guedj élargit le propos en relevant que le ministère détenu par Catherine Vautrin, qui inclut le travail, la santé et les solidarités, renvoie aux enjeux de santé mentale dans ces trois “couloirs”.