Cour des comptes : "Quelles suites aux contrôles des juridictions financières" ?

148 pages de rapport pour détailler, en trois parties, “les suites données à ses observations et recommandations ainsi qu’à celles des chambres régionales et territoriales des comptes”, conformément à la loi.

Ainsi, la deuxième partie s'attache notamment à l'organisation territoriale des soins de premier recours, qui “correspondent à l'offre de santé de proximité”. Les difficultés d'accès aux soins peuvent toucher 3 à 20% de la population. En cause, selon le rapport, les “insuffisances dans l’organisation des activités de santé, d’un défaut de coordination et de pilotage de l’ensemble de la chaîne des professionnels concernés, mais aussi, de manière structurelle, du manque de soignants disponibles.” Une enquête a été réalisée sur un échantillon de “45 contrôles de communes, de groupements de communes, de départements et de régions ayant pris des mesures pour favoriser l’accès de leur population aux soins de premier recours” mais le constat demeurait celui d’un “ciblage insuffisant des aides et d’un manque de pilotage.” Les résultats sont encourageants dans la mesure où “58 % des recommandations suivies ont été totalement ou partiellement mises en œuvre.” Mais de façon plus générale, et en lien avec sa publication consacrée à l'organisation des soins de premier recours, il faut structurer la politique publique (voir notre veille).

La troisième partie “offre un bilan prometteur de la première année de mise en œuvre du nouveau régime unifié de responsabilité des gestionnaires publics.” L'ordonnance n°2022-408 du 23 mars 2022 instaure un régime de responsabilité des gestionnaires commun aux ordonnateurs et aux comptables dans lequel seront poursuivies les infractions aux règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens de l’État, des collectivités, établissements et organismes soumis au contrôle des juridictions financières, constitutives d'une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif (voir notre fiche “Les effets de la réforme de la responsabilité financière des gestionnaires publics”). En 2023, 68 déférés dont 31 issus des CRTC et 11 de la Cour des comptes ont été enregistrés. La Cour des comptes observe que les infractions sont plus diversifiées. Cependant, elle relève que la notion de préjudice financier significatif doit être davantage caractérisée même si deux décisions “illustrent sans doute les deux extrémités du spectre des situations possibles” : ainsi, dans l’arrêt du 11 mai 2023 Société ALPEXPO, c'est la comparaison avec le chiffre d'affaire annuel moyen de la société (6 millions d'euros) et le montant des charges d'exploitation annuelles (qui a évolué sur la même période de 8,8 millions à 6,7 millions) qui a conduit la cour d'appel financière à retenir que le préjudice estimé à 15 000 euros n'était pas significatif (12 janvier 2024, n°2024-01). En revanche, dans l’arrêt du 24 novembre 2023 Caisse de crédit municipal de Bordeaux, “un préjudice minimal de 3,9 M€, représentant selon les années de 36 à 50% du produit net bancaire”, constituait “sans conteste un préjudice financier significatif au sens de l’article L. 131-9.” La Cour des comptes est également attentive à l'exécution des décisions de justice et évoque l'arrêt du 10 juillet 2023 Centre hospitalier Sainte-Marie : du fait de l'inaction du CH à exécuter une décision de justice (pendant 10 ans !), la responsabilité des deux directeurs qui se sont succédés sur la période, puisqu’ils n’ont pas mandaté la dépense, a été reconnue. Le second directeur a toutefois bénéficié de circonstances atténuantes, ayant pris la direction en pleine période « covid » et son amende a été limitée à à 2000 euros alors que celle de Mme Y, directrice en poste sur quasiment toute la procédure, atteint 7000 euros. S’agissant de l’attaché, « chargée du suivi du contentieux mais non de l’exécution du mandatement », elle est poursuivie au titre du 1° de l’article L.131-14, pour n’avoir pas alerté sa direction sur les « conséquences prévisibles de l’inaction de l’établissement ». Son amende est fixée à 1000 euros (voir fiche précitée).

Enfin, le rapport fait état de la plateforme de signalements, administrée par le Parquet général, qui a recueilli 1002 signalements en 2023 ; “42 % ont été transmis pour attribution et suivi ou pour information aux chambres thématiques de la Cour et aux CRTC, le reste est toujours en cours de traitement.