Coup de tonnerre pour l'intérim médical : le CE enjoint au Premier ministre d'abroger les dispositions fixant la rémunération des praticiens concernés dans le délai de 6 mois

L'intérim médical vient d'essuyer un revers de taille. Saisi par la société Prodie Santé et le syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux (SNMRH), le Conseil d'État vient d'enjoindre au Premier ministre “d'abroger l'article R. 6146-26 du code de la santé publique dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision et d'adopter, dans le même délai, des dispositions réglementaires conformes aux dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 6146-3 du code de la santé publique.

De quoi s’agit-il ?

L'intérim médical repose sur l'article L. 6146-3 du code de la santé publique qui autorise le recours à des personnels médicaux pour des missions de travail temporaire dont la rémunération ne peut dépasser un plafond journalier constitué, selon l'article R. 6146-26, par “le salaire brut versé au praticien par l'entreprise de travail temporaire pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif.” Aujourd'hui, le “montant plafond journalier mentionné à l'article R. 6146-26 est fixé, pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif, à 1 410,69 €” aux termes de l'arrêté du 24 novembre 2017, modifié fin 2023. Lorsque ce seuil est dépassé, l'article L.6146-4 donne pouvoir au comptable de rejeter le paiement des rémunérations irrégulières et au directeur général de l'ARS de déférer ces actes au tribunal administratif compétent.

Plusieurs instructions ont précisé ce cadre juridique : l'instruction du 28 décembre 2017 a précisé les conditions d'application de ces dispositions et l'instruction du 17 mars 2023 a précisé les modalités du contrôle exercé par le comptable public.

Les demandeurs souhaitaient l'abrogation de ces différentes règlementations et des instructions y afférents. Face aux décisions implicites de rejet, ils ont saisi le Conseil d'État qui vient de statuer dans son arrêt n°495033 du 28 novembre 2024.

Tout d'abord, le CE indique que "les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentant le caractère de lignes directrices."Tel est le cas pour les deux instructions qui “présentent un caractère impératif”.

Ensuite, il rappelle que des situations différentes peuvent tout à fait justifier des traitements différents ; en l'occurrence, les médecins recrutés en intérim ne sont pas des praticiens contractuels au sens de la réglementation car ils ne contractent pas avec l'établissement de santé.

Cela n'interdit nullement d'encadrer les rémunérations liées à l'intérim.

En revanche, pour fixer le montant plafond journalier, il faut tenir “compte tant de la rémunération du praticien et des frais afférents que de la rémunération des services de l'entreprise de travail temporaire […] l'article R. 6146-26 du même code, qui définit ce plafond par référence au seul salaire brut versé au praticien par l'entreprise pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif, méconnaît les dispositions du second alinéa de l'article L. 6146-3 du code de la santé publique" qui vise “le montant journalier des dépenses”, autrement dit, tout compris.

Le CE prononce alors l'annulation du refus opposé et conclut que cela “implique nécessairement l'abrogation des dispositions réglementaires et de l'instruction dont l'illégalité a été constatée. Il y a donc lieu d'enjoindre au Premier ministre de procéder à l'abrogation de l'article R. 6146-26 du code de la santé publique et aux ministres chargés de la santé et des comptes publics d'abroger l'arrêté du 24 novembre 2017 et l'instruction du 28 décembre 2017, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, et d'adopter, dans le même délai, des dispositions réglementaires conformes aux dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 6146-3 du code de la santé publique.

 

Affaire à suivre avec attention, d'autant que le maintien de l'actuel Gouvernement est aujourd'hui très incertain…