L’accident de service d’une auxiliaire de puériculture nonobstant son état antérieur

Publié en novembre 2024 | FJH n°087 , p.381

Auxiliaire de puériculture Accident de service État antérieur

Voir également :
Cour administrative d'appel Marseille CHU Nice 18/10/2024 - Requête(s) : 23MA03101

RÉSUMÉ

Constitue un accident de service un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci et l'état antérieur de l’agent ne peut pas être regardé comme constituant une circonstance particulière détachant son accident de ses fonctions

 

I – LE TEXTE DE L’ARRÊT

Considérant ce qui suit :

1. Mme B…, auxiliaire de puériculture affectée au service de la maternité du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, a déclaré avoir subi un accident de service le 12 octobre 2018. Par une décision du 23 juillet 2020, le directeur-général dudit établissement a refusé d'imputer au service cet accident et a placé l'intéressée en congé de maladie ordinaire du 12 octobre au 3 décembre 2018. Il a confirmé implicitement sa décision sur le recours gracieux formé par l'intéressée le 30 septembre 2020. Mme B… a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 23 juillet 2020 et celle la confirmant. En cours d'instance, le CHU de Nice a retiré la décision contestée et réitéré sa position par une nouvelle décision du 28 juillet 2023 dont Mme B… a également demandé l'annulation. Par un jugement du 31 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé l'ensemble des décisions contestées devant lui et enjoint au directeur-général du CHU de Nice de réexaminer la demande de Mme B… Le CHU de Nice relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...). »

3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.

4. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions citées au point 2, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B…, agent du service de maternité du CHU de Nice, s'est blessée au dos alors qu'elle se relevait après s'être penchée pour saisir deux biberons. Ce fait soudain constitue un accident au sens des dispositions précitées, peu important qu'il ne soit pas le résultat d'un acte particulièrement violent ou intense, contrairement à ce qu'indique le médecin-conseil de l'établissement de soins. En outre, il a été provoqué par l'exercice même des fonctions de l'intéressée, ce qui n'est pas contesté. Enfin, si Mme B… présente depuis 1989 des rachialgies et a subi deux accidents du travail en 2011 et 2016 dont il est résulté respectivement un épisode dorso-lumbago et une lombosciatalgie, son état de santé ne l'empêchait cependant pas d'exercer ses fonctions et ne détermine donc pas à lui seul l'incapacité professionnelle de cet agent. Par conséquent, l'état antérieur de Mme B… ne peut pas être regardé comme constituant une circonstance particulière détachant son accident de ses fonctions. Eu égard à tout ce qui vient d'être dit, celui-ci doit, dès lors, être regardé comme un accident de service. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a, pour ce motif, annulé l'ensemble des décisions contestées devant lui.

6. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Nice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 31 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 23 juillet 2020, confirmée par le silence gardé sur le recours gracieux formé par Mme B… le 30 septembre 2020, ainsi que la décision du 28 juillet 2023.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B…, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que le CHU de Nice demande au titre des frais non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cet établissement public une somme de 2 000 euros à verser à Mme B… sur le fondement de ces mêmes dispositions.

 

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier universitaire de Nice est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Nice versera à Mme B… une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Nice et à Mme A… B…

 

CAA de Marseille, 18 octobre 2024, CHU de Nice, n°23MA03101

 

II – COMMENTAIRE

 

L’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Marseille, le 18 octobre 2024, fournit une nouvelle illustration de l’accident de service.

Cette affaire concernait une auxiliaire de puériculture affectée au service de la maternité du CHU de Nice qui a déclaré avoir subi un accident de service (s’était blessée au dos alors qu’elle se relevait pour saisir deux biberons), mais l’établissement avait refusé d’imputer au service cet accident et avait placé l’agent en congé de maladie ordinaire. L’agent avait alors saisi le juge administratif pour contester la décision de refus de reconnaissance de l’accident de service. En première instance, le tribunal administratif de Nice avait fait droit à la requête de l’agent, mais le CHU avait interjeté appel. La cour administrative d’appel de Marseille a confirmé la décision des juges de première instance au prix d’un arrêt rappelant certains principes en matière d’accident de service.

En premier lieu, « un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l’exercice ou l’occasion de l’exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité, qui en constitue le prolongement normal présente, en l’absence de toute autre circonstance détachant cet évènement du service, le caractère d’un accident de service. » Un évènement soudain constitue un accident de service, peu important qu’il ne soit pas le résultat d’un acte clairement violent ou intense.

En second lieu, l’agent présentait un état antérieur mais la cour a considéré que cet état antérieur ne pouvait pas être regardé comme constituant une circonstance particulière détachant l’accident des fonctions. En effet il ressortait des éléments que si Mme B… présente depuis 1989 des rachialgies et a subi deux accidents du travail en 2011 et 2016 dont il est résulté respectivement un épisode dorso-lumbago et une lombosciatalgie, son état de santé ne l'empêchait cependant pas d'exercer ses fonctions et ne détermine donc pas à lui seul l'incapacité professionnelle de cet agent.

Parfois, et à l’opposé de l’arrêt du 18 octobre 2024, l’état antérieur de l’agent permet de fonder le refus de l’imputabilité au service car selon la jurisprudence « l’existence d’un état pathologique antérieur, fût-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé. » (CAA de Nantes, 17 novembre 2023, Mme A, n°22NT02929, FJH n° 93, p. 435, 2023 ; ou encore dans le même sens, voir : CAA de Marseille 3 avril 2019, n°17MA02334, FJH n° 048, p. 205, 2019 ; CE, 28 juin 2021, CHU de Poitiers, n° 440136, FJH n° 067, p. 267, 2021).

 


 

 

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