La Miviludes continue d'alerter sur les dérives sectaires dans le champ de la santé

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) vient de rendre public son rapport d’activité 2022-2024 qui fait état d’une importante augmentation du nombre de signalements et demandes d’information qui lui sont adressés.

Si ce constat s'inscrit dans une certaine durée puisqu'en 2021, la Miviludes constatait déjà une augmentation des dérives sans précédent (+86% par rapport à 2015) dont un quart environ concernait la santé, le rapport met en exergue des formes nouvelles, toujours renouvelées qui ne se limitent plus aux sphères religieuses traditionnelles, mais se développent dans des domaines variés, à commencer par les nouvelles spiritualités, les environnements numériques et le secteur de la santé et du bien-être.

Le besoin accru de spiritualité s'oriente vers des formes alternatives, souvent plus individualistes, détachées de toute institution et tournées vers le bien-être personnel, la connaissance de soi ou la transcendance. Elle s'accompagne parfois d’un attrait pour l’ésotérisme, l’occultisme ou les traditions ancestrales réinterprétées (néo-chamanisme ou les croyances liées aux « flammes jumelles » par exemple).

L’essor d’Internet et des réseaux sociaux a profondément modifié les dynamiques de diffusion des idées et des croyances. Les contenus pseudospirituels, pseudo-scientifiques ou pseudo-thérapeutiques y prolifèrent, portés par des influenceurs, coachs de vie et autres figures qui utilisent les codes de la communication numérique pour séduire un large public. Surtout, l’IA, les métavers et la personnalisation algorithmique posent de nouveaux défis en rendant ces manipulations plus ciblées, plus immersives et plus difficiles à détecter. 

La santé, notamment dans ses dimensions alternatives ou naturelles, constitue l’un des domaines les plus investis par les mouvements sectaires. La promesse d’un mieux-être ou d’une guérison par des moyens non conventionnels attire un public souvent vulnérable. Ces pratiques sont souvent présentées comme des alternatives aux soins classiques notamment dans les disciplines de la naturopathie, du magnétisme, des soins quantiques, de la bio-résonance, ou encore le jeûne. Ces approches, bien que souvent non validées scientifiquement, promettent la guérison de maladies graves, la libération de traumatismes ou le développement de facultés exceptionnelles, avec des conséquences graves : retards de diagnostic, perte de chance thérapeutique, voire décès. Au demeurant, certaines pratiques (sophrologie, méditation pleine conscience…) sont déjà intégrées dans la prise en charge du patient, particulièrement en oncologie, au titre d’un panier de soins de support et peuvent constituer autant d’accès des pseudothérapeutes à un public vulnérable.

L’emprise dans le domaine de la santé passe souvent par des pseudothérapeutes qui incitent à une fréquentation continue de stages, séminaires ou retraites, parfois à l’étranger, instaurant une dépendance psychologique. Le processus d’adhésion est insidieux : il commence souvent par une quête de bien-être ou de sens et évolue vers un contrôle mental, physique et social de la personne. Le rapport souligne que les professionnels de santé, y compris ceux exerçant dans les hôpitaux et dans les établissements sociaux et médico-sociaux, sont souvent insuffisamment formés pour repérer les dynamiques d’emprise liées aux dérives sectaires. Cela constitue un frein majeur à la détection précoce, notamment dans les situations impliquant des mineurs en danger. La MIVILUDES recommande à cet égard une formation spécifique, incluant les médecins référents "protection de l’enfance", présents dans les conseils départementaux et dans des unités hospitalières spécialisées comme les Unités d’Accueil Pédiatriques Enfant en Danger (UAPED). Le rapport met également en garde contre les formations proposées au personnel hospitalier et médico-social par des structures extérieures aux intentions floues. Certaines de ces formations, sous couvert d’amélioration des compétences relationnelles ou comportementales, introduisent en réalité des techniques issues de pratiques de développement personnel à caractère sectaire. 

La Miviludes insiste sur la nécessité d’un renforcement de la vigilance collective, d’une régulation adaptée aux nouveaux usages et d’une sensibilisation accrue des professionnels comme du grand public.

Dans ce contexte, le délit de provocation à l’abandon de soins et celui visant les pratiques présentées comme thérapeutiques mais exposant les patients à des risques graves, issus de la loi du 10 mai 2024 permettront de mieux protéger et sanctionner (voir notre veille “Dérives sectaires : la loi est publiée” et notre fiche dédiée “La lutte contre les dérives sectaires”).