Parution de la loi relative à la bioéthique

Le Conseil Constitutionnel n'ayant opposé aucune inconstitutionnalité dans sa décision n°2021-821 DC du 29 juillet 2021, la loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique vient d'être publiée au JO du 3 août.

Cette loi est articulée autour de 7 titres, le dernier organisant les dispositions finales :

Titre Ier : ÉLARGIR L'ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S'AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES (Articles 1 à 7)

Pour l'essentiel, c'est surtout le Titre I qui a cristallisé les oppositions. En effet, il ouvre aux couples de deux femmes ou à une femme non mariée la possibilité de recourir à l'assistance médicale à la procréation 'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs. Il n'est plus question de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité car l'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. La couverture des frais relatifs aux actes et traitements liés à la préservation de la fertilité et à l'assistance médicale à la procréation, sauf exceptions, est assurée

En revanche, l'insémination ou le transfert des embryons est interdite en cas de décès d'un des membres du couple, cessation de la communauté de vie ou procédure engagée en vue d'un divorce ou d'une séparation de corps.

En outre, la loi organise l'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur  à toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur. Le décès du tiers donneur est sans incidence sur la communication de ces données et de son identité. De plus, le refus d'accepter cet accès interdit le don de gamètes ou l'accueil de l'embryon. L'enfant conçu par AMP devra, à sa majorité, s'adresser à une commission d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur, placée auprès du ministre chargé de la santé.

Cependant, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de l'assistance médicale à la procréation et aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l'encontre du donneur.

La filiation de l'enfant est établie à l'égard de la femme qui accouche et à l'égard de l'autre femme, par la reconnaissance conjointe faite au moment du recueil de leur consentement devant notaire. La loi permet la "régularisation" des situations antérieures c'est-à-dire lorsqu'un couple de femmes a eu recours à une assistance médicale à la procréation à l'étranger avant la publication de la loi ; en ce cas, il peut faire, devant le notaire, une reconnaissance conjointe de l'enfant dont la filiation n'est établie qu'à l'égard de la femme qui a accouché. Cette reconnaissance établit la filiation à l'égard de l'autre femme.


Titre II : PROMOUVOIR LA SOLIDARITÉ DANS LE RESPECT DE L'AUTONOMIE DE CHACUN (Articles 8 à 15)

Le don croisé d'organes est facilité.

En outre, l'information médicale sur les modalités de consentement au don d'organes à fins de greffe qui était prévue pour les patients âgés de seize à vingt-cinq ans est désormais prévue pour les patients d'au moins 16 ans.

S'agissant du prélèvement de cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse, le prélèvement au bénéfice d'un membre de la famille autre que les parents ne peut être pratiqué que sous réserve du consentement de chacune des personnes investies de l'exercice de l'autorité parentale ou, le cas échéant, du tuteur du mineur. Pour le majeur protégé, les bénéficiaires sont également élargis : l'un de ses parents, l'un de ses enfants, son cousin germain ou sa cousine germaine, son oncle ou sa tante, son neveu ou sa nièce.

S'agissant de l'examen des caractéristiques génétiques, l'accès des proches est élargi, notamment lorsqu'un médecin suspecte une anomalie génétique pouvant être responsable d'une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins. Sauf si la personne a souhaité de ne pas connaître le diagnostic d'une anomalie génétique pouvant être responsable d'une affection grave, elle est tenue d'informer les membres de sa famille potentiellement concernés (ou elle peut demander par un document écrit au médecin prescripteur de procéder à cette information).

Titre III : APPUYER LA DIFFUSION DES PROGRÈS SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DANS LE RESPECT DES PRINCIPES ÉTHIQUES (Articles 16 à 19)

L'examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d'une personne ne peut être entrepris qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique. Il est subordonné au consentement exprès de la personne, recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'examen.

En outre, la loi précise l'encadrement des traitements de données algorithmiques.

Titre IV : SOUTENIR UNE RECHERCHE LIBRE ET RESPONSABLE AU SERVICE DE LA SANTÉ HUMAINE (Articles 20 à 24)

L'encadrement de la recherche est renforcé mais les procédures allégées (demandes d'autorisation de recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires).

Titre V : POURSUIVRE L'AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ ET DE LA SÉCURITÉ DES PRATIQUES DU DOMAINE BIOÉTHIQUE (Articles 25 à 37)

C'est la femme enceinte qui prend ici les décisions en matière de médecine foetale et, si elle le souhaite, l'autre membre du couple, lorsque la femme vit en couple. Ce point a été débattu devant le Conseil Constitutionnel qui a considéré que la "différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui repose sur une différence de situation, est ainsi en rapport direct avec l'objet de la loi".

L'interruption volontaire partielle d'une grossesse peut être pratiquée en cas de grossesse multiple mettant en péril la santé de la femme, des embryons ou des fœtus.

Le délai de réflexion d'au moins une semaine prévu en cas d'interruption médicale de grossesse est supprimé.

La loi élargit aussi à la mineur non émancipée l'IVG pour motif médical.

Un nouveau chapitre est créé pour les enfants présentant une variation du développement génital. Il est notamment prévu, en cas d'impossibilité médicalement constatée de déterminer le sexe de l'enfant au jour de l'établissement de l'acte de naissance, que le procureur de la République autorise l'officier de l'état civil à ne pas faire figurer immédiatement le sexe sur l'acte de naissance et ce, pour une durée de 3 mois. Le code civil est également modifié pour permettre la rectification de l'état civil à la demande de l'intéressé(e) majeur(e) ou de ses représentants légaux dès lors qu'il est médicalement constaté que son sexe ne correspond pas à celui figurant sur son acte de naissance.

Titre VI : ASSURER UNE GOUVERNANCE BIOÉTHIQUE ADAPTÉE AU RYTHME DES AVANCÉES RAPIDES DES SCIENCES ET DES TECHNIQUES (Articles 38 à 39)

Les dispositions concernent ici le Comité consultatif national d'éthique dont la composition est portée de 39 à 45 membres. Ses compétences sont élargies aux conséquences sur la santé des progrès de la connaissance dans tout autre domaine que la biologie, de la médecine et de la santé et le CCNE anime, chaque année, des débats publics sur un ou plusieurs des problèmes éthiques et des questions de société.