Injure publique qualifiée dans un blog faisant le lien entre la direction de l'hôpital, les médecins y exerçant et les fonctionnaires du régime nazi

La liberté d'expression consacrée par l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 est garantie en droit français dans les limites des abus dont elle peut faire l'objet ou d'autres réglementations qui peuvent la restreindre (par exemple, il est interdit de faire l'apologie du terrorisme depuis la loi du 13 novembre 2014).

L'expression de propos ne doit pas être outrancière, injurieuse, offensante ou diffamatoire (voir "La liberté d'expression et d'opinion"). L'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit l'injure comme “Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait”. Ce délit est passible d'une amende pouvant atteinte 12000 euros en cas d'injure publique (idem pour la diffamation publique).

Les juges sont ainsi amenés à examiner les écrits sur les réseaux sociaux et notamment les blogs. 

Dans l'affaire jugée par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 10 septembre 2024 (n°23-84.135), il s'agissait d'un pharmacien qui avait vivement critiqué la note du directeur “rendant obligatoire la vaccination de tous les personnels de l'établissement, à compter du 15 septembre 2021, sous peine de faire l'objet d'une suspension automatique de leurs fonctions accompagnée d'une interruption immédiate de leur rémunération.” L'on était alors en pleine crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19.

Ce praticien a publié un article sur son blog dans lequel il cite, partiellement, un article écrit par un professeur de droit public, dont la référence au procès de Nuremberg et aux crimes des médecins nazis a amené le directeur et le DRH du centre hospitalier à le poursuivre pour injure publique.

Le pharmacien est condamné à 900 euros d'amende en première instance.

En cassation, le pourvoi est rejeté et le jugement globalement confirmé :

- le prévenu a délibérément coupé la partie centrale du paragraphe reproduit de l'article de M. [F] [S] qui citait expressément le code de Nuremberg, opérant une complète décontextualisation du passage de l'article initial, et permettant ainsi la comparaison outrageante des parties civiles avec les médecins et fonctionnaires du régime nazi

- cette manière de faire ne doit rien au hasard ni à la maladresse, le prévenu utilise le caractère gras sur les mots qui appuient cette comparaison

- les propos poursuivis revêtent un caractère d'injure publique, et non pas d'une diffamation, dès lors qu'ils ne renferment l'imputation d'aucun fait précis et n'ont pas non plus pour objet de prêter à une personne un fait qu'elle n'aurait pas commis

En résumé “les juges ont retenu, à juste titre, que, pour illustrer son propos, le prévenu n'a pas simplement reproduit un article de doctrine d'un professeur de droit mais qu'il en a sélectionné des passages, supprimant la référence originelle au code de Nuremberg qui a consacré, entre autres, le principe du consentement libre et éclairé comme préalable à des recherches mettant en jeu des sujets humains, qu'il a également surligné en gras certains passages, tels que « crimes de guerre et crimes contre l'humanité » et « la banalité du mal », et que ces citations partielles, intégrées à l'article rédigé par M. [T], aboutissaient à faire un parallèle entre la direction du centre hospitalier de [Localité 1] et les fonctionnaires et médecins nazis, de sorte que ces propos avaient un caractère outrageant”.

Cependant, la chambre criminelle considère, à l'inverse des premiers juges, que l'obligation vaccinale des soignants est le sujet de l'article posté.