Le principe d’impartialité s’impose aux membres d’un jury de concours y compris celui concernant les futurs PH-PU

Publié en octobre 2015 | FJH n°074 , p.379

Concours Jury PU-PH Impartialité

Voir également :
  • Conseil d'État Sieur A 08/06/2015 - Requête(s) : 370539

I – LE TEXTE DE L'ARRÊT
 

1.Considérant que, par un arrêté du 8 février 2013, cinq postes de professeur des universités-praticien hospitalier ont été ouverts au concours organisé au titre de l'année 2013 dans la discipline « chirurgie thoracique et cardiovasculaire »; que par un arrêté du 14 mars 2013, M. A…, maître de conférences des universités-praticien hospitalier, ainsi que cinq autres candidats, dont M. B…, ont été autorisés à participer à ce concours; que le jury a délibéré le 17 avril 2013 à l'issue des épreuves organisées le même jour; que M. A… n'a pas été admis alors que M. B… l'a été; que M. A… demande l'annulation de cette délibération du jury du 17 avril 2013 ainsi que de l'arrêté du 17 mai 2013 du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et de la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers, en tant qu'il assure la publicité de cette délibération;

2. Considérant que la seule circonstance qu'un membre du jury d'un concours connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu'il s'abstienne de participer aux délibérations qui concernent ce candidat; qu'en revanche, le respect du principe d'impartialité exige que s'abstienne de participer, de quelque manière que ce soit, aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat un membre du jury qui aurait avec celui-ci des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation; qu'en outre, un membre du jury qui a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l'impartialité requise, peut également s'abstenir de prendre part aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat; qu'en dehors de ces hypothèses, il incombe aux membres des jurys de concours de siéger dans les jurys auxquels ils ont été nommés en application de la réglementation applicable;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MM. A…et B… qui étaient, ainsi qu'il a été dit, deux des six candidats admis à concourir pour un des postes de professeur des universités-praticien hospitalier ouverts au concours au titre de l'année 2013 dans la discipline « chirurgie thoracique et cardio­vasculaire », exerçaient leurs fonctions de maître de conférences des universités-praticien hospitalier au sein du même service de chirurgie cardiovasculaire de l'hôpital européen Georges Pompidou, service dans lequel exerçait aussi, en qualité de professeur des universités-praticien hospitalier, M. D…, membre du jury; qu'il ressort également du dossier que l'un des cinq postes offerts au concours se trouvait au sein de ce même service; qu'ainsi, dans ces circonstances, MM. A… et B. devaient être regardés comme se trouvant en concurrence directe, en fait, pour une même place; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que M. D… n'ignorait pas que les relations entre le chef de ce service de chirurgie cardiovasculaire dont il était l'adjoint, et M. A…, étaient dégradées, alors, au surplus, que M. B… faisait état, parmi ses titres et travaux en vue du concours, d'un programme de recherche réalisé « en utilisant le plateau technique du laboratoire de recherche dirigé par le professeur D… »; que, dans les circonstances de l'espèce, M. D… ne pouvait participer à la délibération de ce jury sans que soit méconnu le principe d'impartialité du jury; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la délibération attaquée doit être annulée; que l'arrêté fixant la liste d'admission au concours doit, par suite, être également annulé en tant qu'il rend publique la liste d'admission issue de cette délibération;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3000 euros à verser à M. A…, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative;


DÉCIDE:


Article 1er: La délibération du 17 avril 2013 par laquelle le jury de recrutement de professeurs des universités-praticien hospitalier de chirurgie thoracique et cardiovasculaire a fixé la liste des candidats admis et l'arrêté du 17 mai 2013 du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et de la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers fixant la liste d'admission au concours ouvert au titre de l'année 2013 pour le recrutement de professeur des universités-praticien hospitalier en tant qu'il a rendu publique la liste d'admission à ce concours dans la spécialité « chirurgie thoracique et cardio-vasculaire », concours de type 1, sont annulés.

Article 2: L'État versera à M. A… une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 3: La présente décision sera notifiée à M. C… A…, à la ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et à la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.


CE, Sieur A, 8 juin 2015, n° 370539


II COMMENTAIRE

Le principe républicain du mérite repose sur l'objectivité de la sélection des candidats aux postes ouverts pour un concours de recrutement. Pour les hauts postes à recruter, les candidats ne sont guère nombreux et souvent les membres du jury les connaissent. Là, dans cette instance, un des concurrents qui n'a pas été retenu au concours de PH-PU, dans la spécialité chirurgie thoracique et cardiovasculaire, a introduit une requête pour annulation, en avançant le moyen que l'un des candidats retenus participait à un programme de recherche dirigé par un des membres du jury. Dès lors, le défaut d'impartialité était établi ou était suffisamment sujet à caution pour fausser le concours, dans la mesure où ce fut ce candidat qui fut retenu, au détriment du requérant.

Le Conseil d'État, dans ses considérants, ne remet pas en cause la connaissance des candidats par les membres du jury, ou inversement, dans la mesure où, s'agissant d'un recrutement de spécialistes, il n'est guère possible que les candidats ne soient pas connus de leurs différents maîtres. Dans ce cadre, le professeur membre du jury, doit s'abstenir de participer aux interrogations orales et aux délibérations concernant les candidats qu'il connaît. Cette prudence n'a pas été suivie par l'un des professeurs, entraînant ainsi l'annulation du concours.

Cette décision va faire grand bruit dans ce milieu très fermé du concours de l'agrégation de médecine où, jusqu'à cet arrêt, les candidats retoqués préféraient accepter leur sort afin de repasser les épreuves au prochain concours avec une meilleure chance d'en être le lauréat.