La demande de paiement du TTA par le PH est soumise à des contraintes de temps

  • Cour administrative d'appel Paris M. B… 13/02/2024 - Requête(s) : 23PA02194

RÉSUMÉ

En présentant sa demande de paiement de TTA le 9 octobre 2018, s’ensuivait alors le 10 décembre 2018 une décision implicite de rejet et le PH avait donc jusqu'au 10 février 2019 pour présenter un recours indemnitaire consécutivement à ce rejet. Dès lors, sa demande était tardive lorsqu'elle a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Melun, le 13 septembre 2019.

 

I – LE TEXTE DE L’ARRÊT

Considérant ce qui suit :

1. M. B…, praticien hospitalier, exerce ses fonctions à temps plein en qualité de chirurgien au sein du service d'orthopédie traumatologie du centre hospitalier de Lagny Marne-la-Vallée. Par un courrier électronique du 9 octobre 2018, il a sollicité du directeur du Grand hôpital de l'Est Francilien (GHEF) le versement des rémunérations correspondant au travail additionnel qu'il a réalisé au cours des années 2016, 2017 et 2018, outre l'indemnisation des préjudices moral et financier résultant de ce non-paiement. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé pendant deux mois par l'administration sur sa demande. M. B… a saisi le tribunal administratif de Melun en vue de voir condamner l'hôpital à lui verser la somme totale de 15 559,46 euros bruts correspondant au travail additionnel réalisé au titre des années 2016, 2017 et 2018, outre 3 000 euros en réparation des préjudices moral et financier subis. Par un jugement du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes. M. B… fait partiellement appel de ce jugement en limitant, devant la Cour, le montant des rémunérations réclamées aux seules années 2016 et 2017, outre l'indemnisation des préjudices subis.

Sur la fin de non-recevoir :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 112-2 du Code des relations entre le public et l'administration : « Les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents ». Cette sous-section comprend l'article L. 112-3, aux termes duquel : « Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception […] », ainsi que l'article L. 112-6, aux termes duquel : « Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite ».

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 231-4 du Code des relations entre le public et l'administration : « Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / […] 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents ». Aux termes de l'article R. 421-2 du Code de justice administrative : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet […] ». L'article R. 421-3 du même code dispose : « Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux […] ».

4. Il résulte des dispositions rappelées aux points 2 et 3, qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-6 du Code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics. Ce n'est qu'au cas où, dans le délai de deux mois ainsi décompté, l'auteur de la demande adressée à l'administration reçoit notification d'une décision expresse de rejet qu'il dispose alors, à compter de cette notification, d'un nouveau délai pour se pourvoir.

5. Il est constant que M. B…, qui a été nommé à compter du 1er janvier 2011 à titre permanent dans le corps des praticiens hospitaliers, a la qualité d'agent public. Le silence gardé par le directeur du GHEF sur la demande indemnitaire que lui a adressée l'intéressé le 9 octobre 2018 a fait naître le 10 décembre 2018 une décision implicite de rejet. M. B…, qui n'est pas fondé, pour échapper à la forclusion, à se prévaloir des dispositions précitées de l'article R. 421-3 du Code de justice administrative lesquelles ne s'appliquent, en tout état de cause, qu'au contentieux de l'excès de pouvoir, avait donc jusqu'au 10 février 2019 pour présenter un recours indemnitaire consécutivement à ce rejet. Dès lors, sa demande était tardive lorsqu'elle a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Melun, le 13 septembre 2019. Il y a lieu, par suite, de faire droit à la fin de non-recevoir soulevée en défense.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B… n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête ne peut être que rejetée.

Sur les frais de l'instance :

7. Le GHEF n'étant pas la partie perdante, dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B… tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par le GHEF sur le même fondement.

 

DÉCIDE

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du GHEF présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… B… et au Grand hôpital de l'Est Francilien.

CAA de Paris, 13 février 2024, M. B…, n°23PA02194

 

II – COMMENTAIRE

En rejetant une demande de paiement de temps de travail additionnel formulée par un PH temps plein, la cour administrative d’appel de Paris rappelle quelques règles impératives en matière de demande indemnitaire.

Rappelons au préalable que le PH réclamait une somme de 15 559,46 euros pour du temps de travail additionnel (TTA) au titre des années 2016 à 2018, ainsi qu’une somme de 3000 € en réparation du préjudice moral et financier.

En première instance, comme en cause d’appel, la requête du PH a été rejetée.

L’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Paris, le 13 février 2024, nous donne l’opportunité de faire un double rappel.

En premier lieu, un PH temps plein n’est certes pas un fonctionnaire mais, comme le rappelle à juste titre la cour, il a la qualité d’agent public. Pour cette raison, les dispositions du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), selon lesquelles le délai de recours n’est pas opposable à l’auteur d’une demande lorsque l’administration ne lui a pas accusé réception ne s’appliquent qu’aux relations entre l’usager et l’administration.

En l’espèce, le PH faisait valoir que l’administration hospitalière n’avait pas accusé réception de sa demande indemnitaire présentée le 9 octobre 2018, mais en vain.

En second lieu, la cour rappelle que, en matière indemnitaire, le silence gardé par l’administration pendant une période de deux mois, qui suit la réception de la demande a pour effet de faire naître une décision implicite de rejet (DIR) qui a pour effet de déclencher alors un délai de deux mois pour se pouvoir contre ladite DIR. Les dispositions du CRPA selon lesquelles la forclusion est acquise à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour de la notification d’une décision expresse de rejet ne concerne que le contentieux de l’excès de pouvoir.

Dans le cas jugé, le PH avait présenté sa demande le 9 octobre 2018, donc la DIR était née le 10 décembre 2018 et par conséquent le PH avait jusqu’au 10 février 2019 pour saisir le juge administratif. En le saisissant le 13 septembre 2019, le requérant était nécessairement forclos.

A l’inverse, un PH qui se montre diligent pourra récupérer des indemnités de TTA (voir par exemple : CAA de Toulouse, 14 mars 2023, n°21TL20944, FJH n°032, p.147, 2023).