Psychiatrie en détresse : enjeux éthiques et perspectives pour une refondation

L'Avis n°147 du C.C.N.E. consacré aux “Enjeux éthiques relatifs à la crise la crise de la psychiatrie : une alerte du C.C.N.E.” met en lumière l’urgence d’une mobilisation nationale pour répondre à une crise inédite de la psychiatrie, qui touche directement ou indirectement des millions de Français.

Il souligne une situation critique marquée par une inadéquation entre l'offre et les besoins de soins psychiatriques, des conditions de travail difficiles pour les professionnels et des inégalités d'accès aux soins. Malgré des efforts récents, comme les Assises de la Santé Mentale en 2021, la psychiatrie reste confrontée à un manque de moyens, une stigmatisation persistante et une dévalorisation professionnelle.

Les troubles psychiatriques touchent un Français sur cinq, avec des conséquences graves comme le suicide, première cause de mortalité chez les jeunes adultes. Les soins psychiatriques souffrent d'un déficit chronique d'investissements, aggravé par la fermeture de lits et une saturation des services.

La réflexion éthique proposée insiste sur la nécessité d'une réponse structurelle urgente, articulée autour de trois axes : 

- garantir l'accès à des soins dignes. Cela suppose une meilleure organisation et coordination des services, avec un renforcement des infrastructures publiques pour répondre aux besoins croissants, en particulier dans les zones rurales et les quartiers défavorisés. Les délais d'attente, souvent excessivement longs, doivent être réduits grâce à une augmentation des capacités d'accueil, tant en hospitalisation qu'en soins ambulatoires, et à un investissement massif dans des équipes pluridisciplinaires bien formées. Une attention particulière doit être portée aux enfants et aux adolescents, dont les besoins sont parmi les plus urgents.

- lutter contre la stigmatisation. Il s’agit de déconstruire les préjugés encore profondément enracinés dans la société, mais aussi parmi les professionnels de santé, afin de valoriser la psychiatrie en tant que discipline médicale. Des campagnes de sensibilisation et des actions éducatives pourraient contribuer à transformer le regard porté sur ces maladies, facilitant ainsi l'accès aux soins et réduisant les discriminations dans tous les aspects de la vie sociale et professionnelle. 

- renforcer la recherche et l’innovation dans toutes les dimensions de la psychiatrie. Cela inclut des efforts accrus pour comprendre les origines complexes des troubles mentaux et développer des traitements plus efficaces et adaptés. La recherche doit également intégrer une perspective multidisciplinaire, mêlant neurosciences, sciences sociales et innovations technologiques, pour offrir des approches intégratives. Parallèlement, la formation des professionnels de santé doit être revalorisée et modernisée afin d'attirer davantage de vocations et de garantir des soins de qualité.

Ce triptyque – accès équitable aux soins, lutte contre la stigmatisation et renforcement de la recherche – constitue le socle d’une réponse globale et éthique à la crise actuelle de la psychiatrie pour restaurer la dignité des patients et répondre aux besoins d'une société confrontée à une souffrance psychique croissante.

 

La FHF a, de son côté, publié son nouveau livre blanc sur la même thématique ("Répondre à l'urgence et bâtir l'avenir de la psychiatrie", janvier 2025). Structuré en 10 parties, ce Livre blanc envisage  l'organisation des soins en psychiatrie en intégrant également les acteurs du territoire, en rependant la gouvernance, en soutenant un financement propre à répondre aux besoins ou en s'interrogeant sur le bâti dédié au secteur. D'autres développements visent plus spécifiquement les modes de prise en charge, et en particulier la prise en charge des enfants et adolescents, ou les droits des patients, mais également l'attractivité des métiers relayée par le développement de la recherche.