Les délais de recours prévus par les textes sont inopposables si dans sa lettre de rejet de communiquer les pièces d’un marché, le centre hospitalier a omis de préciser ces mentions ; par contre, le centre hospitalier n’avait aucune obligation à préciser les voies de moyens et de recours

  • Conseil d'État CH Louis Constant Fleming de Saint-Martin 11/07/2016 - Requête(s) : 391899

I – Le texte de l'arrêt             


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A… a demandé au centre hospitalier Louis Constant Fleming, par un courrier du 26 février 2014 de lui communiquer plusieurs documents relatifs à la passation d'un marché pour lequel l'offre de sa société avait été rejetée ; que, le centre hospitalier n'ayant que partiellement fait droit à sa demande, M. A… a alors saisi la commission d'accès aux documents administratifs d'une demande, enregistrée le 23 mai 2014 ; que la commission a émis un avis favorable à la communication des documents sollicités ; qu'estimant incomplets les documents supplémentaires produits par le centre hospitalier, M. A… a introduit, le 28 octobre 2014, une requête devant le tribunal administratif de Saint-Martin tendant à l'annulation de la décision de refus opposée, par le centre hospitalier, à sa demande de communication ; que le centre hospitalier Louis Constant Fleming se pourvoit en cassation contre le jugement avant dire droit par lequel ce tribunal a ordonné au requérant de lui communiquer le rapport d'analyse des offres, qui est au nombre des documents dont M. A… demande la communication ;


2. Considérant que l'article 17 du décret du 30 décembre 2005 pris pour l'application de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, alors applicable, repris aux articles R. 311-12, R. 311-13 et R. 311-15 du Code des relations entre le public et l'administration, prévoit que : « Le silence gardé pendant plus d'un mois par l'autorité compétente, saisie d'une demande de communication de documents en application de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée, vaut décision de refus. L'intéressé dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification du refus ou de l'expiration du délai fixé au premier alinéa pour saisir la commission d'accès aux documents administratifs » ; que l'article 19 de ce même décret, repris aux articles R. 343-3 à R. 343-5 de ce même code, dispose : « La commission notifie son avis à l'intéressé et à l'autorité mise en cause, dans un délai d'un mois à compter de l'enregistrement de la demande au secrétariat. Cette autorité informe la commission, dans le délai d'un mois qui suit la réception de cet avis, de la suite qu'elle entend donner à la demande. Le silence gardé par l'autorité mise en cause pendant plus de deux mois à compter de l'enregistrement de la demande de l'intéressé par la commission vaut confirmation de la décision de refus » ;


3. Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dans sa version applicable au litige, aujourd'hui repris aux articles L. 112-3 et L. 112-6 du Code des relations entre le public et l'administration : « Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa » ; qu'aux termes de l'article 19-2 de cette même loi, repris désormais à l'article L. 412-3 de ce même code : « Lorsque le recours contentieux à l'encontre d'une décision administrative est subordonné à l'exercice préalable d'un recours administratif, cette décision est notifiée avec l'indication de cette obligation ainsi que des voies et délais selon lesquels ce recours peut être exercé » ; que l'article 1er du décret du 6 juin 2001 pris pour l'application de la loi du 12 avril 2000, repris à l'article R. 112-5 du code précité, précise que : « L'accusé de réception prévu par l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision. Dans le second cas, il mentionne la possibilité offerte au demandeur de se voir délivrer l'attestation prévue à l'article 22 de la loi du 12 avril 2000 susvisée » ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du Code de justice administrative : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision » ;


4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions qu'en matière de communication de documents administratifs, pour que les délais prévus à l'article 17 du décret du 30 décembre 2005 soient opposables, la notification de la décision administrative de refus, ou l'accusé de réception de la demande l'ayant fait naître si elle est implicite, doit nécessairement mentionner l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire devant la commission d'accès aux documents administratifs, ainsi que les délais selon lesquels ce recours peut être exercé ; qu'en revanche, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative mise en cause d'informer le demandeur du recours contentieux qu'il peut former auprès de la juridiction administrative, et des délais y afférents, si la décision de refus est confirmée après la saisine de cette commission ; que l'absence de telles mentions a seulement pour effet de rendre inopposables les délais prévus par les textes cités au point 2 pour l'exercice du recours contentieux ;


5. Considérant qu'il suit de là que, contrairement à ce qui est soutenu, c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif, après avoir relevé que M. A… n'avait jamais été informé des voies de recours dont il disposait, ni des délais y afférents, a écarté la fin de non-recevoir opposée en défense par le centre hospitalier Louis Constant Fleming, tirée de la tardiveté de la requête ;


6. Considérant, en second lieu, que le tribunal disposait du pouvoir de se faire communiquer le rapport d'analyse des offres litigieux, sans le soumettre au contradictoire, afin de fonder son appréciation des conséquences de sa communication ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit et de la dénaturation dont il aurait entaché son jugement en diligentant une telle mesure d'instruction ne peut qu'être écarté ;


7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier Louis Constant Fleming n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;


DÉCIDE :


Article 1er : Le pourvoi du centre hospitalier Louis Constant Fleming est rejeté.


Article 2 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier Louis Constant Fleming et à M. B… A…


CE, CH Louis Constant Fleming de Saint-Martin, 11 juillet 2016, n° 391899



II – COMMENTAIRE


Le droit protège les intérêts de chaque partie opposée en contentieux, c'est pour cela que le droit exige un formalisme souvent bien abscons pour les justiciables, d'où l'intérêt du ministère d'avocat. Pour cette affaire, il faut relire plusieurs fois les considérants pour comprendre les enjeux. Le centre hospitalier de Saint-Martin forme un pourvoi en cassation d'un jugement du tribunal administratif de Saint-Martin lui ordonnant de communiquer le rapport d'expertise des offres d'un jury de concours.


Rappelons que si les documents afférents à l'analyse des offres – et donc l'offre de concurrence – peuvent être communicables aux concurrents non retenus qui le demandent, le prix détaillé de l'offre d'un attributaire d'un marché dans le secteur des assurances relevant de sa stratégie commerciale, ne peut être communiqué au titre de document à un tiers, fût-il le concurrent malheureux de l'appel d'offres (CE, CH de Perpignan, 30 mars 2016, n° 375529 ; FJH n° 51, juin 2016, p. 265 et s., disponible dans sa version numérique sur www.hopitalex.com).


Dans cette affaire, le centre hospitalier de Saint-Martin n'a pas totalement déféré à la recommandation de la Cada et a été condamné par le juge à déférer à celle-ci avec accompagnement d'astreinte. En conséquence, le centre hospitalier de Saint-Martin s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'État en demandant l'annulation de ce jugement pour prescription du délai de recours que n'a pas respecté le demandeur. Les juges du Conseil d'État vont rejeter ce pourvoi en relevant que si aucun texte n'impose à un décideur public d'inscrire les voies et moyens de recours dans une décision de rejet, le fait de ne pas avoir inscrit dans cette décision le délai de recours a entraîné une inopposabilité de ceux-ci pendant un délai raisonnable que le Conseil d'État, dans une autre affaire, a fixé à douze mois (CE, Sieur A… B… c/ Ministère de l'Économie et des Finances, 13 juillet 2016, n° 387763 ; FJH n° 94, décembre 2016, disponible dans sa version numérique sur www.hopitalex.com).

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