Le montant de l’indemnité de licenciement pour un contractuel est prévu par des dispositions réglementaires d’ordre public

  • Cour administrative d'appel Nancy Mme D... 15/06/2017 - Requête(s) : 16NC00064

I – LE TEXTE DE L'ARRÊT

1. Considérant que Mme D…, née le 17 janvier 1953, a été recrutée sous contrat de droit privé par l'association Maternité Hôpital Sainte-Croix pour exercer, à compter du 1er octobre 1971, les fonctions d'aide-soignante ; que les activités de cette association ont été reprises au cours de l'année 2007 par le syndicat inter-hospitalier « Femme-mère-enfant » de Metz, puis, après la dissolution de ce syndicat au cours de l'année 2008, par le centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville ; qu'en conséquence de ces transferts successifs d'activité, un contrat de travail de droit public à durée indéterminée a été conclu le 21 juin 2007 entre Mme D… et le syndicat inter-hospitalier, auquel est venu se substituer un nouveau contrat conclu le 22 décembre 2008 entre l'intéressée et le CHR de Metz-Thionville ; que Mme D…, qui a été licenciée pour inaptitude physique le 14 février 2012, a contesté auprès de l'administration le montant de l'indemnité de licenciement qui lui a été versée au titre du mois de février 2012 ; que, par un courrier du 12 juillet 2012, le CHR de Metz-Thionville a rejeté le recours de l'intéressée ; que Mme D… relève appel du jugement du 26 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 juillet 2012 ;

Sur la recevabilité des conclusions tendant à la condamnation du CHR de Metz-Thionville :

2. Considérant que dans sa demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg, Mme D… a conclu à la seule annulation de la décision du 12 juillet 2012 ; qu'ainsi, ses conclusions tendant à la condamnation du CHR de Metz-Thionville à lui verser une somme de 7 563,48 euros sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ; qu'elles ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : « Par dérogation à l'article 3 du titre Ier du statut général, les emplois permanents mentionnés au premier alinéa de l'article 2 peuvent être occupés par des agents contractuels lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient, notamment lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires hospitaliers susceptibles d'assurer ces fonctions ou lorsqu'il s'agit de fonctions nouvellement prises en charge par l'administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées […] » ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable à l'espèce : « La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires […] » ; qu'aux termes de l'article 50 du même décret, dans sa version applicable : « L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base […] » ;

4. Considérant que les dispositions précitées des articles 49 et 50 du décret du 6 février 1991 présentent un caractère d'ordre public ; que, par suite, un établissement public ne saurait légalement s'en écarter en concluant avec un agent non titulaire un contrat prévoyant des modalités différentes de calcul et de paiement de l'indemnité de licenciement, ou en faisant application des stipulations prévoyant de telles modalités ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme D… tendant à ce que son indemnité de licenciement soit calculée selon les modalités prévues par les dispositions précitées du décret du 6 février 1991 a été rejetée par le CHR de Metz-Thionville au motif que seules devaient recevoir application les stipulations du contrat à durée indéterminée conclu avec l'intéressée, ainsi que la convention des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 à laquelle elles renvoient ; qu'il résulte de ces stipulations que l'indemnité de licenciement ne saurait excéder six fois le montant mensuel du salaire brut de l'agent et que celui-ci a droit, le cas échéant, au versement par l'assureur de l'employeur d'une indemnité supplémentaire correspondant à la différence entre le montant calculé selon lesdites stipulations et le montant calculé dans les conditions prévues par le décret du 6 février 1991 ; que ces stipulations comportent des modalités de calcul et de paiement différentes de celles qui sont fixées par les dispositions précitées des articles 49 et 50 du décret du 6 février 1991, en application desquelles, notamment, l'indemnité de licenciement est à la charge du seul employeur public et s'établit, pour son montant maximal, à douze fois la rémunération de base ; qu'il appartenait cependant au CHR de Metz-Thionville d'appliquer ces seules dispositions qui, eu égard à l'ancienneté non contestée de Mme D…, lui permettent de prétendre à une indemnité de licenciement égale à douze fois sa rémunération de base ; que par suite, Mme D… est fondée à soutenir que le CHR de Metz-Thionville ne pouvait, par la décision contestée, rejeter sa demande tendant à obtenir une indemnité de licenciement calculée dans les conditions prévues par les dispositions du décret du 6 février 1991 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D… est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D…, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le CHR de Metz-Thionville demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge du CHR de Metz-Thionville une somme de 1 500 euros à verser à Mme D… sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1204134 du 26 novembre 2015 et la décision du 12 juillet 2012 par laquelle le centre hospitalier régional de Metz-Thionville a rejeté le recours de Mme D… tendant à la contestation du montant de son indemnité de licenciement sont annulés.

Article 2 : Le centre hospitalier régional de Metz-Thionville versera à Mme D… une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier régional de Metz-Thionville présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au centre hospitalier régional Metz-Thionville.

CAA Nancy, Mme D…, 15 juin 2017, n° 16NC00064

II – LE TEXTE DE RÉFÉRENCE

Article 49 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière

«  La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires ».

Article 50 du décret n° 91-155 du 6 février 1991

« L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base ».

III – COMMENTAIRE

Une aide-soignante contractuelle du CHR de Metz-Thionville avait été licenciée pour inaptitude physique le 14 février 2012 et avait contesté le montant de l'indemnité de licenciement qui lui avait été versé.

En première instance devant le Tribunal administratif de Strasbourg, sa demande avait été rejetée.

La cour administrative d'appel de Nancy a toutefois annulé le jugement des premiers juges dans son arrêt du 15 juin 2017.

Le juge d'appel motive sa décision en soulignant que les dispositions réglementaires prévues par le décret du 6 février 1991 relatif à l'indemnité de licenciement sont d'ordre public et que par conséquent la direction « ne saurait légalement s'en écarter en concluant avec un agent non titulaire un contrat prévoyant des modalités différentes de calcul et de paiement de l'indemnité de licenciement ou en faisant application des stipulations prévoyant de telles modalités ».

Autrement dit, les stipulations contractuelles qui avaient pu être prévues par le CHR de Metz- Thionville ne pouvait pas déroger aux articles 49 et 50 du décret n° 91-55 du 6 février 1991.

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