Le licenciement d’un praticien attaché pour suppression de poste suppose la preuve par l’hôpital de la réorganisation du service

  • Cour administrative d'appel Paris M. A… 14/11/2017 - Requête(s) : 16PA02977

I – LE TEXTE DE L'ARRÊT

1. Considérant que M. A… a été recruté par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à compter du 1er avril 1991 en qualité de praticien attaché associé, puis en qualité de praticien attaché par contrat à durée déterminée de trois ans à compter du 1er janvier 2004 au sein des services d'hématologie biologique, d'une part, de l'hôpital Paul Brousse à Villejuif pour une activité correspondant, en dernier lieu, à neuf demi-journées par semaine et, d'autre part, de l'hôtel Dieu à Paris pour une activité correspondant, en dernier lieu, à une demi-journée par semaine ; qu'en mai 2014, un laboratoire à réponse rapide a été créé à l'initiative de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au sein de l'hôpital Paul Brousse afin de prendre en charge des examens urgents de biochimie et d'hématologie ; que par lettres des 26 mai et 2 octobre 2014, la directrice adjointe des affaires médicales du groupe hospitalier des hôpitaux universitaires Paris-Sud de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a informé M. A… de la réorganisation du service d'hématologie biologique de l'hôpital Paul Brousse, de ce qu'en l'absence de poste disponible dans sa spécialité au sein du groupe hospitalier, seule la rupture de son contrat de travail pouvait être envisagée, de ce que son curriculum vitae serait adressé à l'ensemble des groupes hospitaliers de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris afin de pouvoir lui proposer des postes correspondants à son profil et de ce qu'en l'absence de postes correspondant à son profil ou de refus des postes éventuellement proposés, il serait licencié ; que par une décision du 15 décembre 2014, la directrice adjointe des affaires médicales du groupe hospitalier a prononcé le licenciement de M. A… à compter du 15 mars 2015 ; que par une ordonnance n° 1501149 du 5 mars 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a suspendu l'exécution de la décision du 15 décembre 2014 licenciant M. A… et enjoint à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de procéder à une nouvelle instruction du dossier de l'intéressé en étudiant les possibilités de son reclassement dans le délai de trois mois à compter de la notification de cette ordonnance ; que par une décision du 24 août 2015, la directrice adjointe des affaires médicales du groupe hospitalier des hôpitaux universitaires Paris-Sud de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a de nouveau prononcé le licenciement de M. A… à compter de l'expiration d'un préavis de trois mois partant du 9 septembre 2015, date de notification de la décision du 24 août 2015, soit à compter du 9 décembre 2015 ; que par une ordonnance n° 1508601 du 18 novembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a suspendu l'exécution de la décision du 24 août 2015 licenciant M. A… et enjoint à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris de procéder à une nouvelle instruction du dossier de l'intéressé dans le délai d'un mois à compter de la notification de cette ordonnance ; que par une décision n° 395189 du 15 avril 2016, le Conseil d'État a annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 18 novembre 2015 et renvoyé l'affaire devant le juge des référés de ce tribunal ; que par une ordonnance n° 1508601 du 20 mai 2016, la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de M. A… tendant à la suspension de la décision de licenciement du 24 août 2015 pour défaut d'urgence dès lors qu'à la date de l'audience de référé du 11 mai 2016, le licenciement de l'intéressé n'était pas encore intervenu et que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) s'était engagée, au cours de l'audience, à ne pas y procéder avant l'intervention du jugement devant statuer sur la légalité de la procédure de licenciement ; que saisie par le requérant d'une demande d'octroi de la protection fonctionnelle et de communication de ses dossiers administratif et médical, la directrice adjointe des affaires médicales des hôpitaux universitaires Paris-Sud, a, par une décision du 5 mars 2015, fait droit à sa demande de communication de dossiers mais rejeté celle tendant à l'attribution de la protection fonctionnelle à raison d'agissements de harcèlement moral ; que par un jugement du 20 juillet 2016 n° 1501174, 1503427 et 1508600, le tribunal administratif de Melun a annulé les deux décisions de licenciements en date des 15 décembre 2014 et 24 août 2015, enjoint à l'AP-HP de réintégrer M. A… à compter du 15 mars 2015 et d'en tirer toutes les conséquences sur sa situation administrative et sa carrière, condamné l'AP-HP au versement d'une somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait des licenciements illégaux prononcées les 15 décembre 2014 et 24 août 2015, mis à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des requêtes ; que, par la présente requête, M. A… demande notamment à la Cour d'annuler partiellement le jugement du 20 juillet 2016 en ce qu'il prévoit, dans ses motifs, sa réintégration sur la base d'un contrat à durée déterminée qui devrait prendre fin le 1er janvier 2019 et en ce qu'il rejette, par ses articles 5 et 6, sa demande d'annulation de la décision refusant de lui accorder la protection fonctionnelle pour harcèlement moral ainsi que le surplus de sa demande indemnitaire ; que par la voie de l'appel incident, l'AP-HP demande l'annulation du jugement n° 1501174, 1503427 et 1508600 du tribunal administratif de Paris du 20 juillet 2016 en ses articles 1 à 4 et le rejet des demandes présentées par M. A… ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête d'appel :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du 20 juillet 2016 a été notifié le 25 juillet 2016 à M. A… ; que la requête, enregistrée le 26 septembre 2016, n'est donc pas tardive ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête d'appel doit être rejetée ;

Sur la légalité des décisions de licenciement :

3. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun, après avoir rappelé que le licenciement de M. A… a été motivé par la suppression de son poste résultant de la réorganisation des activités de biologie du service hématologie de l'hôpital Paul Brousse, a annulé les deux décisions de licenciement prises à l'encontre de l'intéressé au motif que si « l'[AP-HP] fait valoir que la restructuration impliquée par la création du laboratoire à réponse rapide a eu pour effet une réduction des effectifs nécessaires au service à hauteur de 1,2 équivalent temps plein [ETP], elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la suppression effective du poste occupé par M. A… » ; que l'AP-HP soutient qu'en exigeant qu'elle apporte la preuve que le poste de M. A…, et non un autre, a bien été supprimé à la suite de la restructuration, les premiers juges ont commis une erreur de droit en ajoutant une condition à l'article R. 6152-629 du Code de la santé publique ; que cet article dispose que « Le praticien attaché qui bénéficie d'un contrat triennal ou d'un contrat à durée indéterminée peut être licencié, après avis de la commission médicale d'établissement ou le cas échéant, du comité consultatif médical. Le préavis est alors de trois mois. La décision de licenciement prononcée par le directeur est motivée. » ; que la circonstance que l'article R. 6152-629 du Code de la santé publique ne prévoit pas de motifs limitatifs à la décision de licenciement, lequel peut donc être justifié par une réorganisation de service, ne dispense pas le juge de vérifier la réalité de la réorganisation alléguée et son impact sur le poste occupé par le praticien licencié ; que, dès lors le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 6152-629 du Code de la santé publique doit être écarté ;

4. Considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier et notamment d'un document intitulé « biologie à réponse rapide sur le site Paul Brousse / Situation et propositions » établi le 6 novembre 2013 par le professeur Lemoine que la biologie à réponse rapide sur le site Paul Brousse était insuffisamment dotée en personnel médical d'hématologie ce qui ne lui permettait pas d'assurer sa mission, dans des délais compatibles avec la qualité des soins et que, compte tenu des difficultés en personnel rencontrées par le service d'hématologie, il a été jugé nécessaire de supprimer une garde d'hématologie le samedi après-midi et le dimanche, la prise en charge par le laboratoire de garde des examens d'hématologie ainsi que la création d'un laboratoire à réponse rapide fonctionnant 24 heures sur 24 sur le plateau biochimie pour les examens d'hématologie qui nécessitent une réponse rapide ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier et notamment des procès-verbaux du comité technique d'établissement local en date des 13 juin 2013 et 13 février 2014 et d'un document « power point » portant la mention « CTEL 13 février 2014 » que l'activité de biologie urgente  « sera maintenue sur chacun des trois sites du groupe hospitalier des hôpitaux universitaires Paris-Sud avec un regroupement de l'hémostase à Bicêtre et de l'onco-hématologie à Paul Brousse et que, contrairement aux restructurations envisagées par le groupe hospitalier pour d'autres activités, aucun effectif cible, s'agissant de l'activité de biologie, n'a été précisé lors des séances précitées du comité technique d'établissement local » ; que la circonstance qu'une garde médicale aurait été supprimée en raison de la création du laboratoire à réponse rapide, laquelle n'est au demeurant pas établie par les pièces du dossier, n'est pas de nature à elle seule à démontrer que le poste de M. A… aurait été supprimé à la suite de la restructuration de son service, alors que la quotité de travail assurée par l'intéressé à l'hôpital Paul Brousse s'élevait à neuf demi-journées par semaine ; que si l'AP-HP affirme dans ses écritures qu'il est « démontré que cette restructuration a pour conséquence une diminution des ressources humaines médicales du service », elle n'apporte aucun élément précis au soutien de ses allégations ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le licenciement de M. A… ne pouvait être regardé comme résultant d'une suppression de son poste qui serait la conséquence de la réorganisation entreprise et ont annulé les décisions du 15 décembre 2014 et du 24 août 2015 prononçant le licenciement de M. A… pour ce motif ;

Sur la réintégration sur la base d'un contrat à durée déterminée triennal :

5. Considérant que l'article R. 6152-610 du Code de la santé publique dispose : « À l'issue de cette période de vingt-quatre mois, le renouvellement s'effectue par un contrat de trois ans, renouvelable de droit, par décision expresse. À l'issue du contrat triennal, le renouvellement s'effectue par un contrat à durée indéterminée ». ;

6. Considérant qu'un praticien attaché dont le contrat est renouvelé implicitement après l'expiration du contrat triennal mentionné à l'article R. 6152-610 du Code de la santé publique ne peut, en l'absence de décision expresse en ce sens, être regardé comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée ; que le maintien en fonction de l'agent en cause à l'issue de son contrat triennal, s'il traduit la commune intention des parties de poursuivre leur collaboration, a seulement pour effet de donner naissance à un nouveau contrat, conclu lui aussi pour une période déterminée et dont la durée est celle assignée au précédent contrat ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A… a continué à être rémunéré par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris après le 15 mars 2015, date d'effet de son premier licenciement, et que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris lui a proposé, le 27 janvier 2016, un contrat à durée indéterminée, alors même qu'elle l'avait licencié ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris lui aurait proposé de signer un contrat à durée indéterminée avant le 27 janvier 2016, ni qu'il aurait accepté le contrat à durée indéterminée proposé par l'administration le 27 janvier 2016 ; qu'ainsi, le contrat triennal de l'intéressé, qui a été tacitement renouvelé depuis le 1er janvier 2004 et expirait le 1er janvier 2016, a en dernier lieu été tacitement renouvelé à compter du 1er janvier 2016 pour une même durée de trois ans, correspondant à la durée de son contrat précédent, soit jusqu'au 1er janvier 2019 ; que, dès lors M. A… n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il était embauché dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, et non dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, et qu'il ne devait être réintégré que jusqu'au 1er janvier 2019 ;

Sur la réparation du préjudice résultant de l'illégalité des décisions de licenciement du 15 décembre 2014 et du 24 août 2015 :

8. Considérant, en premier lieu, que si M. A… se prévaut d'un préjudice financier et de carrière, il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressé a été maintenu dans ses fonctions et a continué à être rémunéré par l'AP-HP depuis le 15 mars 2015, date d'effet de la première décision de licenciement ; qu'en tout état de cause, le requérant ne produit aucun élément ni aucune pièce de nature à établir l'existence du préjudice allégué ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande d'indemnisation de ce préjudice ;

9. Considérant, en second lieu, que M. A… a, par les décisions du 15 décembre 2014 et du 24 août 2015, été privé illégalement de l'exercice effectif de ses fonctions alors qu'il travaillait depuis près de 24 ans pour l'AP-HP ; que le requérant établit ainsi avoir subi un préjudice moral dont les premiers juges ont fait une juste appréciation en fixant le montant de l'indemnité due à ce titre à la somme globale de 8 000 euros ;

Sur le harcèlement moral :

10. Considérant que, s'il résulte de son article 2 que la loi du 13 juillet 1983 s'applique aux fonctionnaires civils des « établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales », lesquels comprennent les établissements publics de santé, ce renvoi ne vise pas les médecins ou pharmaciens praticiens hospitaliers mentionnés à l'article L. 6152-1 du Code de la santé publique, qui font partie du personnel de ces établissements, mais auxquels les dispositions de ce titre IV, issues de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ne sont pas applicables en vertu des termes mêmes du dernier alinéa de l'article 2 de cette loi ; que, par suite, ainsi que l'ont considéré les premiers juges, les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ne sont pas applicables à M. A… ; que, toutefois, en vertu d'un principe général du droit, aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral visés par les dispositions citées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;

11. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

12. Considérant que M. A… soutient avoir été victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur à la suite de ses dénonciations des dysfonctionnements au sein de l'hôpital Paul Brousse et notamment du non-respect de ses droits en matière de temps de travail légal, de conditions de travail et de paiement de ses congés payés, dus au manque de personnel ainsi qu'à des problèmes d'organisation récurrents ; qu'il fait ainsi valoir qu'il a été victime de nombreuses pressions de sa hiérarchie, de retrait de prérogatives, d'atteintes à ses droits statutaires et à ses conditions de travail, de retenues sur rémunération ainsi que d'une volonté de le licencier illégalement et que ces agissements ont eu un impact sur sa santé ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que, si le requérant prétend que sa hiérarchie a exprimé sa volonté de le licencier dès le mois de novembre 2013, en dehors de tout intérêt lié au service, le courriel produit par l'intéressé à l'appui de ses allégations n'évoque pas explicitement sa situation et ne porte que sur la suppression d'une garde médicale d'hématologie assurée par le personnel d'hématologie le samedi après-midi et la journée du dimanche ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que les reproches formulées à l'encontre du requérant concernant le planning et les tableaux de services, ses absences répétées et la validation de ses congés, la circonstance qu'il a été envisagé une procédure disciplinaire à la suite d'incidents durant des gardes impliquant le requérant en 2010 ou à la suite de ses absences en 2012, le fait que sa hiérarchie lui ait retiré la gestion de la liste des gardes en 2012, ou encore les retenues sur salaires opérées par l'administration à la suite de ses absences répétées, excèderaient l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; que, par ailleurs, l'existence de pressions de la part de sa hiérarchie pour obtenir sa démission n'est pas établie par les pièces du dossier ; que, de plus, la circonstance que sa rémunération aurait diminué de 20 % entre décembre 2013 et décembre 2014, ne permet pas d'établir à elle seule qu'il aurait été privé du droit d'exercer des gardes en exécution de son contrat ; que, de même, à la supposer établie, la circonstance que le décompte de ses jours de congé aurait été erronée en méconnaissance de la réglementation en vigueur, que l'administration ne l'aurait pas informé de la réglementation relative au lundi de pentecôte et que le paiement des indemnités liées à son compte-épargne-temps aurait été effectué tardivement, n'est pas, à elle seule, de nature à faire présumer une situation de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 à son encontre ; qu'il en va de même de la suppression des accès de l'intéressé au serveur de gestion du laboratoire à réponse rapide créé en mai 2014 à l'hôpital Paul Brousse dès lors qu'il n'y était pas affecté ; que les pièces produites par M. A… ne permettent pas d'établir qu'il aurait été isolé dans son service antérieurement à son licenciement ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction et notamment des documents médicaux produits par le requérant que les arrêts maladie dont il a fait l'objet auraient été en lien avec les agissements dénoncés par l'intéressé ; qu'ainsi, M. A… n'apporte pas un faisceau d'indices suffisamment probants pour faire présumer l'existence du harcèlement moral dont il se dit victime et ce, alors même qu'il a été privé illégalement de l'exercice effectif de ses fonctions par les décisions de licenciement du 15 décembre 2014 et du 24 août 2015 ;

Sur la décision du 5 mars 2015 refusant la protection fonctionnelle :

13. Considérant, d'une part, qu'en vertu d'un principe général du droit, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet ;

14. Considérant, d'autre part, que des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre à l'agent public qui en est l'objet d'obtenir la protection fonctionnelle ;

15. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 12 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A… a été victime d'agissements répétés de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, ni d'une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à ses droits et à sa dignité, risquant d'altérer sa santé physique ou mentale ou compromettant son avenir professionnel ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que la décision du 5 mars 2015 refusant de lui accorder la protection fonctionnelle serait entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de qualification juridique des faits et d'un détournement de pouvoir et de procédure, doivent être écartés ;

16. Considérant que la décision attaquée du 5 mars 2015 n'étant pas entachée d'illégalité, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en refusant à M. A… le bénéfice de la protection fonctionnelle ; que, dès lors, les conclusions à fin d'indemnisation présentées à ce titre doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'AP-HP de mettre en œuvre la protection fonctionnelle doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à la prise en charge des frais de justice :

17. Considérant que les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive imputable à l'administration ; que, toutefois, lorsque l'intéressé a fait valoir devant le juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement ; que, par suite, M. A… ne saurait obtenir une somme destinée à couvrir les frais d'avocat exposés en première instance et en appel pour sa défense dès lors qu'il a présenté par ailleurs des conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent être rejetées ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A… n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a enjoint à l'AP-HP de le réintégrer sur la base d'un contrat à durée déterminée devant prendre fin le 1er janvier 2019 et a rejeté sa demande d'annulation de la décision refusant de lui accorder la protection fonctionnelle pour harcèlement moral ainsi que le surplus de sa demande indemnitaire ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions présentées à titre incident par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris doivent également être rejetées, et qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstance de l'espèce, d'accueillir ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A… ainsi que les conclusions présentées devant la Cour par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sont rejetées.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D… À… et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

CAA Paris, M. A…, 14 novembre 2017, n° 16PA02977

II – COMMENTAIRE

L'arrêt rendu le 14 novembre 2017 par la cour administrative d'appel de Paris intéresse le droit du licenciement d'un praticien attaché.

Dans cette affaire, l'intéressé bénéficiait d'un contrat triennal.

L'APHP l'avait licencié au motif de la suppression de poste résultant de la réorganisation du des activités de biologie du service hématologie de l'hôpital Paul- Brousse.

En première instance, le tribunal administratif de Melun a annulé le licenciement du praticien attaché et a enjoint à l'APHP de le réintégrer sur la base d'un contrat à durée déterminée qui devait prendre fin le 1er janvier 2019.

L'APHP a également été condamnée à verser au praticien hospitalier de verser la somme de 15 000,00 euros en réparation de son préjudice moral.

Le praticien attaché a interjeté appel car, d'une part, il souhaitait être intégré sur la base d'un contrat à durée indéterminée et d'autre part, il souhaitait voir le montant de ses dommages et intérêt porté à 24 000,00 euros.

Sa requête a été rejetée.

L'apport de cet arrêt est triple.

En premier lieu, s'agissant de la motivation de la décision de licenciement, il appartient à l'établissement de rapporter la preuve de la suppression effective du poste occupé par l'intéressé.

La juridiction administrative relève que, même si l'article R. 6152-629 du Code de la santé publique ne prévoit pas de motifs limitatifs quant au licenciement d'un praticien attaché, il reste que le juge doit vérifier la réalité de la réorganisation du service.

En deuxième lieu, de manière très claire, il a été jugé que : « un praticien attaché dont le contrat est renouvelé implicitement après l'expiration du contrat triennal mentionné à l'article R. 6152-610 du Code de la santé publique ne peut, en l'absence de décision expresse en ce sens, être regardé comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée ; que le maintien en fonction de l'agent en cause à l'issue de son contrat triennal, s'il traduit la commune intention des parties de poursuivre leur collaboration, a seulement pour effet de donner naissance à un nouveau contrat, conclu lui aussi pour une période déterminée et dont la durée est celle assignée au précédent contrat ».

Par conséquent, le contrat triennal du praticien attaché qui avait été renouvelé depuis le 1er janvier 2004 et qui expirait le 1er janvier 2016 en dernier lieu, était tacitement renouvelé à compter du 1er janvier 2016 pour une même durée de 3 ans, correspondant à la durée de son contrat précédent soit jusqu'au 1er janvier 2019.

En troisième et dernier lieu, le praticien attaché arguait de l'existence d'un harcèlement moral.

Son grief n'a pas été retenu car, comme le dit nettement la juridiction administrative, il n'apportait pas « un faisceau d'indices suffisamment probants pour faire présumer l'existence du harcèlement moral dont il se dit victime et ce, alors même qu'il a été privé illégalement de l'exercice effectif de ses fonctions par les décisions de licenciement ».