La sanction de rétrogradation n’est pas plus sévère que la sanction de suspension temporaire

Publié en septembre 2021 - Modifié en septembre 2021 | FJH n°063 , p.251

Procédure disciplinaire Rétrogradation Exclusion temporaire

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  • Cour administrative d'appel Nantes 18/06/2021 - Requête(s) : 20NT00009

RÉSUMÉ

La sanction d'exclusion temporaire qui a été proposée par la commission de réforme n'est pas plus sévère que la sanction de rétrogradation infligée par l'autorité investie du pouvoir de nomination et par conséquent cette dernière n'était pas tenue d'y substituer celle d'exclusion temporaire des fonctions.


I. LE TEXTE DE L'ARRÊT

1. Mme E…, alors employée par le centre hospitalier de Bretagne sud (CHBS) en qualité d'aide-soignante de classe supérieure titulaire au 7e échelon de son grade et affectée à l'unité de traitement des dispositifs médicaux réutilisables, dite service « UTDMR-Stérilisation », a fait l'objet le 2 mars 2016 de l'engagement d'une procédure disciplinaire pour s'être rendue complice de la falsification de données relatives à la stérilisation de matériels chirurgicaux réutilisables et pour avoir dissimulé ces faits à sa hiérarchie. Par une décision du 8 juillet 2016, le directeur du CHBS a prononcé à son encontre la sanction de rétrogradation au 1er échelon de la classe normale à compter du 12 juillet 2016, date de notification de cette sanction. La commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, saisie par l'agent, s'est prononcée par un avis du 9 novembre 2016 en faveur d'une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois assortie d'un sursis de cinq mois. Par un courrier du 15 mars 2017, Mme E… a demandé au directeur du CHBS de « tirer les conséquences de cet avis » et de substituer à la sanction de rétrogradation qu'il lui avait infligée celle d'exclusion temporaire telle que proposée par la commission de recours. Mme E… relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision par laquelle le directeur du CHBS a implicitement rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : « les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. / […] L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins de un mois. L'intervention d'une sanction disciplinaire des deuxième ou troisième groupes pendant une période de cinq ans après le prononcé de l'exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. […] ». Aux termes de l'article 84 de cette même loi, alors en vigueur : « les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière lorsque l'autorité investie du pouvoir disciplinaire a prononcé une sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline. / L'autorité investie du pouvoir de nomination ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière ». Et aux termes de l'article 26 du décret du 9 mai 2012 relatif au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière : « en matière disciplinaire, lorsque l'avis émis par la commission des recours prévoit une sanction moins sévère que celle qui a été prononcée par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, celle-ci est tenue de lui substituer une nouvelle décision qui ne peut comporter de sanction plus sévère que celle retenue par la commission des recours ».

3. Il résulte de ces dispositions que l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 fixe une échelle des sanctions applicables aux agents de la fonction publique hospitalière, en les classant suivant leur degré de gravité. Si les sanctions de rétrogradation et d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans appartiennent toutes deux au troisième groupe, la rétrogradation précède l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans, dans l'ordre de présentation qui conditionne le déroulement du vote des conseils de discipline comme de la commission de recours pour fixer un niveau de sanction, et donc également dans l'échelle de sévérité de ces sanctions, la circonstance que la sanction d'exclusion temporaire puisse être assortie d'un sursis étant à cet égard sans incidence. Par suite, et quelles que puissent être les conséquences financières, fonctionnelles ou de déroulement de carrière de la sanction prononcée par lui le 8 juillet 2016, le directeur du CHBS n'était pas tenu d'y substituer celle d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de six mois dont cinq mois avec sursis proposée par la commission des recours, qui n'était pas moins sévère. Il n'a dès lors, en maintenant implicitement la sanction de rétrogradation, pas méconnu les dispositions précitées de l'article 26 du décret du 9 mai 2012.

4. La décision contestée, par laquelle le directeur du CHBS a refusé de procéder à la substitution de sanction sollicitée par Mme E…, n'ayant pas été prise pour l'application de la décision de rétrogradation du 8 juillet 2016, la requérante ne peut utilement soulever le moyen, nouveau en appel, tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette dernière décision.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme E… n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme E… ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que le GHBS, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme E… la somme qu'elle demande au titre des frais d'instance.

8. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser au GHBS la charge des frais exposés par lui à ce même titre.


DÉCIDE

Article 1er : La requête de Mme E… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le GHBS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E… et au groupe hospitalier Bretagne Sud.


CAA de Nantes, 18 juin 2021, n°20NT00009


II. COMMENTAIRE

L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Nantes est intéressant dans la mesure où le juge rappelle que les sanctions de rétrogradation et d'exclusion temporaire des fonctions appartiennent au troisième groupe.

Rappelons, au préalable, les faits de l'affaire : une aide-soignante de classe supérieure titulaire au septième échelon a fait l'objet d'une procédure disciplinaire à l'issue de laquelle le directeur du centre hospitalier de Bretagne sud lui a infligé la sanction de rétrogradation au premier échelon de la classe normale.

L'agent a saisi la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et a obtenu de celle-ci un avis en faveur d'une exclusion temporaire des fonctions de six mois assortis d'un sursis.

C'est alors que l'agent a demandé au directeur de l'établissement de substituer à la sanction de rétrogradation celle d'exclusion temporaire des fonctions proposée par la commission des recours.

Face au refus implicite de la part de la Direction, l'agent a saisi le juge administratif d'un recours en annulation mais le tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête.

En cause d'appel, la décision des premiers juges est confirmée.

Pour fonder son arrêt, la cour administrative d'appel de Nantes rappelle que selon les dispositions applicables (décret du 9 mai 2012), lorsque la commission des recours propose une sanction moins sévère que celle prononcée par l'établissement, l'autorité investie du pouvoir de nomination est tenue de substituer la sanction infligée en faveur de celle qui a été proposée par la commission des recours.

Dans le cas jugé, le juge administratif rappelle que les sanctions de rétrogradation et l'exclusion temporaire des fonctions appartiennent toutes les deux au troisième groupe.

Plus encore, la juridiction d'appel en déduit que la sanction d'exclusion temporaire des fonctions déposée par la commission des recours n'est pas moins sévère que la rétrogradation.

Par voie de conséquence, l'agent ne pouvait pas arguer des dispositions réglementaires susvisées pour obtenir de l'autorité disciplinaire le remplacement de la sanction de rétrogradation par celle d'exclusion temporaire des fonctions.