Fin de vie : les conclusions de la Convention citoyenne

La construction du « droit » de la fin de vie remonte à 1999. La loi du 9 juin 1999 vise à garantir l'accès aux soins palliatifs qui permettent de prévenir et de soulager la douleur. La loi du 4 mars 2002 établit un droit de refus de l'acharnement thérapeutique et remet le patient au cœur des décisions médicales qui le concernent. Enfin la loi du 22 avril 2005, dite loi Leonetti, affirme pour la première fois l'interdiction de l'obstination déraisonnable pour les médecins, complétant ainsi la loi de 2002 et affirmant le respect de l'autonomie des patients. Portée par les députés Alain CLAEYS et Jean LEONETTI, la loi du 2 février 2016 a ensuite créé de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie en actant la sédation profonde et continue ou encore l'arrêt de la nutrition et de l'hydratation, le refus de tout traitement en cas d'obstination thérapeutique déraisonnable, et en rendant opposables les directives anticipées. Une procédure collégiale, et médicale, encadrait ces pratiques. Peu de temps avant cette promulgation, le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie a été institué par décret du 5 janvier 2016 afin de contribuer à une meilleure connaissance des conditions de la fin de vie et des soins palliatifs, des pratiques d'accompagnement et de leurs évolutions, et de l'organisation territoriale de la prise en charge des patients et de leur entourage. Installé auprès du ministère de la santé, le centre a également pour missions de participer au suivi des politiques publiques relatives aux soins palliatifs et à la fin de vie, et d'informer le grand public et les professionnels afin de contribuer à la diffusion des connaissances sur la démarche palliative et sur la fin de vie. Il a été renouvelé pour 5 ans par le décret du 28 janvier 2022.

L'IGAS a été chargée d'évaluer l'application de cette loi et a rendu son rapport le 11 juin 2018.

En 2021, deux propositions de lois ont été déposées. D’une part, la proposition de loi déposée le 26 janvier 2021 par Jean-Louis Touraine visant à garantir et renforcer les droits des personnes en fin de vie, et d’autre part la proposition de loi portée par Olivier Falorni et visant le droit à une fin de vie libre et choisie

En outre, un grand plan national 2021-2024 pour le développement des soins palliatifs et l'accompagnement de la fin de vie a délégué 5 millions d’€ fin 2021 aux établissements de santé pour renforcer les équipes mobiles de soins palliatifs et, dans le cadre du Ségur de la santé, 3 millions d’€ dédiés au développement de l’accès à l’expertise palliative seront alloués aux ARS début 2022 pour compléter et pérenniser des dispositifs d’appui territorial de soins palliatifs accessibles aux professionnels de santé exerçant à domicile.

Les trois axes du plan national visent l’appropriation des droits en faveur des personnes malades et des personnes en fin de vie, l’expertise en soins palliatifs en développant la formation et en soutenant la recherche, la définition des parcours de soins gradués et de proximité en développant l’offre de soins palliatifs, en renforçant la coordination avec la médecine de ville et en garantissant l’accès à l’expertise.

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) analyse les questions éthiques relatives aux situations de fin de vie dans son avis 139 qui montre toute la difficulté du sujet. Huit signataires ont ainsi émis des réserves s'agissant des pré-requis à toute évolution de la réglementation représentant “la garantie qu’un recours à une aide active à mourir ne relève ni d’un défaut de soin ni d'un déficit de connaissance”. Par ailleurs, la “mise en place d’une aide active à mourir, pour quelques cas exceptionnels, ne saurait améliorer significativement à elle seule les conditions de la fin de vie en France”.

La Convention citoyenne sur la fin de vie, sous l’égide du Conseil économique, social et environnemental, a été annoncée peu après, avec pour mission de répondre à la question suivante : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ».

Composée de 185 personnes tirées au sort, les conclusions de la Convention citoyenne ont été rendues, comme attendu, en avril 2023. À 97%, les conventionnels ont répondu affirmativement à la question de l’amélioration du cadre d’accompagnement de la fin de vie. 65 propositions ont été élaborées.

Deux axes principaux se dégagent : repenser le cadre d’accompagnement de la fin de vie jugé inadapté et ouvrir l’aide active à mourir sous conditions.

 

Accompagner la fin de vie

« Deux raisons principales : d’une part, l’inégalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie et, d’autre part, l’absence de réponses satisfaisantes face à certaines situations de fin de vie, notamment dans le cas de souffrances physiques ou psychiques réfractaires ».

Rejoignant les réserves émises lors de l’avis n°139 du CCNE, la Convention citoyenne soutient le renforcement, financier comme opérationnel, de l’accompagnement de la fin de vie (former mieux les professionnels notamment, développer la recherche par exemple).

Ainsi, développer l’accompagnement à domicile ou permettre au patient de choisir le lieu de sa fin de vie ont rallié une large majorité des votants.

Sur l’aspect financier, la Convention citoyenne prône une large augmentation des moyens et met en avant qu’aucun reste à charge ne doit contrarier l’égal accès à la fin de vie. Un fichier national des soins palliatifs est encore avancé « permettant de faire remonter des données de terrain et d’avoir une vue plus précise des besoins et des conditions de prise en charge ».

 

Ouvrir l’aide active à mourir sous conditions

La Convention citoyenne y est favorable très largement (75,6% des votants) en associant le suicide assisté et l’euthanasie ; presque 40% des votants sont favorables à une proposition « au choix » et un peu moins de 30% font prévaloir le suicide assisté (l’euthanasie étant l’exception).

Un parcours en cinq étapes a été déterminé : expression de la demande libre, éclairée et révocable à tout moment, accompagnement médical et psychologique complet, évaluation du discernement indispensable et préalable à la validation de l’entrée dans le parcours d’aide active à mourir, validation de l’entrée dans le parcours d’aide active à mourir soumise à une procédure collégiale et pluridisciplinaire, réalisation de l’acte encadrée par le corps médical

Le respect de la volonté libre et éclairée du patient est primordial, notamment au travers des directives anticipées.

Pour autant, quels sont les critères possibles pour accepter cette aide active à mourir ? Ainsi, « les critères d’incurabilité, de souffrance réfractaire et de souffrance physique sont jugés prioritaires ». Ou encore, la « question du pronostic vital engagé ». Une petite partie (21,7%) considère que l’accès universel, uniquement fondé sur la volonté, est le seul permettant de répondre à toutes les situations de façon égalitaire et universelle.

Mais, s’agissant du mineur, les échanges n’ont pas permis d’affirmer une position.

« 78% des citoyennes et citoyens estiment que les soignants doivent pouvoir faire valoir une clause de conscience pour ne pas participer à la procédure de réalisation de l’acte. En cas d’exercice de cette clause, le patient doit être orienté vers un autre professionnel ».

Néanmoins, plus de 23% se sont prononcés contre l’aide active à mourir, en arguant de l’insuffisante application de la loi Claeys-Leonetti de 2016, voire de sa méconnaissance par les soignants, et des risques de dérives au détriment des personnes vulnérables, ou d’un recours à l’aide active à mourir en lieu et place d’un accompagnement de fin de vie (plus onéreux, sans compter l’opposition plutôt majoritaire des professionnels de santé eux-mêmes.