Coopérations et partage des tâches entre professionnels de santé : la HAS appelle à accélérer

Le 13 mars dernier, la Haute autorité de santé (HAS) a publié un communiqué portant sur les protocoles de coopération (« Accélérer les coopérations et les partages de tâches entre professionnels de santé »)

 

Créés par la loi HPST  du 21 juillet 2009, les protocoles de coopération sont des accords conclus entre les professionnels de santé qui permettent au délégant (par exemple un médecin) de transférer une fonction au délégué (par exemple un infirmier).

 

Selon l'article L4011-1 du CSP, par dérogation à des articles relatifs aux compétences professionnelles et à l'exercice illégal de la médecine, « les professionnels de santé travaillant en équipe peuvent s'engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération pour mieux répondre aux besoins des patients. Par des protocoles de coopération, ils opèrent entre eux des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de prévention ou réorganisent leurs modes d'intervention auprès du patient ».

 

Ce dispositif était censé mettre en place un partage efficace des compétences professionnelles et ainsi pallier les difficultés relatives à l’accès aux soins et à leur permanence en France. 

 

Or, les objectifs d’amélioration de la prise en charge des patients, d’attractivité des métiers de la santé et de réponse aux tensions sur l’offre de soins n’ont pas été atteints. Dès lors, ce communiqué, qui fait suite à un article du 4 juin 2021, se veut beaucoup plus pragmatique que le premier.

 

En 2021, la HAS, confiante, affirmait que « L’enjeu des protocoles de coopération entre professionnels de santé est de proposer une offre de soins élargie, de réduire les délais d’accès à une prise en charge en optimisant les parcours de soins, et ainsi apporter une réponse aux attentes des patients comme des professionnels. »

 

Presque trois ans plus tard, elle constate que les résultats sont « trop limités ». 

En effet, même si, fin 2023, cinquante-sept protocoles nationaux de coopération ont été autorisés, le chiffre 57 « reste faible » et leur application très hétérogène : « quand certains concernent plusieurs milliers de patients, d’autres n’en concernent que quelques dizaines. (…) Par ailleurs, 106 protocoles locaux ont été autorisés sans que nous disposions d’une évaluation des flux de bénéficiaires, et très peu ont évolué vers une application nationale. Enfin, des obstacles organisationnels et financiers mettent en échec les progrès attendus ». En outre, la rémunération du ‘protocole de coopération entre médecins et infirmiers pour la prise en charge à domicile des patients âgés ou en situation de handicap et en difficultés pour se déplacer aux cabinets des médecins’ n’est toujours pas fixée et, s’agissant des pratiques avancées des infirmiers, alors que l’objectif était de 5 700 diplômés en 2027, fin 2022 ils étaient seulement 1 718 en 4 ans.

 

Selon les acteurs du dispositif et les missions d’information ou d’évaluation, les principaux obstacles sont : 

  • Les complexités administratives pour la mise en œuvre des protocoles de coopération ;
  • L’insuffisance voire l’absence de financement dédiés tant dans le déploiement que dans l’évaluation des nouveaux modes de coopération ;
  • L’absence de soutien aux équipes qui veulent s’engager dans la voie des coopérations ;
  • Le nombre réduit de compétences partagées.

 

La HAS propose alors plusieurs solutions : 

  • Changer de logiciel :
  • Simplifier la « vie administrative » des acteurs du dispositif : alors qu’en 2021 elle insistait sur l’importance de son avis préalable, aujourd’hui elle propose « d’aménager les procédures sur la base d’un cahier des charges national qu’elle aura élaboré et que les ARS pourraient appliquer afin d’examiner plus rapidement les demandes de protocoles dans des garanties de sécurité et de qualité conservées ».
  • Soutenir les équipes : il conviendrait que les ARS « mobilisent plus fortement les ressources d’appui nécessaires au sein de chaque agence ou délèguent contractuellement, avec un financement dédié, le soutien méthodologique aux structures d’exercice collectif ou aux CPTS ».
  • Créer un forfait de coopération suffisamment valorisant pour tous dans le cadre de négociations avec l’Assurance Maladie. Les structures d’exercice collectif ou les CPTS « peuvent faire office de garant méthodologique et de la répartition du forfait de coopération ».
  • Évaluer de manière plus rigoureuse les partages de tâches pour trois raisons :
  • Pour garantir la qualité des soins ;
  • Pour sédimenter les savoirs acquis dans les partages et les coopérations et les transmettre dans les formations initiales des professionnels concernés ;
  • Pour guider la réflexion et les initiatives règlementaires car ces partages et coopérations sont le plus souvent une étape avant de modifier les décrets de compétence en fonction des pratiques et des résultats cliniques observés.

Pour cela, il conviendra toutefois d’établir un financement clair dès l’origine des projets.

 

En clair, malgré une mise en place fragile, la HAS vante les nombreux atouts de ces coopérations qui, selon elle, « méritent d’être développées » dans les années à venir.