L’obligation d’exécuter un jugement visant à affecter un agent sur un poste correspondant à son grade

  • Cour administrative d'appel Paris Mme D…C… 07/05/2021 - Requête(s) : 20PA00729

RÉSUMÉ

La réorganisation d'un service au titre de la crise sanitaire ne constitue pas une circonstance de nature à faire obstacle à l'exécution d'un jugement visant à affecter un agent sur un poste correspondant à son grade.


I. LE TEXTE DE L'ARRÊT

1. L'article L. 911-4 du Code de justice administrative dispose : « en cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la Cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. […]. Si le jugement dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte […] ». L'article R. 921-6 du même code précise : « dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle […], le président […] ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. / […] ». D'une part, le juge de l'exécution est tenu par l'autorité de la chose jugée par le jugement dont l'exécution est demandée. Une demande d'exécution ne peut donc tendre qu'à l'édiction par l'autorité administrative des mesures strictement nécessaires à l'exécution de ce jugement. D'autre part, en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du Code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision.

Sur les conclusions à fin de non-lieu :

2. Le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges (CHIV) fait valoir que la mise à disposition de Mme C… auprès du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, à compter du 21 décembre 2020 et pour une durée de six mois renouvelable, a privé d'objet la demande d'exécution du jugement n°  1504422-8 du 25 janvier 2018 du Tribunal administratif de Melun présentée par Mme C…. Cependant, les premiers juges ont enjoint au centre hospitalier de proposer à Mme C… une affectation, qui doit être entendue comme une affectation au sein de cet établissement et qui est distincte de la mise à disposition auprès d'un autre établissement. En outre, il ressort des pièces du dossier que Mme C… a dénoncé cette convention dont le terme était fixé au 26 avril 2021. Par suite, cette circonstance n'est pas de nature à priver d'objet la demande de la requérante. Il y a donc lieu de statuer sur cette demande.

Sur les conclusions à fin de médiation :

3. Aux termes de l'article L. 213-7 du Code de justice administrative : « lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci »

4. Il ressort des écritures de Mme C… qu'elle s'oppose à la mise en place d'une médiation. Dès lors, les conclusions du CHIV tendant à ce que la Cour ordonne une médiation doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'exécution du jugement n° 1504422-8 du 28 janvier 2018 du Tribunal administratif de Melun :

5. Par le jugement n° 1504422-8 du 25 janvier 2018, le Tribunal administratif de Melun a enjoint au CHIV de proposer à Mme C… une affectation correspondant à son grade au terme de sa mise à disposition auprès de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à la condition qu'elle n'ait pas fait l'objet d'une nomination au sein de cet établissement. Il est constant que si le CHIV a procédé à la réintégration juridique de Mme C…, il n'a pas proposé à cette dernière une affectation effective au sein du service de biologie médicale au terme de sa mise à disposition. Si l'établissement fait valoir que l'organisation des laboratoires du CHIV a été réétudiée pour faire face à la crise sanitaire de Covid-19 avec le nombre adéquat de personnel devant répondre aux besoins engendrés par la pandémie et que plusieurs praticiens hospitaliers et agents du laboratoire ont manifesté de vives réactions en protestant contre le retour de Mme C…, ces circonstances, si elles révèlent des difficultés de gestion liées à la réintégration de Mme C… au sein du service, ne constituent cependant pas une impossibilité de nature à faire obstacle à l'exécution du jugement Par suite, le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges ne peut être regardé comme ayant pris les mesures propres à assurer l'exécution de l'injonction à laquelle il a été condamné par le jugement n° 1504422-8 du 25 janvier 2018 du Tribunal administratif de Melun. Dans ces circonstances, à défaut pour le CHIV de justifier de l'exécution du jugement dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, il y a lieu de prononcer à son encontre une astreinte de 200 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle ce jugement aura reçu exécution.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que Mme C…, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse au CHIV la somme qu'il demande sur le fondement de ces dispositions. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge du CHIV une somme de 1 500 euros à verser à Mme C… au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.


DÉCIDE

Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges s'il ne justifie pas avoir exécuté, dans le délai d'un mois à compter de la notification présent arrêt, le jugement n°1504422-8 du 25 janvier 2018 du Tribunal administratif de Melun et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de l'astreinte est fixé à 200 euros par jour.

Article 2 : Le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges versera à Mme C… la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme D… C…, au centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges et au ministre des solidarités et de la santé.


CAA de Paris, 7 mai 2021, Mme D…C…, n°20PA00729


II. COMMENTAIRE

Cet arrêt a tranché la question de l'exécution d'un jugement dont le centre hospitalier fait valoir une impossibilité à exécuter en raison de circonstances liées notamment à la crise sanitaire du covid-19.

Les faits sont les suivants : à l'occasion d'un litige antérieur, un jugement du Tribunal administratif a enjoint le Centre Hospitalier de Villeneuve Saint George d'affecter un agent dans un poste correspondant à son grade au terme de sa mise à disposition auprès de l'APHP à la condition que l'agent n'ait pas fait l'objet d'une nomination au sein de cet établissement.

Dans le cadre d'une seconde procédure, l'agent demande au juge administratif l'exécution du premier jugement.

La cour administrative d'appel de Paris relève dans un premier temps que l'injonction d'affectation devait être entendue comme une affectation au sein de l'établissement et non d'une mise à disposition dans un autre établissement.

Dès lors, la mise à disposition de l'agent dans un autre établissement ne prive pas l'établissement de son obligation d'exécution du premier jugement.

En second lieu, la Cour retient que le Centre hospitalier n'a pas proposé à l'agent une affectation au sein d'un service de biologie médicale au terme de sa mise à disposition au titre de difficultés liées à la crise sanitaire du covid-19.

Toutefois, concernant les circonstances évoquées par le CH, le juge retient que si elles révèlent des difficultés de gestion liées à la réintégration de Mme C… au sein du service, ne constituent cependant pas une impossibilité de nature à faire obstacle à l'exécution du jugement.

Par conséquent, la Cour estime que le Centre hospitalier n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer l'exécution de l'injonction à laquelle il avait été condamné et que dès lors, le CH est enjoint d'exécuter le jugement litigieux dans un délai d'un mois au terme duquel le centre hospitalier sera soumis à une astreinte de 200 euros par jour de retard.