Publié en juillet 2024
Médecin Infirmier Pharmacien Union Européenne Masseur-kinésithérapeute Ressortissants de l’UE Chirurgiens-dentistes Procédure de reconnaissance Qualifications professionnelles
Voir également :Dans son “Rapport spécial 10/2024: Reconnaissance des qualifications professionnelles dans l’Union européenne – Un mécanisme essentiel, mais utilisé de manière sporadique et incohérente” mis en ligne le 1er juillet 2024, la Cour des comptes européenne (CCE) pointe les lacunes et faiblesses d'un système pourtant ancien et pertinent.
Après avoir rappelé le principe de la libre circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne, puis celui de la reconnaissance des qualifications professionnelles en 2005, la CCE constate, au terme de son audit, que le dispositif souffre de nombreuses critiques.
Si la “plupart des cas de mobilité professionnelle au sein de l’UE ne sont pas concernés par la reconnaissance des qualifications professionnelles”, cette RQP concernerait 6% des citoyens, victimes d'un “manque de procédures électroniques” et de “différences de frais de reconnaissance selon les pays” pouvant aller jusqu'à 17500 euros. Par exemple, la procédure est totalement électronique au Danemark, et environ à moitié en France. La Belgique assure la gratuité des demande dans 81% là où la France se situe autour de 65%.
Le nombre de professions réglementées est très variable au sein de l'UE (en moyenne 212, mais 254 en France).
En outre, personne ne s'est vraiment approprié “la carte professionnelle européenne, l’accès partiel aux professions ou les principes communs de formation”. Pourtant, la profession d'infirmier chargé de soins généraux relève de la carte professionnelle européenne qui est totalement transparente dans sa procédure puisque “le délai d’obtention des cartes et le nombre de cartes délivrées sont enregistrés automatiquement dans le système IMI.” Le coût de cette carte est un élément avancé pour expliquer ce faible recours.
Plus inquiétant, “les autorités compétentes ont procédé à la reconnaissance des qualifications professionnelles sans prendre en compte les alertes encodées dans le système d’information du marché intérieur par d’autres États membres, même lorsque ces alertes étaient dues à des «raisons sérieuses» et signalaient, par exemple, des fautes professionnelles, des mesures disciplinaires en cours ou des condamnations pénales”. En effet, le système IMI doit être utilisé pour les notifications relatives aux professions concernées par la reconnaissance automatique “et pour les nouvelles procédures de coopération: la carte professionnelle européenne et le mécanisme d’alerte” mais les États sont assez critiques quant à sa rigidité et utilité finale. En outre, et selon l'audit de la CCE, “Entre 2017 et 2021, les États membres ont créé plus de 25 000 alertes au total (pour raisons sérieuses et raisons administratives) dans le mécanisme prévu à cet effet. Environ un quart de ces alertes étaient dues à des «raisons sérieuses», dont 50 % concernaient la profession d’infirmier et 5 % les professions touchant à l’éducation des mineurs.” Or, les pays visités pour l'audit n'en prennent pas connaissance, au vu de leur nombre.
La CCE produit un classement des 25 professions réglementées caractérisées par la plus grande mobilité en UE sur la base du nombre total de décisions déclarées par les autorités compétentes des 27 États membres (2017-2021). Sans grande surprise, la catégorie “infirmier” arrive en tête, suivie par les médecins, tandis que les kinésithérapeutes représentent moitié moins des déclarations. Les infirmiers (responsables de soins généraux) relèvent de la RQP automatique (tout comme les médecins, sages-femmes, pharmaciens, praticien de l'art dentaire) et “les autorités compétentes devraient valider automatiquement les demandes, en s’appuyant sur les documents fournis par les citoyens, sans comparer leurs qualifications aux exigences nationales.” Pour ceux qui relèvent du régime général, tels les kinésithérapeutes, les États peuvent encadrer l'exercice de la profession par la supervision pendant un certain temps, voire un examen.
Les délais de réponse ne sont pas toujours respectés (pour la procédure automatique, elle dure au maximum 3 mois dès réception du dossier complet). La France s'y conforme dans 90% des cas.
Mais, outre cette reconnaissance des qualifications professionnelles, il faut parfois également obtenir une autorisation d'exercer (professions de santé par exemple) distincte de la procédure RQP.
Face à cette application peu satisfaisante, “la Commission a ouvert des procédures d’infraction en lien avec la question des qualifications professionnelles” concernant tous les États, en 2018 et 2019 ; au “dernier point réalisé en février 2024, 12 pays faisaient toujours l’objet de procédures d’infraction et 75 problèmes subsistaient dans l’ensemble des États membres”, ce qui est en diminution.
Les recommandations formulées sont les suivantes, à échéance assez rapides (2025 ou 2026) :
- d’assurer l’application uniforme du système de reconnaissance;
- d’intégrer le mécanisme d’alerte dans la procédure de reconnaissance;
- de mettre à jour annuellement les listes des titres de formation propres à certains secteurs (énumérés à l’annexe V de la directive) qui peuvent bénéficier d’une reconnaissance automatique, et de réduire le délai de décision pour la reconnaissance des professions sectorielles dans le cadre du régime automatique;
- d’assurer la mise à disposition d’informations fiables et cohérentes aux citoyens.
Voir notre fiche “La reconnaissances des qualifications professionnelles”