La faute grave d’un praticien contractuel justifiant son licenciement

  • Cour administrative d'appel Bordeaux Mme C... 18/12/2018 - Requête(s) : 16BX01051

RÉSUMÉ

Est légale la mesure de licenciement d'un praticien contractuel qui a cumulé un ensemble de faits susceptibles de fonder des griefs qui s'analysent à une faute grave.


I – LE TEXTE DE L'ARRÊT


1. Mme D...a été recrutée par le centre hospitalier de Marie-Galante (Guadeloupe) en qualité de praticien urgentiste, le 22 décembre 2009, par contrat à durée déterminée pour une période de trois ans. Par décision du 28 février 2011, le directeur du centre hospitalier a prononcé son licenciement. Mme D...relève appel du jugement du 18 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait en particulier de son licenciement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 6152-1 du Code de la santé publique : « Le personnel des établissements publics de santé comprend  […]  2° Des médecins  […]  recrutés par contrat dans des conditions déterminées par voie réglementaire […] ». Aux termes de l'article R. 6152-413 de ce même code : « En cas de faute grave ou d'insuffisance professionnelle, le directeur peut, après avoir communiqué les griefs à l'intéressé et l'avoir invité à présenter ses observations dans le délai de huit jours, mettre fin au contrat par décision motivée prise après avis du chef de pôle ou, à défaut, du responsable du service, de l'unité fonctionnelle ou de toute autre structure interne et de la commission médicale d'établissement et notifiée au praticien contractuel concerné […]  ». Enfin, aux termes de l'article R. 6152-406 de ce code : « Les praticiens contractuels employés à temps plein s'engagent à consacrer la totalité de leur activité professionnelle au service de l'établissement public de santé employeur, sous réserve des activités autorisées au titre du cumul d'activités et de rémunérations, conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires et des dispositions réglementaires prises pour leur application […] ».

3. Il résulte de l'instruction que le licenciement de Mme D...a été prononcé aux motifs qu'elle a gravement perturbé le bon fonctionnement du service hospitalier par une attitude de dénigrement et par des accusations graves et répétées à l'égard tant du directeur de l'établissement que de collègues praticiens mettant en cause leur intégrité, qu'elle a refusé de façon réitérée et pendant plusieurs mois de se soumettre à une visite médicale de reprise du travail à la suite d'un arrêt et d'avoir, sans autorisation, exercé une activité professionnelle dans un autre établissement de santé. L'appelante n'apporte pas d'éléments, tant devant les premiers juges qu'au cours de la présente instance, susceptibles de contester les griefs qui lui sont faits.

En estimant que ces faits constituaient une faute grave de nature à justifier son licenciement, le directeur du centre hospitalier de Marie-Galante n'a pas inexactement qualifié ces faits et n'a pas pris une sanction disproportionnée. Par suite, Mme D...ne peut rechercher sur le terrain de l'illégalité fautive de son licenciement la responsabilité du centre hospitalier de Marie-Galante.

4. À supposer que Mme D...ait entendu reprendre ses autres demandes indemnitaires, elle n'apporte à l'instance aucun élément de fait ou de droit nouveau. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces autres demandes.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Marie-Galante, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande Mme D...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.


DÉCIDE

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au centre hospitalier de Marie-Galante.


CAA de Bordeaux, 18 décembre 2018, Mme C..., n°16BX01051



II – COMMENTAIRE


L'arrêt rendu par la cour administrative de Bordeaux concerne le droit des praticiens contractuels et illustre parfaitement la faute grave susceptible d'entraîner le licenciement du médecin.


Les faits étaient les suivants : une dame avait été recrutée par le centre hospitalier de Marie-Galante (Guadeloupe) en qualité de praticien urgentiste, le 22 décembre 2009, par contrat à durée déterminée pour une période de trois ans. Par décision du 28 février 2011, le directeur du centre hospitalier avait prononcé son licenciement en lui opposant plusieurs griefs :


  • attitude de dénigrement et accusations contre le directeur et collègues
  • refus de se soumettre à la visite médicale de reprise du travail à la suite d'un arrêt
  • cumul, sans autorisation, d'une activité professionnelle dans un autre établissement

Le juge de première instance comme les juges d'appel rejettent la requête en annulation formée contre la décision de licenciement.


La décision de justice rendue par la cour administrative d'appel de Bordeaux est à l'abri de toute discussion. Il paraît d'ailleurs étonnant que la requérante ait voulu interjeter appel. Elle n'avait rien en effet pour combattre les griefs servant de fondement à la mesure de licenciement.


Ne pas oublier que le licenciement d'un praticien contractuel n'est possible que dans deux cas : la faute grave ou l'insuffisance professionnelle. Dans l'espèce jugée, il s'agissait d'un licenciement pour faute grave. Le praticien contractuel avait accumulé les fautes : la dame avait gravement perturbé le bon fonctionnement du service hospitalier par une attitude de dénigrement et par des accusations graves et répétées à l'égard tant du directeur de l'établissement que de collègues praticiens mettant en cause leur intégrité, qu'elle a refusé de façon réitérée et pendant plusieurs mois de se soumettre à une visite médicale de reprise du travail à la suite d'un arrêt et d'avoir, sans autorisation, exercé une activité professionnelle dans un autre établissement de santé.

L'ensemble de ces faits constituait une faute grave.

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