Temps de travail des personnels médicaux : le coup de semonce du Conseil d'État

Le temps de travail du personnel médical est source de nombreuses contestations puisque, défini en demi-journée, il n'y a pas de notion horaire en dehors du maximum légal. 

Ainsi, un praticien hospitalier à temps plein doit effectuer 10 demi-journées mais sans dépasser 48h par semaine en moyenne sur quatre mois. Il en va de même pour les internes (48h de plafond mais calculé au trimestre) : huit demi-journées de stage, une demi-journée de temps de formation hors stage et une demi-journée de temps personnel de consolidation des connaissances et des compétences, qui n'est pas décomptée comme du temps de travail effectif.

De là à considérer que le temps de travail d'un personnel médical exerçant à temps plein est de 48h par semaine, il n'y a qu'un pas. Or, il s'agit là d'un plafond. 

Ce plafond de 48h est fixé par la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 (article 6) concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. Il s'agit d'une durée “heures supplémentaires comprises”.

La problématique du temps de travail des personnels médicaux est récurrente. Trois syndicats de praticiens hospitaliers et d’internes ont contesté la compatibilité des dispositions du code de la santé publique relatives à leur temps de travail avec le droit européen devant le Conseil d’État en rappelant notamment que “Pour s'acquitter de leurs obligations, les praticiens hospitaliers et les internes doivent participer au service de jour et assurer la permanence des soins, qui comprend le service de nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés”. Les requérants soulignent, en outre, que "l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes se bornant pour sa part à prévoir que le service de jour et le service de nuit sont chacun divisés en deux demi-journées et qu'ils " ne peuvent en aucun cas avoir une amplitude supérieure à 14 heures ". Aucune disposition du code de la santé publique ne précise à combien d'heures de travail correspond une demi-journée.

Dans ses décisions du 22 juin 2022 (446917, 446944 et 447003), le Conseil d'État prend fermement position pour rejeter les demandes des syndicats tout en contraignant des établissements de santé.

Le Conseil d'État a jugé que les obligations de service, définies dans les établissements de santé en demi-journées, n’ont pas à être converties en heures pour assurer le respect du plafond de 48 heures par semaine en moyenne sur 4 mois, fixé par le droit européen et inscrit dans le code de la santé publique. La conséquence est que ces dispositions impliquent nécessairement que le nombre d’heures effectuées par les praticiens hospitaliers au cours des demi-journées de travail correspondant à leurs obligations de service, en période de jour comme en période de nuit, soient telles qu’elles ne puissent dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail.

En outre, il est de la responsabilité des établissements de santé de se doter d’un dispositif fiable, objectif et accessible de décompte des heures de travail effectuées par chaque agent, en complément des tableaux de services permettant de décompter, selon des modalités qu’il leur appartient de définir dans leur règlement intérieur, outre le nombre de demi-journées, le nombre journalier d’heures de travail effectuées par chaque agent, afin de s’assurer du respect du plafond hebdomadaire fixé par le droit européen. 

Ainsi, il n'y aura pas de détermination de la durée journalière de travail pour un personnel médical, mais l'établissement employeur doit décompter les heures réellement effectuées pour vérifier que son personnel médical ne dépasse pas en moyenne sur 4 ou 3 mois le plafond de 48h. Il n'est pas certain que cela simplifie réellement la gestion du temps des personnels médicaux, particulièrement en ces périodes très contraintes.

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