La prime de service est liée à l’effectivité des fonctions exercées dans la fonction publique hospitalière et, en conséquence, elle ne peut être servie à un fonctionnaire, même mis à disposition d’une collectivité territoriale

  • Cour administrative d'appel Bordeaux Dame D... c/Imed de Guyane 08/09/2015 - Requête(s) : 13BX02289

I – LE TEXTE DE L'ARRÊT

1. Considérant que Mme D…, titularisée en 1979 dans l'emploi de psycho-rééducatrice par l'institut médico-éducatif départemental (Imed) de la Guyane où elle occupait l'emploi de psychomotricienne de classe supérieure, a été nommée déléguée régionale aux droits des femmes de Guyane, par arrêté du 28 juin 2000 du ministre de l'Emploi et de la Solidarité ; que, pour exercer ces fonctions, elle a été mise à la disposition des services de l'État, d'abord à mi-temps, du 1er juillet 2000 au 31 août 2004, puis à temps complet, du 1er septembre 2004 au 31 décembre 2011, date à partir de laquelle elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite ; qu'elle a contesté la cessation du versement par l'Imed de la Guyane de la prime de services dont elle bénéficiait et a saisi, d'abord, le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne d'une demande de provision, qui a été rejetée par une ordonnance de ce juge, qui a fait l'objet d'un appel rejeté par ordonnance du juge d'appel des référés de la cour, qui a fait l'objet d'un pourvoi qui n'a pas été admis par décision du Conseil d'État statuant au contentieux, puis le tribunal administratif lui-même d'une demande au fond ; que Mme D… relève appel du jugement du 13 juin 2013 du tribunal administratif de Cayenne, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Imed de la Guyane à lui verser la somme de 23 582 euros correspondant au montant des primes de service des années 2003 à 2010 ;

2. Considérant, qu'en vertu de l'article 48 de la loi susvisée du 9 janvier 1986, un fonctionnaire mis à disposition demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi et continue à percevoir la rémunération correspondante, à l'exclusion des éléments de celle-ci liés à l'exercice effectif des fonctions dans son service d'origine ;

3. Considérant que l'arrêté interministériel susvisé du 24 mars 1967, pris sur le fondement de l'article R. 813 du Code de la santé publique alors en vigueur, prévoit que certains fonctionnaires, au nombre desquels il n'est pas contesté que figure Mme D…, peuvent recevoir des primes de service liées à l'accroissement de la productivité de leur travail, dont les montants individuels sont fixés en considération de la valeur professionnelle et de l'activité de chaque agent, proportionnellement aux notes obtenues excédant une note minimale et par application d'abattements en fonction du nombre de jours d'absence autres que ceux correspondant à certains congés ;

4. Considérant que le bénéfice des primes de service instituées par l'arrêté interministériel du 24 mars 1967 est lié à l'exercice effectif des fonctions dans un établissement tel un institut médico-éducatif et ne peut, dès lors, être accordé à un fonctionnaire hospitalier mis à disposition des services de l'État à temps plein ; que dès lors, la circonstance que l'Imed de la Guyane a continué à assurer, en application de l'article 48 de la loi du 9 janvier 1986, la rémunération principale de Mme D… après qu'elle a été mise à disposition des services de l'État est sans incidence sur son droit à bénéficier de primes de service ; que la circonstance, à la supposer établie, que Mme D…, qui ne justifie d'aucune décision lui accordant une décharge de service à cet effet, aurait, après sa mise à disposition à temps plein, exercé une activité de déléguée du personnel à l'Imed de la Guyane, n'a pas davantage d'incidence sur son droit à bénéficier de ces primes, dès lors que cette activité aurait été sans rapport avec l'accroissement de sa productivité ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D… n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'elle ne pouvait pas bénéficier de la prime de service pendant la période du 1er septembre 2004 au 31 décembre 2011, durant laquelle elle a été mise à disposition des services de l'État à temps plein ;

6. Considérant qu'il n'est ni établi ni même allégué que, pendant la partie de la période du 1er juillet 2000 au 31 août 2004 durant laquelle elle a été mise à disposition des services de l'État à mi-temps, pour laquelle le bénéfice de la prime de service lui a été refusé, le nombre de jours d'absence de Mme D… était tel qu'il eut justifié, en application de l'arrêté interministériel du 24 mars 1967, des abattements conduisant à la fixation d'un montant nul de la prime de service ; qu'il résulte également de l'instruction que le directeur de l'Imed de la Guyane qui a procédé, comme il le devait en application de l'article 48 de la loi du 9 janvier 1986, à sa notation au titre de ces années, ne lui a pas attribué une note inférieure à celle fixée par l'arrêté du 24 mars 1967 et en dessous de laquelle tout bénéfice de la prime est exclu ;

7. Considérant toutefois, que le directeur de l'Imed de la Guyane devait, en vertu des dispositions de la loi du 9 janvier 1986, procéder à cette notation en tenant compte de la manière de servir de l'intéressée dans le service à la disposition duquel elle était mise ; qu'ainsi, cette autorité pouvait, pour fixer le montant de la prime de service de Mme D…, faire abstraction de sa notation et se fonder sur une appréciation globale de sa manière de servir dans son établissement d'origine ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des pièces produites et qui n'émanent pas toutes, contrairement à ce que soutient Mme D…, de l'Imed de la Guyane, que compte tenu des obligations que comportait l'exercice des fonctions de déléguée régionale aux droits des femmes et notamment des nombreux déplacements en dehors de la Guyane effectués par l'intéressée, celle-ci n'a pas satisfait aux obligations qu'impliquait son service, même à mi-temps, dans l'établissement ;

9. Considérant qu'aucun principe ni aucune disposition législative ou réglementaire ne s'opposent à ce qu'une prime, dont les critères, comportant notamment la manière de servir du fonctionnaire, destinés à sa modulation sont déterminés par des dispositions réglementaires, soit fixée au taux zéro ; que dès lors, le directeur de l'Imed de la Guyane a pu se fonder sur les insuffisances de la manière de servir de Mme D… pour lui refuser le bénéfice de la prime de service ;

10. Considérant que la circonstance que Mme D… a, pendant une première partie de la période du 1er juillet 2000 au 31 août 2004 durant laquelle elle a été mise à disposition des services de l'État à mi-temps, bénéficié de la prime de service, est sans incidence sur son droit au bénéfice de cette prime pour le reste de cette période ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D… n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé qu'elle ne pouvait pas bénéficier de la prime de service pendant cette seconde partie de la période du 1er juillet 2000 au 31 août 2004 durant laquelle elle a été mise à disposition des services de l'État à mi-temps ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Imed de la Guyane, qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, soit condamné à verser à Mme D… la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en application de ces dispositions, de condamner Mme D… à verser à l'Imed de la Guyane la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Imed de la Guyane tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… D… et à l'institut médico-éducatif départemental (Imed) de la Guyane.

CAA Bordeaux, Dame D… c/ Imed de Guyane, 8 septembre 2015, n° 13BX02289

II – COMMENTAIRE

La décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux met en exergue la notion d'effectivité du service. Un agent de la fonction publique hospitalière mis à disposition d'une collectivité territoriale demande le versement de sa prime de service, ce qui lui est refusé par son établissement : l'institut médico-éducatif départemental (IMED) de la Guyane, au motif que cet agent n'assurait pas l'effectivité du service dans son établissement.

La mise à disposition est apparue dans la fonction publique hospitalière avec la loi du 9 janvier 1986 relative à celle-ci. C'est une formule qui permet à un agent d'occuper un emploi dans une autre fonction publique tout en restant rémunéré par son établissement de rattachement : « la mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce ses fonctions hors du service où il a vocation à servir ». En d'autres termes, la rémunération principale reste inchangée mais la rémunération accessoire liée aux diverses primes directement liées à l'emploi d'origine est suspendue.

L'arrêté interministériel du 24 mars 1967, qui a institué la prime de service, précise que celle-ci est liée à l'accroissement de la productivité du travail de l'agent concerné, liant ainsi intimement la prime à l'effectivité de l'emploi. Certes, il y a également une pondération par la note attribuée annuellement à l'agent et par le nombre de journées effectivement travaillées, excluant ainsi les périodes d'absence, hors les congés payés et les RTT.

La requérante avançait le moyen que, durant la période où elle fut mise à disposition à temps partiel, elle a perçu la prime de service qui, selon les juges, n'aurait pas dû lui être automatiquement versée puisque le temps effectué effectivement au service ne permettait pas de juger de la productivité de cet agent, d'autant que les juges ont relevé que les obligations de l'agent mis à disposition, eu égard à ses nouvelles fonctions hors de la circonscription de son établissement, l'empêchaient matériellement d'être à son service de rattachement, même à mi-temps !

On observera qu'ici les juges vérifient sur pièces les assertions des parties et qu'il importe que chacune produise les documents irréfragables.