L’annulation du licenciement d’un praticien attaché pour vice de procédure

  • Cour administrative d'appel Paris M. C… 09/04/2019 - Requête(s) : 18PA01332

RÉSUMÉ

 

Le licenciement d’un praticien attaché doit être précédé de la consultation de la CME. L’attestation de son président ne suffit pas à établir que la CME a été consultée conformément aux dispositions réglementaires.

 

I – TEXTE DE L’ARRÊT

 

1. M.C…, recruté le 1er mars 2002 en qualité de praticien attaché au sein du service des urgences médico-judiciaires par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris pour exercer quatre demi-journées par semaine, parallèlement à son activité auprès de la maison d'arrêt de Fleury Merogis, a fait l'objet le 21 novembre 2016, d'un licenciement pour motif disciplinaire, décision confirmée sur recours gracieux formé par l'intéressé le 28 décembre 2016. M. C… relève appel du jugement du 19 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 6152-626 du Code de la santé publique : « Les sanctions disciplinaires applicables aux praticiens attachés sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° La réduction d'ancienneté de services entraînant une réduction des émoluments ; 4° L'exclusion temporaire de fonctions prononcée pour une durée ne pouvant excéder six mois et privative de toute rémunération ; 5° Le licenciement. L'avertissement et le blâme sont prononcés par le directeur de l'établissement après avis de la commission médicale d'établissement ou, le cas échéant, de la commission médicale d'établissement locale. Les autres sanctions sont prononcées par le directeur de l'établissement après avis de la commission médicale d'établissement ou, le cas échéant, de la commission médicale d'établissement locale. En l'absence d'avis de la commission médicale d'établissement rendu dans un délai de deux mois après sa convocation, l'avis de son président est seul requis. »

3. M. C… soutient que la commission médicale d'établissement locale n'a pas été saisie de son cas, en méconnaissance des dispositions citées ci-dessous de l'article R. 6152-626 du Code de la santé publique. Par un courrier du 14 mars 2019, la Cour a demandé à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris de produire l'avis la commission médicale d'établissement locale concernant M.C… Le 21 mars 2019, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris s'est bornée à produire une attestation du Professeur C…, président de cette commission selon laquelle, lors de sa séance du 19 mai 2016, elle avait émis, à la majorité des voix un avis favorable au licenciement pour motif disciplinaire du Docteur C… Toutefois, elle n'a pas produit l'avis demandé par la Cour le 14 mars 2019. Dans ces conditions, cette seule attestation ne suffit pas à établir que la commission médicale d'établissement locale a bien été saisie et a émis un avis sur la proposition de sanction, ces faits étant contestés par M.C… Ce dernier est donc fondé à soutenir que la décision du 21 novembre 2016 est entachée de vice de procédure, le privant d'une garantie, et à en demander, pour ce motif, l'annulation, ensemble l'annulation de la décision du 28 décembre 2016 rejetant son recours gracieux.

4. Il résulte de ce qui précède que M. C… est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Le présent arrêt, qui annule la décision de licenciement prise à l'encontre du docteur C…, implique nécessairement que ce dernier soit réintégré dans les effectifs de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris en sa qualité d'agent contractuel. Il y a lieu, dès lors, en vertu de l'article L. 911-1 du Code de justice administrative, d'enjoindre au directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris de procéder à une telle réintégration, assortie d'une reconstitution de carrière du docteur C… à compter de la date de son éviction du service, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

6. D'une part, M. C… n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions susvisées font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de cette dernière au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M.C…

 

DÉCIDE

Articles 1er : Le jugement n° 1703404/2-2 du 19 février 2018 du Tribunal administratif de Paris, la décision du 21 novembre 2016 par laquelle le directeur des hôpitaux universitaires Paris Centre a prononcé le licenciement pour motif disciplinaire du Docteur C… à compter du 5 décembre 2016, ensemble la décision du 28 décembre 2016 portant rejet de son recours gracieux, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris de procéder à la réintégration de M.C…, et à la reconstitution de sa carrière à compter de la date de son éviction du service, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris versera la somme de 1 500 euros à M. C… au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C… est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E… C… et à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.

 

CAA de Paris, 9 avril 2019, M. C…, n°18PA01332

 

II – COMMENTAIRE

 

C’est l’application stricte du droit qui a été faite par la Cour administrative d’appel de Paris dans son arrêt du 9 avril 2019. Le juge administratif était saisi d’un recours en annulation contre une décision de licenciement d’un praticien attaché pour défaut de consultation de la CME.

Les faits étaient les suivants : un praticien attaché, intervenant dans le service des urgences médico-judiciaires de l’APHP, avait été licencié pour raison disciplinaire. En première instance, la requête en annulation qu’il avait portée devant le tribunal administratif de Paris avait été rejetée mais la Cour administrative d’appel de Paris annule le jugement des premiers juges et la décision de licenciement.

Le licenciement a été annulé parce que l’APHP n’a pas pu démontrer que la CME avait été régulièrement consultée.

La consultation de la CME est prévue par l’article R. 6152-626 du Code de la santé publique :

Les sanctions disciplinaires applicables aux praticiens attachés sont : 1. L’avertissement, 2. Le blâme, 3. La réduction d’ancienneté de services entraînant une réduction des émoluments, 4. L’exclusion temporaire de fonctions prononcée pour une durée ne pouvant excéder six mois et privative de toute rémunération, 5. Le licenciement.

L’avertissement et le blâme sont prononcés par le directeur de l’établissement après avis de la Commission médicale de l’établissement ou, le cas échéant, la Commission médicale d’établissement local. Les autres sanctions sont prononcées par le directeur de l’établissement après avis de la Commission médicale de l’établissement ou, le cas échéant, la Commission médicale d’établissement locale. En l’absence de l’avis du Comité médical de l’établissement rendu dans un délai de deux mois après sa convocation, l’avis de son président est seul requis.

De manière habile, le requérant avait soulevé le vice de procédure au motif que la CME n’avait pas été saisie pour formuler un avis sur le licenciement que souhaitait prononcer le directeur de l’APHP. Pour faire face à cette difficulté, l’APHP pensait que l’attestation du président de la CME indiquant que l’instance avait bien été saisie et qu’elle avait émis à la majorité des voix un avis favorable au licenciement pour motif disciplinaire, suffisait à pallier l’absence d’avis. Toutefois la juridiction administrative s’en est tenue strictement aux dispositions en vigueur. En des termes très nets, la Cour administrative d’appel de Paris déclare que l’APHP n’a pas produit l’avis demandé par la Cour le 14 mars 2019. Dans ces conditions, cette seule attestation ne suffit pas à établir que la Commission médicale d’établissement locale a bien été saisie et a émis un avis sur la proposition de sanction, ces faits étant contestés par M. C… ce dernier fondé à soutenir que la décision du 21 novembre 2016 est entachée d’un vice de procédure, le privant d’une garantie et à en demander, pour ce motif, l’annulation de la décision du 28 décembre 2016 rejetant son recours gracieux.

Cet arrêt de la cour administrative d’appel de Paris est à rapprocher d’un arrêt du Conseil d’État qui a jugé que l’avis obligatoirement rendu par la CME n’implique pas que le praticien soit entendu par ladite CME (CE, 26 avril 2018, n°409324 ; FJH n° 056, 2018, p. 279 : cette espèce concernait le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un attaché mais la solution dégagée par le Conseil d’Etat est transposable au licenciement d’un attaché pour motif disciplinaire).

Non seulement la décision de licenciement a été annulée mais en plus le juge administratif a enjoint au directeur général de l’APHP de procéder à la réintégration du praticien attaché et à la reconstitution de sa carrière.

Il est, par ailleurs, infiniment probable que le praticien attaché réfléchisse, si ce n’est déjà fait, à livrer maintenant un autre contentieux contre l’APHP sur le plan indemnitaire afin de réparer ses préjudices subis du fait de cette décision jugée illégale…