L'intérim médical

PLAN

I – Les relations entre les parties

A – Les hypothèses de recrutement

B – Les obligations de l'entreprise de travail temporaire

C – Les droits du médecin intérimaire

II – Le plafonnement de la rémunération

 

RÉFÉRENCES

1. Lois

Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, article 136

2. Décret

Décret n° 2017-1605 du 24 novembre 2017 relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé

3. Arrêté

Arrêté du 24 novembre 2017 fixant le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire

4. Code du travail

Articles L. 1251-60 à L. 1251-63

 

 RÉSUMÉ

L'intérim médical était l'objet de toutes les attentions lors de la préparation de la loi Santé du 26 janvier 2016 qui a opté pour un encadrement strict au regard de la rémunération octroyée, afin de contenir les coûts. Il a fallu presque deux ans pour que la réglementation dispose de l'ensemble des textes permettant l'exercice de l'intérim médical. Pour autant, la réforme n'est pas entrée en vigueur avant le printemps 2023.

 

ANALYSE

Les établissements de santé peuvent avoir recours aux services des entreprises de travail temporaires (ETT) dans les conditions de droit commun du Code du travail, sous réserve des particularités liées à leur nature d'employeur public.

Dès la fin 2013, les conclusions du rapport d'Olivier Véran, missionné sur ce sujet par Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, faisaient état d'un mode de fonctionnement presque normal tant le recours aux médecins « intérimaires » tendait à devenir structurel, et non simplement conjoncturel. « Essor et dérives du marché de l'emploi médical temporaire à l'hôpital public », tel était le titre (un peu provocateur), de ce rapport. Trois spécialités étaient particulièrement victimes d'une pénurie de praticiens (anesthésie, radiologie et médecine d'urgence) alors que de nombreux postes demeuraient vacants chaque année dans les hôpitaux. Le rapport retenait 4 axes pour mieux encadrer le recours aux médecins remplaçants :

- que l'exercice hospitalier devienne un projet professionnel des futurs médecins en les informant sur ce secteur ;

- améliorer l'organisation du recrutement des médecins en aidant les établissements ;

- améliorer l'attractivité de l'exercice à l'hôpital notamment en revalorisant les rémunérations mais aussi, ce qui peut apparaître surprenant, en favorisant le recours à la coopération et en créant un « corps » de médecins remplaçants ;

- restreindre le recours aux remplaçants par un encadrement plus strict, un contrôle accru et une rémunération limitée, notamment parce que ces médecins ne sont pas, a priori, soumis aux obligations de formation continue qui pèsent sur les praticiens hospitaliers, même si, parfois, il s'agit de praticiens hospitaliers titulaires qui effectuent ces remplacements, dans l'illégalité la plus totale.

La loi du 26 janvier 2016 a pris acte de cette nécessité d'encadrer le recours à l'intérim médical en prévoyant, en son article 136, que les personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques puissent être recrutés dans le cadre de missions de travail temporaire, dans les conditions prévues à l'article 9-3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (article L. 6146-3 du Code de la santé publique).

Il s'agit, en l'occurrence, de véritables missions d'intérim, impliquant des relations tripartites (entreprise de travail temporaire – client – travailleur).

Les relations entre les parties (I) reposent sur le Code du travail, avec une adaptation nécessitée par la nature publique de l'établissement. Mais surtout, la problématique de la rémunération vient d'être réglementée (II) même si des montants majorés ont été prévus en 2018 et 2019. De nouvelles mesures de lutte contre les dérives de l'intérim médical, inscrites dans la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (dite loi RIST), sont entrées en vigueur le 28 octobre 2021, qui consistent en particulier à renforcer le contrôle du comptable public. Las, ces contrôles n'ont jamais été mis en œuvre et une instruction n°DGOS/RH5/PF1/DGFIP/2021/226 du 4 novembre 2021  a annoncé leur report. Les dispositions doivent entrer en vigueur en avril 2023 et, afin de ne pas rajouter à la tension des hôpitaux, le ministre de la santé, François Braun, a annoncé une majoration de 20% de la rémunération.

 

I – LES RELATIONS ENTRE LES PARTIES

 

Le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition temporaire d'un salarié par une entreprise de travail temporaire (ETT) au bénéfice d'un client utilisateur pour l'exécution d'une mission. C'est donc l'ETT qui fait le lien entre le médecin et l'hôpital.

Chaque mission donne lieu à la conclusion :

1° d'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit « entreprise utilisatrice » ;

2° d'un contrat de travail, dit « contrat de mission », entre le salarié temporaire et son employeur, l'entreprise de travail temporaire.

Les dispositions de droit commun s'appliquent sous réserve des dispositions contraires prévues dans une section 6, c'est-à-dire les articles L. 1251-60 et s.

 

A – Les hypothèses de recrutement

 

C'est notamment ici que les dispositions sont adaptées pour le personnel médical.

 

Les personnes morales de droit public peuvent faire appel aux salariés de ces entreprises pour des tâches non durables, dénommées missions, dans les seuls cas suivants :

1° Remplacement momentané d'un agent en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, d'un passage provisoire en temps partiel, de sa participation à des activités dans le cadre d'une réserve opérationnelle, sanitaire, civile ou autre, ou de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux ;

2° Vacance temporaire d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

3° Accroissement temporaire d'activité ;

4° Besoin occasionnel ou saisonnier.

Lorsque le contrat est conclu au titre des 1°, 3° et 4°, la durée totale du contrat de mission ne peut excéder dix-huit mois. Elle est réduite à neuf mois lorsque l'objet du contrat consiste en la réalisation de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité. Elle est portée à vingt-quatre mois lorsque la mission est exécutée à l'étranger.

Lorsque le contrat est conclu au titre du 2°, la durée totale du contrat de mission ne peut excéder douze mois. Elle est réduite à neuf mois si le contrat est conclu dans l'attente de la prise de fonctions d'un agent.

Le contrat de mission peut être renouvelé une fois pour une durée déterminée qui, ajoutée à la durée du contrat initial, ne peut excéder les durées prévues à l'alinéa précédent.

En effet, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Ces dispositions sont énumérées à l'article L.1251-60 du code du travail.

 

Par ailleurs, il est interdit de recruter par ce biais un médecin du travail (L. 1251-10, 3°).

 

B – Les obligations de l'entreprise de travail temporaire

 

Lorsque la mission porte sur l'exercice d'une profession médicale ou paramédicale réglementée, l'entreprise de travail temporaire vérifie que ce salarié est régulièrement autorisé à exercer. En effet, c'est l'ETT qui est l'employeur du médecin.

L'entreprise de travail temporaire doit transmettre le contrat de mission au médecin au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition.

L'article R. 6146-25 du Code de la santé publique oblige les ETT à établir un contrat de mise à disposition conforme aux dispositions de l'article L. 1251-42 du Code du travail. Le contrat de mise à disposition établi comporte, selon l'article L. 1251-43 du Code du travail et faute de spécificités pour le corps médical :

1° le motif pour lequel il est fait appel au salarié temporaire. Cette mention est assortie de justifications précises dont, notamment, dans les cas de remplacement prévus aux 1°, 4° et 5° de l'article L. 1251-6 (c'est ici à transposer puisque cet article ne s'applique pas en l'occurrence, étant remplacé par les dispositions particulières de l'article L. 1251-60 du Code du travail), le nom et la qualification de la personne remplacée ou à remplacer ;

2° le terme de la mission ;

3° le cas échéant, la clause prévoyant la possibilité de modifier le terme de la mission dans les conditions prévues aux articles L. 1251-30 et L. 1251-31. Cette disposition s'applique également à l'avenant prévoyant le renouvellement du contrat de mise à disposition ;

4° les caractéristiques particulières du poste de travail à pourvoir et, notamment si celui-ci figure sur la liste des postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés prévue à l'article L. 4154-2, la qualification professionnelle exigée, le lieu de la mission et l'horaire ;

5° la nature des équipements de protection individuelle que le salarié utilise. Il précise, le cas échéant, si ceux-ci sont fournis par l'entreprise de travail temporaire ;

6° le montant de la rémunération avec ses différentes composantes, y compris, s'il en existe, les primes et accessoires de salaire que percevrait dans l'entreprise utilisatrice, après période d'essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail. En l'espèce, la rémunération est déterminée réglementairement ; c'est donc elle qui s'impose puisque l'ETT n'a guère de marge de manœuvre.

En outre, elles transmettent à l'établissement public de santé, au plus tard lors de la signature du contrat de mise à disposition, les éléments suivants :

1° une attestation selon laquelle les obligations de vérification mentionnées au premier alinéa de l'article L. 6146-3 sont accomplies, assortie, le cas échéant, du justificatif de toutes qualifications et expériences particulières qui correspondent au profil de poste établi par l'établissement public de santé dans lequel les qualifications et compétences recherchées sont décrites ;

2° une attestation selon laquelle le salarié remplit les conditions d'aptitude physique et mentale exigées pour l'exercice de sa fonction ;

3° une attestation selon laquelle le salarié a bénéficié, dans la période qui précède immédiatement la mise à disposition auprès de l'établissement public de santé et pour ce qui concerne les missions qu'elles lui ont confiées, des repos suffisants pour assurer sa protection et sa santé, celles des autres salariés de l'établissement ainsi que la sécurité et la qualité des soins ;

4° une attestation sur l'honneur selon laquelle le praticien certifie que son exercice en tant que praticien intérimaire ne contrevient pas aux dispositions de l'article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 applicables aux personnels mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 6152-1 : autrement dit, il doit attester qu'il n'exerce pas une activité privée lucrative hors les dérogations autorisées ;

5° une attestation sur l'honneur selon laquelle le praticien certifie qu'il a bénéficié, dans la période qui précède immédiatement la mise à disposition auprès de l'établissement public de santé, des repos suffisants pour assurer sa protection et sa santé, celles des autres salariés de l'établissement ainsi que la sécurité et la qualité des soins.

 

C – Les droits du médecin intérimaire

 

Les salariés mis à disposition par une entreprise de travail temporaire auprès d'une personne morale de droit public sont soumis aux règles d'organisation et de fonctionnement du service où ils servent et aux obligations s'imposant à tout agent public. Ils bénéficient de la protection prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Ici, cette disposition, pourtant prévue à l'article L. 1251-61 du Code du travail, doit être nuancée car il est de jurisprudence constante que les personnels médicaux ne peuvent pas bénéficier de cet article, bien qu'ils puissent se prévaloir de la protection, qui est alors fondée sur un principe général du droit selon le Conseil d'État dans sa décision du 14 janvier 2011 (FJH n° 87, 2011, p. 401, disponible dans sa version numérique sur www.hopitalex.com).

Il ne peut leur être confié de fonctions susceptibles de les exposer aux sanctions prévues aux articles 432-12 et 432-13 du Code pénal (prise illégale d'intérêts).

Si la personne morale de droit public continue à employer un salarié d'une entreprise de travail temporaire après la fin de sa mission sans avoir conclu avec lui un contrat ou sans nouveau contrat de mise à disposition, ce salarié est réputé lié à la personne morale de droit public par un contrat à durée déterminée de trois ans. Dans ce cas, l'ancienneté du salarié est appréciée à compter du premier jour de sa mission. Elle est déduite de la période d'essai éventuellement prévue. Mais le texte ne précise pas quel statut va être retenu et cela dépendra, si une telle hypothèse était avérée, du praticien lui-même et de son parcours passé puisqu'il existe des durées d'emploi imposées selon les statuts.

Les litiges relatifs à une mission d'intérim opposant le salarié et la personne publique utilisatrice gérant un service public administratif sont portés devant la juridiction administrative.

 

II – LE PLAFONNEMENT DE LA RÉMUNÉRATION

 

C'est le décret du 24 novembre 2017 et l'arrêté du 24 novembre qui bornent la rémunération qui peut être accordée. Elle est calculée selon une base de 24 heures et a été majorée en 2018 et 2019.

Le montant plafond journalier des dépenses susceptibles d'être engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire d'un médecin, odontologiste ou pharmacien est constitué par le salaire brut versé au praticien par l'entreprise de travail temporaire pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif. Il est calculé au prorata de la durée de travail effectif accomplie dans le cadre de la mission.

Le salaire brut ne peut excéder l'indemnisation de deux périodes de temps de travail additionnel de jour mentionnée à l'article R. 6152-27 à laquelle est ajoutée une indemnité de sujétion ; c'est ici l'indemnisation maximale et l'établissement peut tout à fait se situer en deçà. Ces indemnités sont majorées de la rémunération des congés mentionnés aux 1° et 2° de l'article R. 6152-35 c'est-à-dire les congés annuels et les congés au titre de la réduction du temps de travail. Le montant plafond journalier est fixé, pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif, à 1 170,04 euros, selon l'arrêté du 24 novembre 2017 (1 404,05 euros pour l'année 2018 et 1 287,05 euros pour l'année 2019). Ce montant vient d'être majoré de 20% poar le ministre de la santé, afin de ne pas bloquer les établissements.

L'instruction du 28 décembre 2017 indique que la rémunération est limitée (plafond) et constituée par le salaire brut versé par l'ETT, soit tous les éléments de rémunération versés au praticien intérimaire, y compris la monétisation des congés payés et le paiement de l'indemnité de fin de mission.

Les remboursements de frais professionnels au praticien par l'entreprise de travail temporaire refacturés à l'établissement public de santé sont considérés comme du salaire.

Malheureusement, le respect des plafonds s'est vite avéré peu efficace. Une loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, entrée en vigueur le 28 octobre 2021, renforçait le contrôle du comptable public. Ainsi, un article L.6146-4, rétabli, prévoyait que "Le directeur général de l'agence régionale de santé, lorsqu'il est informé par le comptable public de l'irrégularité d'actes juridiques conclus par un établissement public de santé avec une entreprise de travail temporaire, en application de l'article L. 6146-3, ou avec un praticien pour la réalisation de vacations, en application du 2° de l'article L. 6152-1, défère ces actes au tribunal administratif compétent. Il en avise alors sans délai le directeur de l'établissement concerné ainsi que le comptable public. 
Lorsque le comptable public constate, lors du contrôle qu'il exerce sur la rémunération du praticien ou sur la rémunération facturée par l'entreprise de travail temporaire, que leur montant excède les plafonds réglementaires, il procède au rejet du paiement des rémunérations irrégulières. Dans ce cas, il en informe le directeur de l'établissement public de santé, qui procède à la régularisation de ces dernières dans les conditions fixées par la réglementation". 

L'entrée en vigueur était fixée six mois après la publication de la loi.

Mais la crise sanitaire a bouleversé quelque peu les prévisions et une instruction DGOS/RH5/PF1/DGFIP/2021/226 du 4 novembre 2021 reportait l'entrée en vigueur de ces contrôles. 

Des annonces ont précisé une entrée en vigueur au printemps 2023. 

L’article L.6143-4 du code de la santé publique distingue deux cas : 

- le comptable public constate l'irrégularité d'actes juridiques conclus par un établissement public de santé avec une entreprise de travail temporaire ou avec un praticien pour la réalisation de vacations : il en informe le directeur général de l’ARS qui défère ces actes au tribunal administratif compétent ;

- le comptable public constate, lors du contrôle qu'il exerce sur la rémunération du praticien ou sur la rémunération facturée par l'entreprise de travail temporaire, que leur montant excède les plafonds réglementaires, il procède au rejet du paiement des rémunérations irrégulières.

Une instruction interministérielle n° DGOS/RH5/PF1/DGFIP/2023/33 du 17 mars 2023 relative au contrôle des dépenses d’intérim médical dans les établissements publics de santé propose, au travers de ses annexes, différents modèles de documents (notamment pour le contrat de travail). Elle précise également que, dans l’hypothèse d’un dépassement de la rémunération plafonnée, « le versement ne doit pas être effectué. La totalité de la rémunération concernée doit alors être rejetée par le comptable ». Dès lors, le directeur (ordonnateur) « devra régulariser les rémunérations irrégulières rejetées par le comptable » dans les plus brefs délais. Si le directeur ne régularise pas ou présente à nouveau un paiement irrégulier, le DG de l’ARS est saisi par le comptable.