L'exclusion temporaire avec sursis est justifiée en cas de missions d'intérim non autorisées

La CAA de Paris n'a pas innové en matière de droit disciplinaire pour cumul d'activité dans sa décision n°21PA04700 du 15 juin 2022, mais les faits présentent un intérêt au regard du dossier constitué par le centre hospitalier.

En l'occurrence, une infirmière a effectué de nombreuses missions d'intérim sans avoir sollicité d'autorisation préalable au près de l'AP-HP, son employeur. Informé par un courrier de l'inspection du travail, l'établissement retient la sanction de l’exclusion temporaire des fonctions pour 12 mois, dont 9 avec sursis. Précisons que l'agent était, durant ces périodes d'intérim, en position d'activité ou en congé de maladie.

Tout d'abord, rappelons que le cumul d'activité est dérogatoire en droit public et doit, la plupart du temps, être soumis à autorisation préalable de l'employeur. La réforme opérée par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, puis par le décret du 30 janvier 2020 relatif aux obligations déontologiques et enfin, par la publication du code général de la fonction publique, permet les cumuls dans un cadre organisé (qui existait sous l'empire de réglementations antérieures). Aujourd'hui, et au titre des activités autorisées à la demande de l'agent, l'on dénombre l'exercice d'une activité accessoire (selon une liste exhaustive et l'intérim n'est pas expressément désigné), la poursuite d'une activité privée lucrative en cas de recrutement dans la fonction publique, le cumul d'activités des agents à temps non complet et le service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise et y exercer une activité privée lucrative.

En l'espèce, il s'agissait de missions d'intérim, assez nombreuses sur une période de quelques mois en 2013.  Les juges parisiens relèvent que Mme B… “a donc méconnu l'obligation prévue à l'article 25 précité de la loi du 13 juillet 1983 qui impose à tout fonctionnaire de consacrer l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées”. L'intérim n'est pas une activité accessoire susceptible d'être autorisée selon les dispositions de l'article L.123-7 du Code général de la fonction publique aujourd'hui en vigueur.

L'AP-HP a été informée en 2016 et a sanctionné en 2018. L'agent a, par conséquent, soulevé un point de droit lié au délai de trois ans pour sanctionner. La règlementation ayant changé en 2016, le délai de trois ans pour sanctionner se décompte à partir de 2016 et rien ne prouve que l'AP-HP ait été informée avant.

Ensuite, l'agent contestait la sanction au regard de sa sévérité. Il est vrai que la jurisprudence montre que les juges sont toujours attentifs à la proportionnalité de la sanction et annulent fréquemment les révocations prononcées (voir par exemple : CAA de Bordeaux, 30 novembre 2020, M. F…, n°18BX02882 ou CAA de Nancy, 5 mars 2019, Hôpital Nord Franche-Comté, n°17NC00455). La CAA de Paris a jugé que l'exclusion de douze mois assortie d'un sursis de neuf mois était proportionnée.

Enfin, il est retenu que “l'état de fatigue résultant du cumul de son service de nuit à temps complet … avec une activité d'intérim correspondant à une durée moyenne de travail accessoire de plus de 32 heures par semaine, pouvait conduire l'agent à commettre des erreurs susceptibles de compromettre la sécurité des patients et que les rapports produits par l'AP-HP attestent que l'agent a fait preuve à diverses reprises, entre les mois de novembre 2012 et de juin 2013, de négligences dans l'administration des soins aux patients”. 

La sanction n'est pas disproportionnée au regard de ces éléments.