Synthèse de l’audition du ministre de la santé devant la Commission des Affaires sociales du Sénat

Le 24 mai, la Commission des Affaires sociales du Sénat auditionnait les auteurs de la « Mission relative à la création d'une gouvernance hospitalière assurée par un tandem administratif et médical ».

Cette mission a été évidemment abordée lors de l’audition du ministre M. Braun, le 6 juillet. Mais bien d’autres sujets ont été évoqués.

Le ministre en a profité pour expliquer qu’il préférait le recours à des lois ciblées plutôt qu’à une « grande » loi santé pour faciliter les évolutions structurelles du système de santé.

Les tensions aux urgences

Après avoir relevé que la fréquentation des urgences avait connu une « baisse inédite » de 5% à l’été 2022, à la suite du Plan urgences, François Braun a présenté les travaux en cours.

Ainsi, fidèle à son approche territoriale, il rappelle que les ARS dispose d’une boite à outils leur permettant de s’adapter aux contraintes de leur territoire, et peuvent ainsi pleinement utiliser le droit de dérogation récemment généralisé. Le décret du 7 avril 2023 pérennise, à la suite à une expérimentation lancée en 2017 et à son évaluation, la faculté donnée aux directeurs généraux des agences régionales de santé de déroger aux normes arrêtées par les administrations de l'Etat pour un motif d'intérêt général. À cet effet, il autorise le directeur général à prendre des décisions dérogeant à la réglementation sous certaines conditions et si des circonstances locales le justifient (voir notre veille du 11/04/2023).

Le service d’accès aux soins (SAS) couvre actuellement 50% de la population et une mise en place sur l’ensemble des départements est prévue avant la fin de l’année.

En outre, il est possible de rajouter des filières spécialisées, telle que la pédiatrie, la psychiatrie ou la gériatrie.

La capacité d’hospitalisation doit être gérée au niveau territorial, en incluant le secteur public et le secteur privé.

À ce titre, de nombreux échanges ont traité des centres de soins non programmés, vers lesquels les urgentistes se tourneraient (non pas au regard d’une meilleure rémunération, mais plutôt parce qu’ils ne participent plus à la permanence des soins et ont ainsi de meilleures conditions de travail). Pour le ministre, ils devront y participer mais cela suppose d’analyser leur financement ; en effet, l’on ne peut bénéficier d’un financement comme les urgences sans remplir sa part d’obligations, c’est-à-dire participer à la permanence des soins.

Cependant, la formation des assistants de régulation médicale peine à se concrétiser et, alors qu’elle était prévue pour 2023, elle est reportée à 2025, voire 2026.

La réforme de la gouvernance hospitalière

Alors que les membres de la Commission des affaires sociales se sont plusieurs fois interrogés sur l’opportunité d’une telle réforme, alors que la loi du 26 avril 2021 vient d’être publiée mais sans ses textes d’application. Pour mémoire, et suite aux travaux du Professeur Claris, auteur d’un premier rapport, un Guide a été annexé à la circulaire du 6 août 2021 prise à la suite du pilier 3 du Ségur (simplifier les organisations et le quotidien des équipes).

La mission confiée au Professeur Claris et à Mme Baille, constitue, selon le ministre, le rapport II, qui vient en quelque sorte, faire le bilan du rapport précédent.

L’objectif est d’entrer dans une « logique de réponse aux besoins de santé de la population » mais le ministre est conscient que le « vivier nécessaire » des médecins n’est pas suffisant, ce qui impose une « logique progressive ». Et effectivement, Mme Baille soulignait, lors de son audition que « l'on recense 800 centres hospitaliers et 1 200 si l'on intègre les centres de proximité. Or il n'y a pas 1 200 praticiens ou médecins mobilisables sur des fonctions de direction ».

Il annonce ainsi la mise en place d’un « contrat de gouvernance », avant la fin de l’année entre le président de la CME et le directeur qui répartira les responsabilités. Ce contrat sera soumis au conseil de surveillance tous les ans pour évaluation. En effet et lors de la réunion de la Commission des affaires sociales du 24 mai dernier, il a été souligné que « le conseil de surveillance réunit l'ensemble des acteurs, avec des représentants de la CME, de la Csirmt, des élus, des représentants syndicaux, des usagers. C'est un bon niveau pour évaluer l'organisation interne » (M. David Piney). L’on peut préciser que l’Association française des directeurs de soins a rappelé, dans sa contribution que « toute la ligne managériale de la Direction des soins est rompue à la collaboration, la co-construction, cela fait partie de son « ADN professionnel », au bénéfice de l’intérêt collectif et à la place centrale du patient ». Raison pour laquelle « l’AFDS se refuse à envisager la position de la ligne managériale et soignante sous l’autorité d’un médecin » mais « est prête à envisager la collaboration d’un CGS avec un Directeur médical qui aurait en responsabilité toute la ligne médicale pour construire un modèle renforcé et équilibré au niveau de la gouvernance afin de donner une cohérence et une lisibilité de fonctionnement à tous les professionnels. Ce directeur médical pourrait être chargé d’une direction fonctionnelle comme la Direction des Affaires Médicales par exemple ».

Monsieur Braun a insisté sur le recours à des médecins expérimentés, qui devront être formés, toujours dans une logique de territoire.

La réforme de la T2A

François Braun constate que la T2A est une réponse adaptée à l’offre, mais pas aux besoins et qu’elle a pu permettre des dérives de financements dans une « logique concurrentielle » avec une préférence pour les activités rentables.

Il évoque trois axes dans le financement, toujours en logique territoriale :

- financement populationnel et financement adapté et renforcé à la gradation des soins

- financement sur des objectifs de santé publique (IFAQ, objectifs territoriaux de santé publique avec la permanence des soins orientée vers un partage public/privé…)

- financement à l’activité pour certaines activités.

Finalement, il s’agit d’étendre le financement testé sur les urgences.

Le sénateur Alain Milon a exprimé quelques inquiétudes sur un financement territorialisé, craignant un désengagement de l’État au détriment des collectivités territoriales.

L’ONDAM

Alors que les discussions sont en cours en vue de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, « l’augmentation structurelle de l’ONDAM » est d’à peu près 2,6% » a exposé François Braun, l’objectif étant d’être au-delà.

Il cherche en effet des marges de manœuvre dans une logique de santé publique pour développer l’attractivité, la reconnaissance de la pénibilité, la lutte contre les pénuries ou la politique de prévention (à cet égard, la mise en place du rendez-vous de prévention a pris du retard mais sera effectif à compter du 1er octobre pour une seule classe d’âge pour commencer – la classe d’âge 45-50 ans a été évoquée -).

La 4e année de DES de médecine générale

Le ministre a précisé que les docteurs juniors de médecine générale auront la même rémunération que les docteurs juniors ainsi qu’une rémunération à l’acte plafonnée.

Il a, par ailleurs, confirmé que la formation des maîtres de stage universitaires est « hors quotas » de formation. Le budget dédié est augmenté.