La motivation des sanctions financières « T2A » prononcée par les ARS doit être explicite

  • Conseil d'État Ministère des Affaires sociales et de la Santé c/ Clinique Mathilde 07/05/2015 - Requête(s) : 373313

I – Le texte de l’arrêt

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 162-22-18 du Code de la sécurité sociale : Les établissements de santé sont passibles, après qu’ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d’une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l’article L. 162-22-6, d’erreur de codage ou d’absence de réalisation d’une prestation facturée. Cette sanction est prise par le directeur général de l’agence régionale de santé, à la suite d’un contrôle réalisé sur pièces et sur place par les médecins inspecteurs de santé publique, les inspecteurs de l’agence régionale de santé ayant la qualité de médecin ou les praticiens-conseils des organismes d’assurance maladie en application du programme de contrôle régional établi par l’agence. Le directeur général de l’agence prononce la sanction après avis d’une commission de contrôle composée à parité de représentants de l’agence et de représentants des organismes d’assurance maladie et du contrôle médical. La motivation de la sanction indique, si tel est le cas, les raisons pour lesquelles le directeur général n’a pas suivi l’avis de la commission de contrôle. La sanction est notifiée à l’établissement. Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État ; qu’aux termes de l’article R. 162-42-13 du même code, dans sa rédaction applicable à la décision en litige : La sanction envisagée et les motifs la justifiant sont notifiés à l’établissement par tout moyen permettant de déterminer la date de réception. L’établissement dispose d’un délai d’un mois pour présenter ses observations. Au terme de ce délai, le directeur général sollicite l’avis de la commission de contrôle, notamment sur le montant de la sanction. Il prononce la sanction, la notifie à l’établissement dans un délai d’un mois par tout moyen permettant de déterminer la date de réception en indiquant à l’établissement le délai et les modalités de paiement des sommes en cause ainsi que, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il n’a pas suivi l’avis de la commission de contrôle ;
2. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’une sanction financière prononcée sur le fondement de l’article L. 162-22-18 du Code de la sécurité sociale doit être motivée ; que, pour satisfaire à cette exigence, le directeur général de l’agence régionale de santé doit indiquer, soit dans sa décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé à l’établissement de santé, outre les dispositions en application desquelles la sanction est prise, les considérations de fait et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour décider de son principe et en fixer le montant ;
3. Considérant que, pour juger qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences de motivation, la cour administrative d’appel de Douai, a relevé que la sanction financière infligée à la clinique Mathilde le 5 janvier 2011 ne précisait pas la nature des manquements aux règles de facturation et de codage pour chacun des dossiers en cause et jugé que la circonstance que l’établissement ait reçu précédemment un courrier l’informant de la sanction envisagée, qui comportait en annexe un tableau reprenant les principales données financières ayant permis le calcul du montant maximum de la sanction, était sans incidence, dès lors que ce document n’était pas joint à la décision contestée ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la décision litigieuse et les documents auxquels elle se référait, qui avaient été précédemment adressés à l’établissement, permettaient à ce dernier de connaître les considérations de fait au vu desquelles la sanction était prise et les éléments en fonction desquels son montant avait été finalement arrêté, la cour administrative d’appel de Douai a commis une erreur de droit ; 
4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de son pourvoi, que le ministre des Affaires sociales et de la Santé est fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ; 
5. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’État, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
 

DÉCIDE :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 30 août 2013 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions de la clinique Mathilde présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative sont ­rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes et à la clinique Mathilde.

CE, Ministère des Affaires sociales et de la Santé c/ Clinique Mathilde, 7 mai 2015, n° 373313

II – Le texte cité en référence
Article L. 162-22-6 du Code de la sécurité sociale
Les établissements de santé sont passibles, après qu’ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d’une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l’article L. ­162-22-6, d’erreur de codage ou d’absence de réalisation d’une prestation facturée.

Cette sanction est prise par le directeur général de l’agence régionale de santé, à la suite d’un contrôle réalisé sur pièces et sur place par les médecins inspecteurs de santé publique, les inspecteurs de l’agence régionale de santé ayant la qualité de médecin ou les praticiens-conseils des organismes d’assurance maladie en application du programme de contrôle régional établi par l’agence. Le directeur général de l’agence prononce la sanction après avis d’une commission de contrôle composée à parité de représentants de l’agence et de représentants des organismes d’assurance maladie et du contrôle médical. La motivation de la sanction indique, si tel est le cas, les raisons pour lesquelles le directeur général n’a pas suivi l’avis de la commission de contrôle. La sanction est notifiée à l’établissement. 
Son montant est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues et du caractère réitéré des manquements. Il est calculé sur la base des recettes annuelles d’assurance maladie de l’établissement ou, si le contrôle porte sur une activité, une prestation en particulier ou des séjours présentant des caractéristiques communes, sur la base des recettes annuelles d’assurance maladie afférentes à cette activité, cette prestation ou ces séjours, dans la limite de 5 % des recettes annuelles d’assurance maladie de l’établissement. 
Les établissements qui font obstacle à la préparation et à la réalisation du contrôle sont passibles d’une sanction dont le montant ne peut excéder la limite fixée au troisième alinéa. 
Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.
 

III – COMMENTAIRE
Le non-respect de la facturation à l’activité (T2A) instaurée à compter de 2004 dans tous les établissements de santé, entraîne des sanctions financières importantes. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire aux ARS de respecter le contradictoire entre les parties, c’est-à-dire entre les services de l’ARS représentés par les membres de la CPAM du lieu d’implantation de l’établissement de santé inspecté, et les membres – dont les médecins – concernés par les dossiers inspectés de l’établissement de santé idoine. Le contrôle des dossiers est fondé sur le tirage au sort, c’est-à-dire le tirage aléatoire des dossiers des malades ne porte pas atteinte au principe de présomption d’innocence (CAA Lyon, Ministère des Affaires sociales et de la Santé c/ Hôpital privé de l’Est lyonnais, 18 mars 2013, n° 12LY01873 ; FJH n° 64, septembre 2013, p. 319 et s., et CE, Fédération de l’hospitalisation ­privée MCO, 19 juin 2013, n° 357885 ; FJH n° 80, octobre 2013, p. 391 et s., disponibles dans leur version numérique sur www.hopitalex.com).
La motivation de la sanction est un des éléments contestés par les établissements de santé pour faire annuler pour excès de pouvoir la lourde amende qui leur est infligée en cas de mauvaise déclaration de groupes homogènes de malades (GHM). Ainsi, la référence précise à un arrêté ministériel vaut motivation d’une sanction financière suite à un contrôle T2A par une ARS (CE, Ministre des Affaires sociales c/ Clinique ophtalmologique Thiers, 7 mai 2015, n° 366933 ; FJH n° 67, septembre 2015, disponible dans sa version numérique sur www.hopitalex.com).
Dans cette affaire mettant en cause la clinique Mathilde par l’ARS de Normandie, la cour administrative d’appel de Douai avait donné raison à la clinique, ce qu’a contesté devant le Conseil d’État le ministre des Affaires sociales qui va obtenir l’annulation de la décision qui lui était défavorable et le renvoi de l’affaire devant ladite cour administrative d’appel de Douai. Pour le Conseil d’État, la cour administrative d’appel de Douai a commis une erreur de droit en ne vérifiant pas si les documents auxquels se référait la décision litigieuse ne permettaient pas de connaître les considérations de fait au vu desquelles la sanction a été prise. Là, le Conseil d’État rappelle que la motivation de l’infraction est contenue soit dans la décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé à l’établissement sanctionné, soit enfin par référence à un texte réglementaire explicite.