Pas de référence au mandat syndical lors de la notation sous peine d’annulation

  • Cour administrative d'appel Lyon Mme B… A… 05/12/2017 - Requête(s) : 16LY02938

I – LE TEXTE DE L’ARRÊT

1. Considérant que Mme A… relève appel du jugement du 20 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant à l’annulation de sa notation au titre de l’année 2013 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : « Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées » ; qu’il résulte de ces dispositions que la notation d’un fonctionnaire, qui comprend une note chiffrée et des appréciations générales, a un caractère indivisible ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les conclusions présentées par Mme A… devant le tribunal administratif de Lyon tendaient à l’annulation de l’intégralité de la note qui lui avait été attribuée pour l’année 2013, alors même que ses moyens visaient principalement la seule note qualité obtenue de 1,75 ; que, par suite, c’est à tort que le magistrat délégué du tribunal a rejeté la requête comme irrecevable au motif qu’elle tendait à l’annulation de la seule note « qualité » qui lui avait été attribuée dans le cadre de l’élaboration de sa note chiffrée ; que le jugement contesté en date du 20 juillet 2016 du tribunal administratif de Lyon doit par suite être annulé ;

4. Considérant que l’affaire étant en état, il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A… devant ce tribunal ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance :

5. Considérant que l’article 65 de la loi susvisée du 9 janvier 1986 dispose : « Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l’article 17 du titre Ier du statut général est exercé par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du ou des supérieurs hiérarchiques directs./ Les commissions administratives paritaires ont connaissance des notes et appréciations ; à la demande de l’intéressé, elles peuvent en proposer la révision. […] » ; que ce recours en révision de la note chiffrée devant la commission paritaire, spécialement organisé par la loi, ne constitue pas un recours gracieux et ne saurait dès lors priver l’agent de la possibilité de demander à l’autorité chargée de la notation de reconsidérer sa position, alors même qu’il aurait fait préalablement usage du droit que lui reconnaît l’article 65 de saisir la commission paritaire d’une demande de révision de sa note ;

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme A… a saisi le 11 février 2014 la commission paritaire d’une demande de révision de sa note attribuée pour l’année 2013, laquelle s’est réunie le 19 mars 2014 ; que le directeur ayant maintenu sa note par décision en date du 2 avril 2014, Mme A… lui a demandé le 6 mai 2014 de reconsidérer sa position ; que ce recours gracieux ayant conservé les délais de recours contentieux, Mme A… n’était pas tardive à contester, par sa demande enregistrée le 1er août 2014 au greffe du tribunal administratif de Lyon, la décision précitée du directeur du centre hospitalier refusant de procéder au relèvement de sa note ;

Sur la légalité de la notation attribuée à Mme A… au titre de l’année 2013 :

7. Considérant que Mme A…, qui exerce les fonctions d’aide-soignante au centre hospitalier du Pays de Gier, s’est vu attribuer la note de 22 sur 25 au titre de l’année 2013 ; que cette note est composée d’un score d’un maximum de 240 calculé à partir de 20 critères destinés à évaluer la qualité du travail de l’agent, d’une appréciation littérale, d’une note de base attribuée en fonction de l’ancienneté de l’agent et d’une note qualité déterminée sur la base du score susmentionné ; que Mme A… a obtenu le score maximum, après correction d’une erreur matérielle, de 240 duquel découle, selon la grille de compétences, une note qualité de 1,75 sur 2, à laquelle s’ajoute la note barème de 20,25 en raison des quinze années d’ancienneté de l’intéressée, soit la note finale de 22 sur 25 ;

8. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme A… disposait en 2013 d’une décharge syndicale de 50 % pour l’exercice de ses mandats de secrétaire du syndicat CGT et de secrétaire générale de l’union locale CGT de Saint-Chamond ; que la notation littérale relève que Mme A…, « […] par son investissement dans d’autres missions au sein de l’établissement, est moins présente dans le service, ce qui est regrettable car était un élément moteur de l’équipe. […] » et que « sa présence, plus faible, […] est bien sûr regrettable pour l’équilibre de l’équipe » ; que dès lors que Mme A… n’exerçait pas au sein du centre hospitalier du Pays de Gier, outre ses fonctions d’aide-soignante, d’autres missions que celles inhérentes à ses mandats syndicaux, le directeur du centre hospitalier du Gier a entaché sa décision d’une erreur de droit en se fondant sur son temps de présence réduit à son poste en raison de l’exercice de ses mandats syndicaux ; que, dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de légalité, il y a lieu d’annuler la notation de Mme A… au titre de l’année 2013 ;

9. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier du Gier une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

 

DÉCIDE 

Article 1er : Le jugement n° 1406135 du tribunal administratif de Lyon du 20 juillet 2016 est annulé.

Article 2 : La notation de Mme A… pour l’année 2013 est annulée.

Article 3 : Le centre hospitalier du Gier est condamné à payer à Mme A… une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B… A… et au centre hospitalier du Gier.

 

CAA Lyon, Mme B… A…, 5 décembre 2017, n° 16LY02938

 

II – COMMENTAIRE

 

L’exercice du droit syndical est extrêmement protégé dans la fonction publique, et la fonction publique hospitalière dispose d’un solide ensemble de textes et de décisions de justice en illustrant ses contours.

Ainsi, l’agent qui bénéficie d’un mandat syndical peut bénéficier d’une décharge d’activité, comme c’était le cas en l’espèce, ou d’autorisations d’absence (voir « Le droit syndical dans la fonction publique hospitalière », FDH n° 376, p. 5643, disponible dans sa version numérique sur www.hopitalex.com).

Dans la mesure où l’exercice syndical est un droit constitutionnel et que la loi du 13 juillet 1983 interdit toute discrimination (article 6), il est préférable de s’abstenir de toute mention à cet exercice syndical dans le dossier de l’agent, sa notation ou son appréciation.

Dans l’affaire jugée par la cour administrative d’appel de Lyon le 5 décembre 2017, la formulation retenue par le directeur était contestée par l’agent qui y voyait une relation avec son mandat syndical et ce, alors que l’agent avait obtenu la note maximale possible. Le directeur avait en effet regretté que Mme A…, « […] par son investissement dans d’autres missions au sein de l’établissement, est moins présente dans le service, ce qui est regrettable car était un élément moteur de l’équipe. […] » et que « sa présence, plus faible, […] est bien sûr regrettable pour l’équilibre de l’équipe ». Or, comme ladite Mme A… n’avait d’autres missions que celles liées à son mandat syndical, cela revenait à pointer qu’elle se trouvait peu présente dans le service en raison de son engagement syndical, ce qui est effectivement le cas lorsque l’on bénéficie, comme elle, d’une décharge à 50 %. Or, il est constant que la charge de travail doit être adaptée au temps de présence de l’agent, et que sa notation doit porter, objectivement, sur le travail réalisé. On ne peut pas sous-entendre que l’engagement syndical porte préjudice à l’équilibre de l’équipe.

L’autre intérêt de cette décision est de préciser que le recours en révision porté devant la CAP n’est pas un recours gracieux, lequel s’exerce devant le directeur ; cet élément prenait ici toute son importance pour déterminer les délais de saisine. Mme A… a saisi la CAP le 11 février 2014, le directeur a maintenu sa note par décision en date du 2 avril 2014, et elle lui a demandé le 6 mai 2014 de reconsidérer sa position ; voilà le recours gracieux qui a ensuite été rejeté par décision notifiée le 2 juin. Aussi, en saisissant le juge administratif le 1er août 2014, elle n’était pas tardive. Cette analyse est conforme à la position du Conseil d’État (voir CE, Sieur M. c/ Ville de Paris, 17 octobre 2012, n° 351024, FJH n° 004, 2013, p. 210, disponible dans sa version numérique sur www.hopitalex.com).

Enfin, toute contestation sur la notation emporte contestation de la note et de l’appréciation, car c’est un tout indivisible, au terme d’une jurisprudence constante.