Personnels contractuels : les nouveautés du décret du 5 novembre 2015

Le "statut" des personnels contractuels devait évoluer, c'était annoncé depuis quelques mois. Le décret n°2015-1434 du 5 novembre 2015 procède donc aux modifications du décret du 6 février 1991. Le nouveau texte étend l'entretien annuel d'évaluation à tous les agents contractuels recrutés par contrat à durée déterminée de plus d'un an. Il précise les conditions de recrutement des contractuels de nationalité étrangère. Il complète les mentions obligatoires du contrat. Il définit les motifs de licenciement. Il organise les obligations de reclassement de ces agents et les règles de procédure applicables en cas de fin de contrat. Il encadre la durée de la période d'essai qui est calculée en fonction de la durée du contrat. Il détermine des critères de rémunération tout en fixant des règles de réévaluation périodique de celle-ci. Il crée, dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986, des commissions consultatives paritaires comprenant en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants des personnels contractuels.
Première nouveauté de taille : les médecins du travail sont soumis au décret du 6 février 1991 modifié, sous réserve des dispositions du code du travail et de la santé publique qui leur demeurent applicables.
Deuxième innovation : la rémunération des agents contractuels est désormais fixée "par l'autorité administrative, en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l'agent ainsi que son expérience", c'est-à-dire le sens de l'avis du Conseil d'État Kilou de 1995. La rémunération n'est plus réexaminée, mais doit être réévaluée tous les trois ans, que le contrat soit en CDI ou CDD (ce qui est nouveau). Et l'évaluation qui fonde cette réévaluation est désormais un entretien professionnel.
L'article 1-3 est réécrit ; il visait l'évaluation et est consacré désormais à l'entretien professionnel auquel doivent être soumis les agents contractuels en CDI ou en CDD supérieur à un an, "recrutés pour faire face à un besoin permanent". Le contenu de l'entretien est détaillé.
Autre création : la commission consultative paritaire compétente à l'égard des agents contractuels est installée dans les départements (sauf AP-HP) et elle composée en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants des personnels contractuels. Elle fonctionne sur le modèle des CAP des agents titulaires ou stagiaires et ainsi, est saisie en cas de procédure disciplinaire. Le nouvel article 2-1 instaure une protection plus importante.
Les conditions de recrutement sont également modifiées (article 3).
Les mentions sont précisées, notamment, la catégorie hiérarchique doit être indiquée sur le contrat. Un modèle de contrat est annoncé mais l'on constatera qu'il n'a pas été publié en même temps que le décret...Le contrat conclu pour un motif de remplacement momentané d'un agent absent, de vacance temporaire d'emploi ou d'accroissement temporaire ou saisonnier d'activités comporte une définition précise du motif de recrutement. Surtout, la durée de la période d'essai est déterminée par l'article 7 modifié.
S'agissant de l'indemnité de congés payés, l'on peut regretter que le législateur n'ait pas saisi l'occasion de prévoir leur paiement en fin de contrat ; de fait, l'article 8, II est abondé pour préciser (assez inutilement) que l'indemnité compensatrice est versée à l'agent qui n'a pu prendre ses congés du fait de l'administration, "en raison notamment de la définition par l'autorité investie du pouvoir de nomination du calendrier des congés annuels".
Plus intéressant sont les nouveaux articles 17-1 et 17-2 qui prennent acte de l'obligation de reclasser l'agent contractuel inapte médicalement tout en limitant ce droit aux "agents recrutés pour des besoins permanents par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée".
Le Titre V portant sur les congés non rémunérés pour raisons familiales ou personnelles est modifié, particulièrement sur les modalités de réintégration, notamment la demande qui doit être formulée au moins trois mois avant (contre deux avant).

Mais une des surprises vient de l'article 28 qui prévoyait, in fine, que les congés, en cas de CDD, ne pouvaient  "être attribués au-delà de la période d'engagement restant à courir". Cette mention est purement et simplement supprimée et n'est pas reprise, ce qui surprend quelque peu car elle avait le mérite d'être très claire sur cette question.

Le travail à temps partiel (articles 32 et s) est modifié en ce sens que l'agent n'est plus "employé de façon continue" mais est "sur un emploi à temps complet".

Un certificat de travail doit être remis à l'agent au terme du contrat (article 40-1 nouveau).

Naturellement, les dispositions relatives à la fin du contrat sont largement modifiées :

- ainsi, la durée du préavis est revue (puisque la durée de la période d'essai est modifiée) et surtout, il est précisé que pour déterminer  la durée du délai de prévenance, tous les contrats sont pris en compte sauf exceptions ;

- l'insuffisance professionnelle est un nouveau motif officiel de licenciement (articles 41-2) et les motifs de licenciement d'un contractuel recruté pour répondre à un besoin permanent sont énumérés et limités à 5 possibilités :

1° La suppression du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent, ce qui est conforme à la jurisprudence ;
2° La transformation du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement, lorsque l'adaptation de l'agent au nouveau besoin n'est pas possible ;
3° Le recrutement d'un fonctionnaire lorsqu'il s'agit de pourvoir un emploi vacant devant être pourvu par un fonctionnaire (là aussi, conforme à la jurisprudence) ;
4° Le refus par l'agent d'une modification d'un élément substantiel du contrat proposée dans les conditions prévues à l'article 41-4 c'est-à-dire transformation du besoin ou de l'emploi, sachant que les éléments substantiels sont définis comme suit : quotité de temps de travail de l'agent, ou un changement de son lieu de travail, voire une modification des fonctions de l'agent, sous réserve que celle-ci soit compatible avec la qualification professionnelle de l'agent ;

Le licenciement dans ces quatres hypothèses ne peut intervenir qu'en cas d'impossibilité du reclassement.
5° L'impossibilité de réemploi de l'agent, dans les conditions prévues à l'article 32, à l'issue d'un congé sans rémunération.

La date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement fixe le point de départ du préavis.

L'entretien préalable est enfermé dans un délai minimal : pas de moins de 5 jours après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. La commssion consultative paritaire doit être consultée, avant l'entretien préalable, lorsque le licenciement d'un agent "protégé" est envisagé.

Les indemnités de licenciement sont versées notamment aux agents qui refusent un contrat proposé par une personne morale de droit public, ou de droit privé, dans le cadre d'une reprise d'activité par cette personne morale.

Enfin, au titre des suppressions, l'on relèvera que l'article 5-1 est supprimé, qui prévoyait le service à temps non complet d'une durée inférieure au mi-temps, de même que l'article 54 qui renvoyait à la rémunération des agents de l'État et de la fonction publique territoriale.


Le nouveau "statut" des contractuels traduit la volonté d'encadrer et de sécuriser ces contrats, en reprennant notamment des décisions du Conseil d'État qui avaient auparavant fait oeuvre protectrice. Néanmoins, l'on regrette toujours que le contrat type ne soit pas "fourni" avec, ou en même temps que le décret. De plus, ce nouveau texte suscite déjà quelques interrogations, ce qui laisse présager, en dépit de la recherche de simplificiation, des éclaircissements jurisprudentiels.