L’annulation de la nomination d’un directeur en situation de conflits d’intérêts

  • tribunal administratif Paris 12/06/2023 - Requête(s) : 2107162

Résumé

La directrice générale du CNG ne peut pas faire usage d’une voix prépondérante pour arrêter la liste des candidats sélectionnés. De même, le directeur général de l’ARS ne peut pas mettre en place une procédure de « déport » et aurait dû saisir le ministre de la santé, en cas de conflits d’intérêts à l’examen des candidatures retenues. Enfin, le candidat nommé ne pouvait pas l’être, du fait d’une règle d'incompatibilité territoriale émise par les lignes directrices de gestion, selon laquelle un directeur ne peut pas être nommé à la tête d'un établissement dans un département ou une région où il a exercé des fonctions d'inspection, de contrôle et de tutelle, avant trois ans révolus.

 

I – LE TEXTE DE L’ARRÊT

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre des opérations de recrutement destinées à pourvoir le poste vacant de directeur du Centre hospitalier national d'ophtalmologie (CHNO) des Quinze-Vingts, situé à Paris, un avis de vacance d'emplois de direction de la fonction publique hospitalière (emplois fonctionnels) a été publié au Journal officiel n° 0281 du 20 novembre 2020. Le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) a enregistré vingt candidatures recevables pour ce poste. Le 19 janvier 2021, l'instance collégiale prévue à l'article 9 du décret du 31 juillet 2020 a été réunie pour procéder à l'examen des candidatures, afin de présélectionner les candidats devant figurer sur une liste courte (« shortlist ») et devant être auditionnés par l'autorité de recrutement. Le 20 janvier 2021, cette liste courte, comportant six noms, a été communiquée par courrier électronique à l'autorité de recrutement, à savoir le directeur général de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France (ARS IdF). Ce dernier a mis en place une procédure de déport, dans le cadre de laquelle deux personnalités qualifiées indépendantes désignées par lui ont procédé à l'audition des six candidats présélectionnés. Ces personnalités qualifiées ont remis au directeur général de l'ARS IdF un rapport sur les mérites respectifs des candidats, à l'issue des auditions qu'ils ont conduites le 12 février 2021. Le 18 février 2021, le directeur général de l'ARS IdF a repris à son compte la proposition des personnalités qualifiées indépendantes et a transmis à la directrice générale du CNG une liste de trois candidats susceptibles d'être nommés, classés par ordre de préférence. Par un arrêté en date du 24 mars 2021, la directrice générale du CNG a placé M. A, directeur d'hôpital affecté à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), occupant précédemment les fonctions de directeur général adjoint de l'ARS IdF, en position de détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur du CHNO des Quinze-Vingts, pour une durée de quatre ans à compter du 12 avril 2021. Le syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT) et le syndicat Force ouvrière des cadres hospitaliers demandent au tribunal d'annuler cette décision.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 2107162 et n° 2110817 sont dirigées contre la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré du caractère illégal du recours à une voix prépondérante au sein de l'instance collégiale placée auprès de la directrice générale du CNG :

3. Aux termes de l'article 5 du décret du 31 juillet 2020 relatif aux emplois supérieurs de la fonction publique hospitalière : « Toute création ou vacance de l'un des emplois mentionnés à l'article 3, constatée ou prévisible, est portée à la connaissance du directeur général du Centre national de gestion par l'autorité de recrutement et fait l'objet d'un avis publié au Journal officiel de la République française et, dans les conditions prévues par le décret du 28 décembre 2018 susvisé, sur un espace numérique commun aux trois fonctions publiques ainsi que sur tout autre support approprié. / L'avis de vacance ou de création est accompagné d'une offre d'emploi. / Cette offre d'emploi est élaborée par l'autorité de recrutement. Pour les emplois de directeur des établissements mentionnés aux 1°, 3° et 5° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, l'offre d'emploi est élaborée en liaison avec le président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance. Pour les emplois de directeur des établissements mentionnés aux 4° et 6° du même article, l'offre d'emploi est élaborée en liaison avec le président de l'organe délibérant de l'établissement ou, pour les services qui n'ont pas la personnalité morale, de la personne publique de rattachement. / L'offre d'emploi décrit les fonctions correspondantes, les enjeux fondamentaux de l'établissement notamment au regard de l'offre de soins territoriale, les compétences recherchées ainsi que, le cas échéant, la nature et le niveau des expériences professionnelles attendus. / Cette offre d'emploi précise l'autorité de recrutement, les conditions d'exercice de cet emploi, les conditions de formation des agents contractuels, la localisation, la durée d'occupation, les modalités d'une éventuelle reconduction et les éléments de rémunération. / Elle mentionne les modalités de la procédure de recrutement. / Dans un délai de trois semaines à compter de la publication de l'offre d'emploi, les candidatures sont transmises au directeur général du Centre national de gestion. » Aux termes de l'article 8 du même décret : « Le directeur général du Centre national de gestion accuse réception de chaque candidature et vérifie la recevabilité au regard des dispositions législatives et réglementaires régissant l'accès à l'emploi à pourvoir et son occupation. / Il peut, le cas échéant, écarter toute candidature qui, de manière manifeste, ne correspond pas au profil recherché pour l'emploi à pourvoir, tel que défini par l'offre d'emploi mentionnée à l'article 5, au regard notamment des qualifications, des compétences attendues et de l'expérience professionnelle acquise. » Aux termes de l'article 9 du même décret : « Toute candidature qui n'a pas été écartée par le directeur général du Centre national de gestion fait l'objet d'un examen préalable par une instance collégiale, placée auprès de lui. / La composition de cette instance est fixée par le directeur général du Centre national de gestion et comprend au moins trois personnes. Une de ces personnes n'est pas soumise à l'autorité hiérarchique de l'autorité dont relève l'emploi à pourvoir et est choisie en raison de ses compétences dans le domaine des ressources humaines. Une autre de ces personnes occupe ou a occupé des fonctions d'un niveau de responsabilités au moins équivalent à celui de l'emploi à pourvoir. / Le directeur général du Centre national de gestion assure l'organisation et le secrétariat de l'instance collégiale. » Aux termes de l'article 10 du même décret : « Lors de l'examen préalable, chaque candidature est appréciée, dans le respect du principe d'égal accès aux emplois publics, au regard des qualifications, des compétences, des aptitudes, de l'expérience professionnelle du candidat et de sa capacité à exercer les missions dévolues à l'emploi à pourvoir. / L'instance collégiale arrête la liste des candidats présélectionnés, qui doit comporter au moins trois noms pour les emplois régis par le présent titre relevant d'un établissement mentionné au 1° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. Ce nombre est porté à cinq si le nombre de candidatures examinées est supérieur à dix. L'instance collégiale transmet la liste des candidats présélectionnés à l'autorité de recrutement. »

4. Le SYNCASS-CFDT et le syndicat Force ouvrière des cadres hospitaliers soutiennent que la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dans la mesure où la directrice générale du CNG a fait usage, lors de la délibération de l'instance collégiale du 19 janvier 2021, d'une voix prépondérante dont il est soutenu qu'elle n'est pas prévue par les textes. Il ressort des pièces du dossier que l'instance collégiale mentionnée à l'article 9 du décret du 31 juillet 2020 précité s'est réunie le 19 janvier 2021. Il est constant, ainsi qu'il ressort du compte rendu de cette séance, versé au dossier, que deux membres avec voix délibérative se sont prononcés en faveur de la liste proposée de six candidats, présélectionnés pour l'emploi fonctionnel de directeur du CHNO des Quinze-Vingts, comprenant le nom de M. A, et que deux autres membres avec voix délibérative ont voté contre cette liste. Il ressort également du compte rendu de cette séance que, constatant le partage des voix, la directrice générale du CNG, après avoir rappelé que l'instance collégiale n'était pas dotée d'un règlement intérieur et que la mise en place d'une voix prépondérante de la présidente avait seulement été évoquée, a indiqué faire usage de sa voix prépondérante. La proposition des noms des six candidats présélectionnés a par conséquent été acquise au bénéfice de la voix prépondérante de la directrice générale du CNG en raison d'une situation de partage des voix. Ce vote favorable a permis à l'instance collégiale d'arrêter la liste des candidats présélectionnés, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 10 du décret du 31 juillet 2020, permettant à la procédure de se poursuivre, par la transmission de cette liste de candidats à l'autorité de recrutement.

5. En défense, le CNG soutient que le décret du 31 juillet 2020 ne définit pas les modalités de vote au sein de l'instance collégiale instituée par son article 9, et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait à la directrice générale du CNG de faire usage d'une voix prépondérante. Toutefois, dans le silence des textes, et alors que la directrice générale du CNG a elle-même expressément reconnu, en séance, qu'aucun règlement intérieur de l'instance collégiale n'avait été adopté, aucun des membres de cette instance ne pouvait se prévaloir d'une voix prépondérante en cas de partage des voix, une telle règle ne résultant d'aucun principe général du droit ni d'aucune règle générale de procédure. Par ailleurs, si le CNG soutient également que le vice tenant à l'usage d'une voix prépondérante, à le supposer établi, n'aurait pas privé le SYNCASS-CFDT, dont le représentant à l'instance n'avait qu'une voix consultative, d'une garantie, il est constant que ce recours à la voix prépondérante a bien exercé une influence sur le sens de la décision prise, dès lors qu'il a permis à l'instance collégiale d'arrêter une liste des candidats présélectionnés comportant le nom de M. A. L'adoption de la liste sous cette forme n'aurait pas été possible sans recours à une voix prépondérante. Par conséquent, ce recours à une voix prépondérante a entaché d'irrégularité la procédure suivie. La décision prise à l'issue de cette procédure est donc illégale.

En ce qui concerne le moyen tiré du caractère illégal de la procédure de déport mise en place par l'autorité de recrutement :

6. Aux termes de l'article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983, en vigueur à la date de la décision attaquée : « I. Le fonctionnaire veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d'intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver. / Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions. / II.- À cette fin, le fonctionnaire qui estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts : 1° Lorsqu'il est placé dans une position hiérarchique, saisit son supérieur hiérarchique ; ce dernier, à la suite de la saisine ou de sa propre initiative, confie, le cas échéant, le traitement du dossier ou l'élaboration de la décision à une autre personne ; 2° Lorsqu'il a reçu une délégation de signature, s'abstient d'en user ; 3° Lorsqu'il appartient à une instance collégiale, s'abstient d'y siéger ou, le cas échéant, de délibérer ; 4° Lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles, est suppléé selon les règles propres à sa juridiction ; 5° Lorsqu'il exerce des compétences qui lui ont été dévolues en propre, est suppléé par tout délégataire, auquel il s'abstient d'adresser des instructions. » Aux termes de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : « I. - Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction. / Lorsqu'ils estiment se trouver dans une telle situation : () 4° Les personnes chargées d'une mission de service public placées sous l'autorité d'un supérieur hiérarchique le saisissent ; ce dernier, à la suite de la saisine ou de sa propre initiative, confie, le cas échéant, la préparation ou l'élaboration de la décision à une autre personne placée sous son autorité hiérarchique ; 5° Lorsqu'il exerce des compétences qui lui ont été dévolues en propre, est suppléé par tout délégataire, auquel il s'abstient d'adresser des instructions. »

7. Aux termes de l'article L. 1432-1 du Code de la santé publique : « Les agences régionales de santé sont des établissements publics de l'État à caractère administratif. Elles sont placées sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l'assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées. » Aux termes de l'article L. 1431-2 du même code : « Les agences régionales de santé sont chargées () de mettre en œuvre au niveau régional la politique de santé () ». Aux termes de l'article L. 1432-2 du même code : « Le directeur général de l'agence régionale de santé exerce, au nom de l'État, les compétences mentionnées à l'article L. 1431-2 qui ne sont pas attribuées à une autre autorité ». Eu égard aux missions qui lui sont confiées et aux conditions de sa nomination, le directeur général d'une agence régionale de santé occupe un emploi supérieur à la décision du gouvernement.

8. Aux termes de l'article 11 du décret du 31 juillet 2020 relatif aux emplois supérieurs de la fonction publique hospitalière : « À réception de la liste des candidats présélectionnés, l'autorité de recrutement auditionne les candidats après avoir recueilli sur chacun d'eux l'avis du président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de l'établissement ou, pour les services qui n'ont pas la personnalité morale, de l'organe délibérant de la collectivité publique de rattachement de l'établissement. » Aux termes de l'article 12 du même décret : « L'autorité de recrutement transmet au directeur général du Centre national de gestion, après avis du président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de l'établissement ou, pour les services qui n'ont pas la personnalité morale, de l'organe délibérant de la collectivité publique de rattachement de l'établissement, une liste de candidats susceptibles d'être nommés, classés par ordre de préférence () Pour le recrutement sur les emplois régis par le présent titre relevant d'un établissement mentionné au 1° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, cette liste comporte au moins trois noms. () Le refus de nomination par le directeur général du Centre national de gestion d'un ou plusieurs candidats classés dans l'ordre de préférence fait l'objet d'un avis motivé qu'il transmet à l'autorité de recrutement. »

9. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier électronique en date du 2 février 2021, le directeur général de l'ARS IdF, autorité de recrutement, a informé les six candidats présélectionnés par l'instance collégiale placée auprès de la directrice générale du CNG de la mise en place d'une procédure de déport, résultant de la circonstance qu'il connaissait personnellement plusieurs des intéressés et en particulier M. A, et ce afin de ne pas avoir à procéder lui-même à leur audition puis à leur sélection. À ce titre, le directeur général de l'ARS IdF a donc fait savoir qu'il estimait se trouver dans une situation de conflits d'intérêts, qu'il lui incombait de prévenir. Dans le cadre de cette procédure de déport, le directeur de l'ARS IdF a demandé à deux personnalités qualifiées indépendantes de procéder à l'audition des candidats présélectionnés et de lui remettre un classement, qu'il s'est engagé à reprendre à son compte. À l'issue des auditions des candidats qui ont été menées par ces deux personnalités qualifiées indépendantes, le directeur général de l'ARS IdF a, le 18 février 2021, transmis à la directrice générale du CNG une liste de trois noms, classés par ordre de préférence, et dans laquelle M. A figurait en première position.

10. Le SYNCASS-CFDT soutient que la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dans la mesure où il a été fait usage, par l'autorité de recrutement, à savoir le directeur général de l'ARS IdF, d'une procédure de déport non prévue par les textes. Il résulte des dispositions citées au point 6 que, lorsqu'un fonctionnaire estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts, il lui appartient de la prévenir ou de la faire cesser, dans les conditions prévues à l'article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983 et à l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013. En l'espèce, le CNG indique, en défense, que les dispositions du 5° du II de cet article, ainsi que celles du 4° de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013, et qui auraient consisté, pour le directeur général de l'ARS IdF, à être suppléé par un délégataire, ne pouvaient être mises en œuvre en l'espèce, dans la mesure où le délégataire se serait également trouvé en situation de conflit d'intérêts au titre de liens professionnels entretenus avec M. A….

11. Toutefois, contrairement à ce que soutient le CNG, le directeur général de l'ARS IdF, s'il estimait ne pouvoir mettre en œuvre les dispositions du 5° du II de l'article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983 ainsi que celles du 4° de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013, ne se trouvait pas dans une situation où les mécanismes alternatifs offerts par ces articles auraient été épuisés et où il aurait été contraint de mettre en place la procédure de déport ad hoc décrite au point 9. En effet, il résulte des termes mêmes du 1° du II de l'article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983 et du 4° du I de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013, qui sont rédigés dans des termes très proches, qu'il appartient au fonctionnaire placé dans une position hiérarchique de saisir son supérieur hiérarchique, afin que ce dernier confie, le cas échéant, le traitement du dossier ou l'élaboration de la décision à une autre personne placée sous son autorité hiérarchique. En l'espèce, il est constant que les autorités régionales de santé sont des établissements publics administratifs placés sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l'assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées, et dirigés par un directeur général nommé en conseil des ministres. Dès lors que, comme il a été dit au point 7, le directeur général d'une agence régionale de santé occupe un emploi supérieur à la décision du gouvernement, il lui appartient, s'il estime se trouver dans une situation de conflits d'intérêts, et qu'aucune des autres possibilités prévues par le II de l'article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983 ne lui paraît pouvoir être envisagée, de mettre en œuvre les dispositions du 1° du II de cet article et de saisir son supérieur hiérarchique soit, en l'espèce, le ministre chargé de la santé. Il est constant qu'en l'espèce, le directeur général de l'ARS IdF a estimé, comme il l'a indiqué dans son courrier électronique du 2 février 2021 et dans son courrier du 18 février 2021, que « les textes ne prévoient pas explicitement de procédure pour faire face à une situation de cette nature » alors que le II de l'article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983 énonce précisément les différentes possibilités offertes au fonctionnaire estimant se trouver en situation de conflit d'intérêts. Il est également constant qu'au lieu de saisir son supérieur hiérarchique en application des dispositions du 1° du II de l'article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983, le directeur général de l'ARS IdF a mis en place un dispositif de déport ad hoc, non prévu par les textes et consistant à déléguer les pouvoirs qui lui sont dévolus par l'article 11 du décret du 31 juillet 2020 à deux personnalités sélectionnées par lui et selon des critères qui ne ressortent pas des pièces du dossier. Comme le font valoir les syndicats requérants, il y a lieu d'observer qu'aucune précision n'est apportée quant aux modalités de sélection de ces deux personnalités, et quant aux garanties d'indépendance qu'elles présentaient. Dans ces conditions, le SYNCASS-CFDT est fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des lignes directrices générales de gestion publiées sur le site du Centre national de gestion :

12. Aux termes de l'article 26 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa version issue de la loi du 6 août 2019 et en vigueur à la date de la décision attaquée : « Dans chaque établissement mentionné à l'article 2, des lignes directrices de gestion sont arrêtées par l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du comité social d'établissement. Pour les corps et emplois des personnels de direction et des directeurs des soins, elles sont arrêtées par le directeur général du Centre national de gestion après avis du comité consultatif national. Les lignes directrices de gestion déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines dans chaque établissement, notamment en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les lignes directrices de gestion fixent les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours, sans préjudice du pouvoir d'appréciation de l'autorité investie du pouvoir de nomination en fonction des situations individuelles, des circonstances ou d'un motif d'intérêt général. L'autorité communique ces lignes directrices de gestion aux agents. » Aux termes de l'article 35 de cette loi : « En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion d'emplois susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration ou à une organisation internationale intergouvernementale non seulement par voie de concours, selon les modalités définies au 2° de l'article 29, mais aussi par la nomination de fonctionnaires ou de fonctionnaires internationaux, suivant l'une ou l'autre des modalités ci-après : 1° Inscription sur une liste d'aptitude après examen professionnel ; 2° Inscription sur une liste d'aptitude établie par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. Sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, l'autorité investie du pouvoir de nomination tient compte des lignes directrices de gestion prévues à l'article 26. Chaque statut particulier peut prévoir l'application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu'elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes. »

13. Aux termes de l'article 21 du décret du 29 novembre 2019 relatif aux lignes directrices de gestion et à l'évolution des attributions des commissions administratives paritaires : « Le présent chapitre précise le contenu et les conditions d'élaboration des lignes directrices de gestion relatives à la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines et aux orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels prévues à l'article 26 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. / Ces lignes directrices peuvent être établies de manière commune ou distincte ». Aux termes de l'article 22 du même décret : « I. - Les lignes directrices de gestion autres que celles mentionnées au II sont établies par le chef d'établissement. Elles peuvent comporter des orientations qui sont propres à certaines missions, certaines structures internes ou certains corps ou ensemble de corps. / Elles peuvent prendre en compte les besoins en ressources humaines de l'établissement concerné liés notamment à la démographie des professionnels et aux spécificités du territoire. / II. - Les lignes directrices de gestion concernant les corps et emplois des personnels de direction et des directeurs des soins, établies par le directeur général du Centre national de gestion, peuvent prendre en compte les besoins en ressources humaines de ces corps et emplois liés notamment à l'évolution de l'organisation et des missions des établissements publics sanitaires, sociaux et médico-sociaux. »

14. Il ressort des pièces du dossier que les lignes directrices de gestion, adoptées le 22 septembre 2020 et fixant les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels et de mobilité, adoptées en application de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, comportent une rubrique intitulée « Les éléments à prendre en compte dans le parcours professionnel pour tous les candidats aux emplois supérieurs de la FPH. » Il est indiqué, dans cette rubrique, que « l'instance collégiale examine l'adéquation du profil des candidats aux emplois supérieurs en fonction de l'expérience et du parcours professionnels et des autres éléments précités, en tenant compte des critères d'incompatibilité figurant dans les tableaux annexés » et que « les critères de sélection pour l'inscription sur la liste courte figurent dans les tableaux joints en annexe ». Parmi les quatre tableaux annexés, deux énumèrent les critères de sélection des candidats sur des emplois de chefs d'établissement - directeurs d'hôpital, et sur des emplois fonctionnels de directeur d'hôpital. Ces tableaux comportent chacun une rubrique intitulée « critères relatifs à la situation professionnelle du directeur au moment où il candidate ». Dans le cas de figure où est envisagée une nomination dans un département ou une région (ressort de la région au moment de l'exercice de la fonction) où le candidat a exercé des fonctions d'inspection, de contrôle ou de tutelle, il est indiqué, dans la colonne « observations » : « pas avant trois ans révolus ». Les lignes directrices de gestion comportent donc une règle d'incompatibilité territoriale, selon laquelle un directeur ne peut pas être nommé à la tête d'un établissement dans un département ou une région où il a exercé des fonctions d'inspection, de contrôle et de tutelle, avant trois ans révolus.

15. Il résulte des dispositions citées aux points 12 et 13 que, pour l'inscription sur une liste d'aptitude établie par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents, il appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination de prendre en compte, ainsi que l'énoncent les lignes directrices, des éléments tels que l'expérience attestée des responsabilités managériales à haut niveau dont l'exercice de chef d'établissement, la diversité du parcours professionnel et des exercices professionnels dans des établissements de la fonction publique hospitalière diversifiés, dans d'autres fonctions publiques et/ou hors fonction publique, le contexte d'exercice professionnel antérieur, l'exercice de missions reconnues difficiles, la nature des responsabilités exercées, les projets conduits et évalués objectivement, la création ou la mise en œuvre d'innovation managériale reconnue, une expertise attestée par sa nature et sa durée, son exercice, sa diffusion et sa reconnaissance externe, et la formation qualifiante et/ou diplômante suivie en cohérence avec le parcours et les objectifs/orientations de carrière. Dans ce cadre, il appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, de tenir compte des lignes directrices de gestion prévues à l'article 26 de la loi du 9 janvier 1986. Ces lignes directrices énoncent également que l'instance collégiale examine l'adéquation du profil des candidats aux emplois supérieurs en fonction de l'expérience et du parcours professionnels et des autres éléments précités, en tenant compte des critères d'incompatibilité figurant dans les tableaux annexés, et parmi lesquels figure la règle d'incompatibilité territoriale décrite au point 14.

16. Les syndicats requérants soutiennent que la décision attaquée a été adoptée en méconnaissance des lignes directrices de gestion précitées, dans la mesure où le critère d'incompatibilité territoriale faisait obstacle à ce que la candidature de M. A soit retenue, en raison de ses fonctions de directeur général adjoint de l'ARS IdF. Ils soutiennent que la décision attaquée méconnaît en effet la règle selon laquelle un directeur ne peut pas être nommé dans un département ou une région où il a exercé des fonctions d'inspection, de contrôle et de tutelle, avant trois ans révolus. Ils soutiennent également qu'au titre de ses fonctions de directeur général adjoint de l'ARS IdF, M. A a nécessairement exercé des fonctions d'inspection, de contrôle et de tutelle sur le CHNO des Quinze-Vingts.

17. Le CNG soutient, en défense, que les lignes directrices précitées n'ont pas été méconnues, dès lors qu'il a été attesté par le directeur général de l'ARS IdF, dans un document en date du 2 janvier 2021, que M. A n'a pas exercé des fonctions d'inspection, de contrôle et de tutelle sur le CHNO des Quinze-Vingts, et, qu'en tout état de cause, les lignes directrices ne constituent que des orientations générales, dépourvues de caractère impératif.

18. En premier lieu, si le CNG soutient qu'il n'a pas été, en l'espèce, dérogé au critère d'incompatibilité, dès lors que M. A n'a pas exercé de fonctions d'inspection, de contrôle et de tutelle sur le CHNO des Quinze-Vingts, cette affirmation est contredite par les indications figurant dans le compte rendu de la réunion de l'instance collégiale du 19 janvier 2021. Lors de cette réunion, la directrice générale du CNG a expressément reconnu que l'inscription de M. A sur la liste des candidats présélectionnés contrevenait à la règle d'incompatibilité territoriale décrite au point 14. Elle a, à ce titre, notamment indiqué que « cette situation fait partie des dérogations que le CNG souhaite pouvoir porter ». Il ressort également des pièces du dossier que le traitement dérogatoire réservé à la candidature de M. A a constitué la raison pour laquelle, le 16 mars 2021, quatre membres de l'instance collégiale placée auprès de la directrice générale du CNG ont collectivement démissionné, afin de manifester leur réprobation du fait du non-respect des lignes directrices de gestion sur ce point précis. La lettre de démission de ces membres indique, à cet égard, qu' « à l'occasion de l'établissement de la liste courte des candidats lors de cette séance, nous avons rappelé les règles de gestion dont l'instance a souhaité se doter, sur votre proposition, aux termes desquelles il n'est pas possible pour un professionnel de postuler à la chefferie d'un établissement dans le ressort d'une région au sein de laquelle il se trouve en position d'exercer des fonctions d'autorité auprès des structures sanitaires et médico-sociales. Cette modalité, qui relève de la déontologie de base au plan de l'égalité des candidats et de la neutralité à leur égard dont doit faire preuve l'autorité amenée à en proposer le classement, a du reste été respectée sur un cas similaire lors de la même séance. C'est pourquoi une dérogation à cette règle en Île-de-France nous paraît particulièrement anormale et explique notre vote négatif à l'inscription sur la liste court pour le poste de directeur des Quinze-Vingts de l'actuel DGA de l'ARS IdF ». Dans ces conditions, l'inscription de M. A sur la liste des candidats présélectionnés doit être regardée comme étant intervenue par le biais d'une dérogation au critère, énoncé dans les lignes directrices de gestion, selon lequel un directeur ne peut candidater, avec une période de trois ans révolus, à un poste de chef d'établissement situé dans la région dans laquelle il exerçait des fonctions de contrôle et de tutelle. La circonstance, à la supposer même établie, selon laquelle M. A n'aurait pas directement eu à connaître du CHNO des Quinze-Vingts est en tout état de cause sans incidence, les lignes directrices ne précisant pas que les fonctions d'inspection, de contrôle, ou de tutelle sur le champ sanitaire, social ou médico-social doivent nécessairement avoir été exercées sur l'établissement à la direction duquel le candidat postule.

19. En second lieu, il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 12 et 13 que les lignes directrices de gestion laissent à l'autorité investie du pouvoir de nomination un pouvoir d'appréciation dans le cadre duquel cette autorité peut, le cas échéant, s'écarter de ces orientations générales, en fonction des situations individuelles, des circonstances ou d'un motif d'intérêt général. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, lors de la réunion de l'instance collégiale du 19 janvier 2021, la directrice générale du CNG n'a fait état d'aucun élément particulier propre à la situation de M. A, ni d'aucun motif d'intérêt général, de nature à justifier qu'il soit dérogé à la règle d'incompatibilité territoriale rappelée plus haut, alors, au demeurant, d'une part, que les lignes directrices insistent notamment sur le critère lié à la nature et à l'importance des postes occupés en qualité de chef d'établissement ou d'adjoint (« une attention particulière sera portée sur la nature et l'importance des postes occupés en qualité de chef d'établissement ou d'adjoint »), d'autre part, que, contrairement aux autres candidats, M. A ne justifiait d'aucune expérience préalable en l'une ou l'autre de ces qualités et, enfin, que la mise en œuvre d'une dérogation au profit d'un candidat constitue une exception aux règles normalement applicables, et que la justification qu'il incombe à l'administration d'apporter à ce titre, tout particulièrement au stade de l'examen des dossiers individuels dans le cadre de l'instance collégiale, eu égard à la place centrale qu'elle occupe dans le processus de sélection, représente une garantie et une information essentielle pour les membres de cette instance, et ce dès le moment où l'autorité de nomination décide de s'écarter des lignes directrices de gestion. Si le CNG expose, en défense, que dans le cadre du recueil des avis requis par l'autorité de recrutement au titre de l'article 11 du décret du 31 juillet 2020, le président de la commission médicale d'établissement du CHNO des Quinze-Vingts a proposé de ne retenir que la candidature de M. A, que la présidente du conseil de surveillance n'a classé que deux candidats, dont M. A en première position, et, enfin, que les personnalités qualifiées désignées par le directeur général de l'ARS IdF ont également classé M. A en première position, ces éléments sont postérieurs à la réunion de l'instance collégiale du 19 janvier 2021 au cours de laquelle la liste courte a été établie, et ne peuvent donc être utilement invoqués pour justifier la dérogation mise en œuvre dans le cadre de cette instance au profit de M. A. Il en va de même de l'allégation selon laquelle M. A s'acquitterait de manière très satisfaisante de ses fonctions de chef d'établissement du CHNO des Quinze-Vingts, cette circonstance étant par construction postérieure à l'édiction de la décision attaquée. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des lignes directrices de gestion doit être accueilli.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité :

20. Les syndicats requérants soutiennent que le principe d'impartialité a été méconnu, dès lors, notamment, que le directeur général de l'ARS IdF, autorité de recrutement, entretenait des liens professionnels avec M. A et est resté partie prenante à la procédure de sélection et de recrutement.

21. Le principe d'impartialité, qui figure au nombre des principes généraux du droit s'imposant à toute autorité administrative, implique l'absence de situation de conflit d'intérêts au cours d'une procédure de sélection et de nomination. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la procédure de nomination du directeur du CHNO des Quinze-Vingts s'est déroulée de manière inédite dans la mesure où figurait, parmi les candidats, le directeur général adjoint de l'ARS IdF, le directeur général de cette ARS étant l'autorité de recrutement, et alors que les lignes directrices du CNG énoncent une règle d'incompatibilité territoriale visant entre autres à prévenir ce genre de situation. Le caractère inédit de cette situation a été souligné par huit des quatorze membres de l'instance collégiale présents lors de la réunion du 19 janvier 2021, qui ont marqué, dans des termes nets, leur vive désapprobation à ce titre. Cette situation a placé le directeur général de l'ARS IdF dans une situation soulevant des difficultés au regard du principe d'impartialité, dans la mesure où, en tant qu'autorité de recrutement, il était en principe personnellement appelé à apprécier les mérites comparés du directeur général adjoint de l'ARS IdF par rapport à ceux d'autres candidats, au stade de l'audition des candidats inscrits sur la liste des candidats présélectionnés. Si le directeur général de l'ARS IdF a mis en place une procédure de déport ad hoc afin que toutes les garanties d'impartialité soient apportées aux candidats, il est constant que, comme il a été dit plus haut aux points 6 à 11, les dispositions législatives relatives à la prévention des conflits d'intérêts, et impliquant notamment la saisine par le directeur général de l'ARS IdF de son autorité hiérarchique, n'ont pas été respectées en l'espèce. Il est également constant que le directeur général de l'ARS IdF a joué un rôle actif dans le cadre de la procédure de sélection en produisant en faveur de M. A l'attestation mentionnée au point 17, en mettant en la procédure de déport ad hoc en cause, et en reprenant à son compte l'avis des deux personnalités extérieures.

22. Ainsi, au regard de l'ensemble des éléments mentionnés au point précédent, compte tenu des différents choix procéduraux mis en œuvre, et eu égard aux liens existant entre le directeur général de l'ARS IdF et le directeur général adjoint de cette même agence, ayant motivé la mise en place de la procédure de déport ad hoc, il y a lieu d'accueillir, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité.

23. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que l'arrêté en date du 24 mars 2021 par lequel la directrice générale du CNG a placé M. A, pour une durée de quatre ans, en position de détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur du CHNO des Quinze-Vingts à compter du 12 avril 2021 doit être annulé.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

24. Aux termes de l'article L. 911-2 du Code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. »

25. L'annulation de la décision attaquée implique nécessairement que le CNG organise une nouvelle procédure de recrutement afin de pourvoir le poste de directeur du CHNO des Quinze-Vingts, dans le cadre prévu par les dispositions du décret du 31 juillet 2020. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la directrice générale du CNG d'organiser une nouvelle procédure de recrutement afin de pourvoir le poste de directeur du Centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts, et de prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les frais liés à l'instance :

26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CNG une somme de 1 500 euros à verser au syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT), et une somme d'un même montant à verser au syndicat Force ouvrière des cadres hospitaliers, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

 

DÉCIDE

Article 1er : L'arrêté en date du 24 mars 2021 par lequel la directrice générale du CNG a placé M. A, pour une durée de quatre ans, en position de détachement dans l'emploi fonctionnel de directeur du Centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts à compter du 12 avril 2021, est annulé.

Article 2 : Il est enjoint à la directrice générale du CNG d'organiser une nouvelle procédure de recrutement afin de pourvoir le poste de directeur du Centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts, et de prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Le CNG versera au syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT) une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de la justice administrative, et une somme d'un égal montant au syndicat Force ouvrière des cadres hospitaliers au même titre.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié au syndicat national CFDT des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS-CFDT), au syndicat Force ouvrière des cadres hospitaliers et au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

TA de Paris, 12 juin 2023, n° 2107162

 

II – COMMENTAIRE

Cette longue décision du tribunal administratif de Paris se résume finalement assez aisément.

Il s’agissait de nommer un directeur, emploi supérieur, au CHNO des Quinze-Vingts. Or, les lignes directrices du CNG énoncent une règle d'incompatibilité territoriale selon laquelle un directeur ne peut candidater, avec une période de trois ans révolus, à un poste de chef d'établissement situé dans la région dans laquelle il exerçait des fonctions de contrôle et de tutelle. Cette règle a été éludée par la directrice générale du CNG qui a contourné le partage des voix en recourant à l’utilisation de la voix prépondérante de la présidente alors même qu’aucune disposition, pas plus que le règlement intérieur du CNG ne le prévoyait. Au surplus, la directrice générale du CNG n'a fait état d'aucun élément particulier propre à la situation de M. A, ni d'aucun motif d'intérêt général, de nature à justifier qu'il soit dérogé à la règle d'incompatibilité territoriale ;

Ce vote favorable a permis à l'instance collégiale d'arrêter la liste des candidats présélectionnés, permettant à la procédure de se poursuivre, par la transmission de cette liste de candidats à l'autorité de recrutement.

En l’occurrence, « la procédure de nomination du directeur du CHNO des Quinze-Vingts s'est déroulée de manière inédite dans la mesure où figurait, parmi les candidats, le directeur général adjoint de l'ARS IdF, le directeur général de cette ARS étant l'autorité de recrutement ». Dès lors, ce dernier ne pouvait pas examiner cette candidature et, au demeurant, il connaissait également d’autres candidats. Il était donc tenu de s’écarter, ce qu’il a fait, mais aux termes d’une procédure de déport qui a été jugée irrégulière.

En effet, et dans le cadre de cette procédure de déport, le directeur de l'ARS IdF a demandé à deux personnalités qualifiées indépendantes de procéder à l'audition des candidats présélectionnés et de lui remettre un classement, qu'il s'est engagé à reprendre à son compte. À l'issue des auditions des candidats qui ont été menées par ces deux personnalités qualifiées indépendantes, le directeur général de l'ARS IdF a, le 18 février 2021, transmis à la directrice générale du CNG une liste de trois noms, classés par ordre de préférence, et dans laquelle M. A figurait en première position.

Or, le TA de Paris relève que cette procédure ne respecte pas la règlementation. Les ARS sont des établissements publics administratifs placés sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l'assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées, et dirigés par un directeur général nommé en conseil des ministres. Dès lors, le supérieur hiérarchique du DG de l’ARS est le ministre lui-même. C’était donc lui qui devait être saisi.

Ces deux irrégularités permettent au TA d’annuler la nomination de M.A…, peu importe qu’il donne satisfaction dans ses fonctions, ou que les avis préalables à sa nomination le plaçaient en première position ou parmi les candidats retenus (ces avis intervenant après le processus de sélection irrégulier).

Le principe d’impartialité a été méconnu. Et le détachement, pour 4 ans, dans l'emploi fonctionnel de directeur du CHNO des Quinze-Vingts est annulé.