L’exclusion temporaire d’une élève infirmière et l’obligation d’effectuer un stage complémentaire de 8 semaines sont justifiées par l’avis d’une commission ad hoc dite « d’attribution de crédits »

  • Cour administrative d'appel Marseille Madame B… c/ IFSI du CH de Nîmes 09/01/2017 - Requête(s) : 16MA0053

I – LE TEXTE DE L’ARRÊT

1. Considérant que Mme B… a été admise, dans le cadre d’une reconversion professionnelle, à l’institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes ; qu’au cours de la première année, Mme B… a effectué un premier stage au sein d’un EHPAD et un second au sein du service chirurgie orthopédique du centre hospitalier régional, stages qui ont fait ressortir un manque de confiance et une difficulté à assumer le statut d’étudiant ; qu’un suivi particulier a été mis en place par son tuteur ; qu’au cours de la deuxième année, elle a effectué un stage au sein du service psychiatrique du centre hospitalier régional de Nîmes, qui n’a pas été concluant ; que le 11 février 2014, Mme B… a été reçue par la directrice de l’institut de formation, en présence du référent pédagogique, et a été convoquée à une réunion du conseil pédagogique ; que le 18 mars 2014, la directrice de l’institut de formation a prononcé à son encontre une exclusion temporaire d’une semaine et le 21 mars 2014, la commission d’attribution des crédits de l’institut lui a signifié par affichage qu’elle était obligée d’effectuer un stage complémentaire de huit semaines ; que par un jugement du 19 novembre 2015, dont Mme B… relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes d’annulation, d’une part, de la décision du 18 mars 2014 de la directrice de l’institut de formation en soins infirmiers, d’autre part, de la décision du 21 mars 2014 de la commission d’attribution des crédits de l’institut de formation ;

Sur la légalité de la décision du 18 mars 2014 de la directrice de l’institut de formation en soins infirmiers :

En ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision :

2. Considérant, d’une part, que la décision contestée fait état d’actes potentiellement dommageables aux personnes ainsi qu’un comportement inadapté envers les patients et les soignants ; que, par suite, elle est suffisamment motivée en fait ; que, d’autre part, la décision contestée vise l’article 10.6 d) de l’arrêté du 21 avril 2007 précité qui s’applique aux étudiants qui ont accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes âgées durant leur stage et constatés à l’issue du stage ; qu’il résulte de ce qui précède que la décision contestée est suffisamment motivée en fait et en droit ;

En ce qui concerne le moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire et des droits de la défense :

3. Considérant qu’aux termes de l’article 10 de l’arrêté du 21 avril 2007 précité : « […] Pour les situations d’étudiants visés au 6, les membres du conseil reçoivent communication du dossier de l’étudiant, accompagné d’un rapport motivé du directeur, au moins quinze jours avant la réunion de ce conseil. Pour les situations visées au c) et d) du 6, l’étudiant reçoit communication de son dossier dans les mêmes conditions que les membres du conseil. Le conseil pédagogique entend l’étudiant qui peut être assisté d’une personne de son choix. L’étudiant présente devant le conseil pédagogique des observations écrites ou orales. Dans le cas où l’étudiant est dans l’impossibilité d’être présent ou s’il n’a pas communiqué d’observations écrites, le conseil examine sa situation […] » ;

 

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme B… a reçu, dès le 20 février 2014, communication du rapport de la directrice de l’institut de formation en soins infirmiers, ainsi que différentes pièces de son dossier ; que, par ailleurs, elle a eu accès, avant la séance du conseil pédagogique, à l’intégralité des pièces constituant son dossier, lequel a été remis aux membres du conseil ; qu’elle était accompagnée par son avocat à la réunion du conseil et a pu présenter ses observations au regard des éléments qui étaient à la disposition de l’ensemble des membres du conseil pédagogique ; que si la requérante fait grief à la directrice du centre de formation de ne pas avoir mis à la disposition des membres du conseil les rapports ainsi que les fiches d’évaluation quotidienne, d’une part, ces éléments ne font pas partie du dossier individuel de l’étudiant qui doivent être remis au conseil pédagogique, d’autre part, la requérante a été informée, par courrier du 12 mars 2014, qu’elle détenait un portfolio retraçant sa progression en matière d’acquisition de compétences, des activités et des actes infirmiers, qu’elle pouvait produire lors du conseil pédagogique, ce qu’elle n’a pas fait ; que, dès lors, Mme B…, qui a eu accès, avant la séance du conseil, à l’ensemble des éléments utiles pour préparer sa défense et qui a pu s’expliquer, au cours de cette séance, sur les faits qui lui étaient reprochés en étant assistée d’un avocat, ne peut soutenir que le principe du contradictoire et du respect des droits de la défense a été méconnu ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la décision :

5. Considérant que Mme B… a, au cours de sa deuxième année de formation, effectué le stage du troisième trimestre du 30 septembre 2013 au 3 novembre 2013, puis du 9 décembre 2013 au 26 janvier 2014, au sein du service psychiatrie du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes ; qu’il ressort du rapport de fin de stage du 29 janvier 2014, que le tuteur a noté que le stage a été difficile pour la requérante, qui n’a pas su « trouver sa place » tant auprès des soignants que des soignés, qu’elle doit accepter les différentes missions confiées par l’équipe infirmière et doit être plus vigilante quant à la dispensation des traitements ; qu’un tableau joint au rapport de stage indique ainsi que la requérante n’a pas acquis la justesse dans les modalités de mise en œuvre des thérapeutiques, la conformité aux règles de bonnes pratiques, la justesse dans le respect de la prescription après repérage des anomalies manifestes, la cohérence dans la continuité des soins, la fiabilité et la pertinence des informations ; qu’il ressort par ailleurs du rapport complémentaire du 6 février 2014, signé par les soignants, qu’entre autres comportements reprochés, Mme B… ne vérifie pas et ne respecte pas les prescriptions médicales, se trompe à plusieurs reprises dans l’administration des traitements et a une attitude inadaptée envers les soignants ; que si Mme B… fait valoir que la réalité de ces manquements n’est pas établie en l’absence de communication des comptes rendus journaliers et que le rapport établi à mi-stage sur le portfolio ne comporte aucun commentaire négatif, les appréciations portées sur le tableau de compétences joint au rapport de stage suffisent à établir que l’intéressé a commis des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge ; que, par suite, la directrice de l’institut de formation n’a pas commis d’erreur d’appréciation en excluant pendant une semaine Mme B… de la formation ;

Sur la légalité de la décision de la commission d’attribution des crédits du 21 mars 2014 :

6. Considérant en premier lieu que la décision de la commission d’attribution des crédits de l’IFSI, prise en application de l’article 59 de l’arrêté du 31 juillet 2009, qui a accordé à Mme B… un crédit de 19/30, lui a imposé un stage de rattrapage de huit semaines, constitue une délibération d’un jury d’examen, chargé d’apprécier les mérites des candidats et n’entre dans aucune des catégories des décisions défavorables énumérées par la loi du 11 juillet 1979 ; que cette décision n’a dès lors pas à être motivée ;

 

7. Considérant en deuxième lieu qu’aux termes de l’article 58 de l’arrêté du 31 juillet 2009 susvisé : « en cas de non-validation d’un stage, l’étudiant effectue un nouveau stage, dont les modalités sont définies par l’équipe pédagogique » ; qu’aux termes de l’article 59 du même arrêté : « les crédits de formation sont attribués par une commission d’attribution des crédits. Elle est mise en place dans les instituts de formation en soins infirmiers, sous la responsabilité du directeur de l’institut, qui la préside. Elle est composée des formateurs référents des étudiants infirmiers, d’un ou plusieurs représentants de l’enseignement universitaire, et d’un ou plusieurs représentants des tuteurs de stage. Chaque semestre, excepté le dernier, le formateur responsable du suivi pédagogique présente à la commission d’attribution des crédits les résultats des étudiants afin que celle-ci se prononce sur l’attribution des crédits européens et sur la poursuite du parcours de l’étudiant. Lors du dernier semestre, les résultats sont présentés devant le jury d’attribution du diplôme » ;

8. Considérant que Mme B… fait valoir qu’il n’appartient pas à la commission d’attribution des crédits de fixer à huit semaines la durée d’un nouveau stage à effectuer ; qu’il ressort toutefois des dispositions précitées que la commission d’attribution des crédits se prononce, d’une part, sur l’attribution des crédits européens, et d’autre part, sur la poursuite du parcours de l’étudiant ; que le refus de validation du stage et des crédits correspondants impliquait nécessairement que la commission d’attribution, composée des mêmes membres que l’équipe pédagogique, se prononce sur la poursuite du parcours de Mme B… par la fixation d’une durée de stage ; que, par suite, les moyens tirés du détournement de procédure et de l’incompétence de la commission d’attribution doivent être écartés ;

9. Considérant en troisième lieu que la décision prise par la commission d’attribution des crédits, qui s’inscrit dans le cadre du contrôle des compétences des étudiants en vue de la délivrance du diplôme, prise en application de l’arrêté du 31 juillet 2009, qui n’est pas une sanction, n’a pas le même objet que la mesure prise par la directrice de l’institut de formation, prise en application de l’article 10 de l’arrêté du 21 avril 2007 ; qu’en conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du principe non bis in idem ne peut être qu’écarté ;

10. Considérant enfin que, compte tenu de ce qui a été dit, notamment au point 7, le moyen tiré de l’erreur d’appréciation qui affecterait la décision de la commission d’attribution des crédits ne peut être qu’écarté ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

12. Considérant que le présent arrêt n’implique aucune mesure d’exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d’injonction, présentées par Mme B…, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B… demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme B… la somme demandée par le centre hospitalier régional universitaire de Nîmes au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

 

 

 

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire régional de Nîmes tendant au versement d’une somme au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D… B… et au centre hospitalier universitaire régional de Nîmes (institut de formation en soins infirmiers).

 

CAA Marseille, Madame B… c/ IFSI du CH de Nîmes, 9 janvier 2017, n° 16MA0053

 

II – LES TEXTES CITÉS EN RÉFÉRENCE

 

Articles 58 et 59 de l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État d’infirmier

Article 58

En cas de non-validation d’un stage, l’étudiant effectue un nouveau stage, dont les modalités sont définies par l’équipe pédagogique.

Article 59

Les crédits de formation sont attribués par une commission d’attribution des crédits. Elle est mise en place dans les instituts de formation en soins infirmiers, sous la responsabilité du directeur de l’institut, qui la préside.

Elle est composée des formateurs référents des étudiants infirmiers, d’un ou plusieurs représentants de l’enseignement universitaire, et d’un ou plusieurs représentants des tuteurs de stage.

Chaque semestre, excepté le dernier, le formateur responsable du suivi pédagogique présente à la commission d’attribution des crédits les résultats des étudiants afin que celle-ci se prononce sur l’attribution des crédits européens et sur la poursuite du parcours de l’étudiant. Lors du dernier semestre, les résultats sont présentés devant le jury d’attribution du diplôme.

 

III – Commentaire

Dans cette affaire jugée par la cour administrative d’appel de Marseille le 9 janvier 2017, une élève infirmière avait commis des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge et, par conséquent, la directrice de l’IFSI avait décidé de l’exclure pendant une semaine de la formation. Par la suite, la commission d’attribution des crédits de l’IFSI avait indiqué à l’élève infirmière qu’elle était obligée d’accomplir un stage complémentaire de huit semaines.

Entre autres arguments de contestation de la décision prise, l’intéressée arguait de l’incompétence de la commission. Or, le juge souligne que les dispositions en vigueur (articles 58 et 59 de l’arrêté du 31 juillet 2009 susvisés) attribuent compétence à la commission de crédits dans la mesure où elle se prononce « d’une part sur l’attribution du crédit européen et d’autre part, sur la poursuite du parcours de l’étudiant ».

De manière pédagogique, il ressort de l’arrêt que :