Un changement d’affectation fondé sur l’intérêt du service est légal

  • Cour administrative d'appel Marseille Mme B… 20/02/2018 - Requête(s) : 16MA01550

I – LE TEXTE DE L'ARRÊT

1. Considérant que les premiers juges ont retenu : « que Mme B…, soutient que cette nouvelle affectation serait intervenue en considération de sa personne pour sanctionner son comportement professionnel ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que les compétences professionnelles de Mme B… n'ont pas été remises en cause par le directeur de la maison de retraite, dès lors que les fiches de notation de l'intéressée mentionnent, pour la notation de 2007, qu'elle est “très investie dans ses fonctions” et, pour la notation de 2010, qu'elle est “une responsable hôtelière consciencieuse, attentive au bien être des résidents” ; que les seules remarques négatives qui ont été émises, s'agissant des problèmes d'affirmation dans son rôle de responsable et de gestion de son temps, ne démontrent pas une volonté de sanctionner le comportement professionnel de l'intéressée ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse, intervenue alors que Mme B… réintégrait l'établissement à l'issue de son congé de formation, est une mesure prise dans l'intérêt du service, dès lors que le poste qu'elle occupait précédemment avait été pourvu durant son absence ; que la seule circonstance, au demeurant non établie, que le directeur de l'établissement aurait déclaré que la nouvelle responsable hôtelière exécuterait un meilleur travail que Mme B…, n'est pas de nature à faire regarder la décision en litige comme étant prise en considération de sa personne ; qu'enfin, la décision affectant Mme B… au poste d'agent hôtelier ne saurait utilement être fondée sur le courrier en date du 24 septembre 2009, par lequel l'intéressée a demandé à être affectée sur un poste de lingerie, dès lors que la décision en litige a été prise trois années plus tard ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration ait eu l'intention d'infliger à l'intéressée une sanction ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'affectation de Mme B… à un poste d'agent hôtelier, qui correspond à un emploi de son grade, ait revêtu le caractère d'une sanction déguisée » ;

2. Considérant qu'il résulte de la lecture même de ces motifs que Mme B… n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient omis de statuer sur ses moyens tenant à la méconnaissance des garanties offertes aux agents dans le cadre de sanctions disciplinaires ou de mesures prises en considération de la personne ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que par la décision attaquée, notifiée à l'intéressée le 30 juillet 2012, le directeur de la maison de retraite publique intercommunale de Chateaurenard-Barbentane a affecté Mme B…, agent des services hospitaliers qualifié, sur un emploi d'agent hôtelier, à son retour de congé formation ; que s'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'elle s'est ainsi vu confier des missions d'exécution portant sur l'hygiène des locaux et le service du petit-déjeuner des pensionnaires, alors que les fonctions de responsable hôtelière, qu'elle occupait antérieurement à sa période de congé, comprenaient également des missions d'encadrement des agents hôteliers, l'intéressée a conservé sa rémunération et son grade ; qu'au demeurant, l'administration n'articule aucun grief à son encontre, les propos dépréciateurs rapportés par l'agent n'étant pas établis ; que, par suite, Mme B… n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée doit s'analyser en une sanction déguisée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 21 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, applicables à la situation de Mme B… : « Les commissions administratives paritaires sont consultées sur les projets de titularisation et de refus de titularisation. Elles sont consultées sur les questions d'ordre individuel résultant de l'application, notamment, de l'article 25 du titre Ier du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales et des articles 35, 46, 48, 49, 51 à 59, 60, 62, 65, 67, 68, 69, 72 à 76, 81 à 84, 87, 90 et 93 du présent titre, ainsi qu'en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle » ; qu'aucune de ces dispositions ne prévoit qu'un changement d'affectation doit être précédé de la consultation de la commission administrative paritaire compétente ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de pièces du dossier que durant l'absence de Mme B…, un agent a été affecté sur son poste et que, lors de sa réintégration, ce poste n'était pas vacant ; qu'ainsi, la réaffectation de l'appelante est justifiée par un motif tenant à l'intérêt du service et ne saurait être regardée comme une mesure prise en considération de la personne ; que, par suite, le moyen tenant au défaut de communication de son dossier est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime de discriminations ou d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une telle discrimination ou d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les discriminations alléguées ou les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

7. Considérant que, si Mme B… rapporte des propos dépréciateurs qui auraient été proférés à son encontre, elle n'en établit pas la réalité ; qu'elle n'établit pas davantage que le poste sur lequel elle a été affectée à son retour de congé aurait impliqué des contraintes physiques incompatibles avec les préconisations du médecin du travail ; que les difficultés qu'elle aurait rencontrées à partir d'octobre 2013, en raison du port de charges lourdes, et l'accident dont elle a été victime en 2014, constituent des événements postérieurs à la décision attaquée ; que, dès lors, l'appelante ne peut être regardée comme ayant soumis, tant aux premiers juges qu'à la Cour, des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B… n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 juillet 2012 ; qu'il y a lieu de rejeter sa requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la maison de retraite publique intercommunale de Chateaurenard-Barbentane, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B… et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la maison de retraite publique intercommunale de Chateaurenard-Barbentane à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la maison de retraite publique intercommunale de Chateaurenard-Barbentane tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E… B… et à la maison de retraite publique intercommunale de Chateaurenard-Barbentane.

CAA Marseille, Mme B…, 20 février 2018, n° 16MA01550

II – COMMENTAIRE

Voilà un arrêt rendu par la cour administrative de Marseille qui rappelle que le changement d'affectation fondé sur l'intérêt du service n'est pas une sanction déguisée.

Les faits étaient les suivants : la requérante avait le grade d'agent des services hospitaliers et occupait les fonctions de responsable hôtelière avant son congé de formation puis à son retour elle avait été affectée sur un emploi d'agent hôtelier. L'agent avait contesté cette décision d'affectation en soutenant qu'il s'agissait d'une sanction déguisée.

Sa requête fut rejetée par le tribunal administratif de Marseille et le fut également par la Cour administrative d'appel de Marseille dans son arrêt du 20 février 2018.

La décision rendue par le juge marseillais appelle deux observations.

D'une part, pour la juridiction administrative d'appel, le fait est que le changement d'affectation soit pris dans l'intérêt du service, c'est-à-dire en raison de l'absence de vacance de poste puisque le poste de l'agent avait été pourvu durant son congé de formation par un autre agen.

Il faut rappeler qu'un fonctionnaire n'est jamais titulaire de son poste ; il est titulaire de son grade et est affecté sur un emploi correspondant à son grade.

A noter cependant que si l'agent avait bien conservé sa rémunération et son grade, il faut cependant relever que ses responsabilités n'étaient plus les mêmes qu'avant son congé de formation. Le juge administratif n'a rien, pourtant, trouvé à redire alors qu'il prend la peine de relever que, avant son congé formation, l'agent exerçait des missions d'encadrement des agents hôteliers et, à son retour de congé formation, l'agent n'avait plus que des missions d'exécution portant sur l'hygiène des locaux et le service du petit-déjeuner des pensionnaires.

Certes, par définition, un agent des services hospitaliers n'est pas censé exercer des missions d'encadrement conformément à son grade.

Dans le cas contraire, il est facile d'imaginer que si l'agent avait été privé de ses missions d'encadrement alors que son grade lui attribuait de telles responsabilités, la décision d'affectation aurait été considérée comme une sanction déguisée.

Rappelons que selon une jurisprudence administrative constante, un changement d'affectation suppose les mêmes responsabilités, la même rémunération et un emploi correspondant au grade de l'agent, comme a pu notamment le juger la cour administrative d'appel de Bordeaux le 15 décembre 2015 (FJH n° 21, 2016, p. 111, disponible dans sa version numérique sur www.hopitalex.com).

Si l'une de ces conditions faisait défaut, il ne s'agirait plus d'une mesure d'ordre intérieur mais d'une sanction déguisée qui serait annulée par le juge administratif (CE, CH d'Alès, 15 octobre 2014, n° 362605, FJH n° 003, 2015, p. 17 ; pour un médecin : CE, Dame A… c/ CHR de Lille, 7 octobre 2015, n° 377036 et 377037, FJH n° 003, 2016, p. 11, disponibles dans leur version numérique sur www.hopitalex.com).

D'autre part, l'autre point intéressant qui ressort de cet arrêt jugé par la juridiction marseillaise tient à l'aspect procédural. Le juge administratif précise en effet que la commission administrative paritaire compétente ne doit pas être consultée pour un changement d'affectation. L'agent avait soulevé l'irrégularité de la procédure en arguant de l'absence d'avis de la CAP mais le juge affirme, à juste titre : « aucune de ces dispositions ne prévoit qu'un changement d'affectation doit être précédé de la consultation de la commission administrative paritaire compétente ».