Publié en juillet 2025
Permanence des soins Formation Agence régionale de santé Psychiatrie Étudiant Intérim Dépendance Accès aux soins Collectivités territoriales Territorialisation Inégalités d’accès aux soins
Voir également :La commission d'enquête de l'Assemblée nationale vient de rendre public son rapport sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins.
28 auditions, 87 personnes entendues pour confirmer une somme de difficultés persistantes, alors que la France consacre 11,9% de son PIB à la santé, la plaçant au troisième rang de l'OCDE pour les dépenses de santé en 2022.
Environ 11% des Français vivent dans des territoires en désertification médicale avancée.
Le rapport analyse tout d'abord les raisons de cette crise. La diminution de l'offre de soins est multifactorielle : les études médicales peinent à attirer les jeunes qui n'hésitent pas à se tourner vers l'étranger et des cursus moins sélectifs. De fait, l'offre de formation en santé reste majoritairement concentrée dans les zones urbaines et métropolitaines, ce qui ne favorise pas la répartition des professionnels sur l'ensemble du territoire malgré les initiatives développées (options santé dans les lycées, développement des LAS). L’exercice libéral exclusif recule (de l'ordre de neuf points sur quatorze ans) au profit du salariat et de l’exercice coordonné (CPTS, MSP). Le temps médical disponible diminue, quelque soit le secteur considéré (ville ou hôpital).
Ces constats posés, le rapport s'attache ensuite à la gouvernance du système de santé, qualifiée d'opaque et éloignée du terrain. La planification sanitaire en France reste centralisée, principalement via les agences régionales de santé (ARS), dont les compétences sont jugées trop larges au regard de leurs moyens. Elles peinent à assurer une gestion de proximité et à décloisonner l’action entre ville et hôpital. Le pilotage de la politique publique souffre d'une complexification accrue et la démocratie sanitaire, bien que présente dans la législation, reste difficile à mettre en œuvre concrètement. Les collectivités territoriales, en particulier les départements, s’impliquent de plus en plus dans l’accès aux soins. Les communes jouent un rôle dans l’aide à l’installation des professionnels et la signature de contrats locaux de santé, mais cette dynamique alimente une concurrence entre territoires et une inégalité d’accès. De plus, les relations entre ARS et élus ne sont pas toujours fluides.
Malgré des initiatives innovantes (délégation de compétences, statut des infirmiers en pratique avancée), la désertification médicale se poursuit, avec une baisse du nombre de médecins généralistes, une augmentation des patients sans médecin traitant et des délais croissants pour accéder aux spécialistes ; 37 départements métropolitains comptent moins de 5 dermatologues par exemple. Les professions paramédicales et les pharmacies subissent également des tensions démographiques, accentuant les inégalités territoriales. Le zonage des aides à l’installation, bien qu’élargi, rigidifie l’offre de soins et ne s’adapte pas assez rapidement aux besoins locaux. En outre, la prise en charge de publics fragiles demeure insatisfaisante, faute d'une anticipation suffisante : le secteur médico-social est en crise, le développement de l'ambulatoire est inégal et principalement au profit du secteur privé, le champ de la périnatalité est fortement exposé de même que la psychiatrie dont les moyens demeurent modestes bien qu'elle soit grande cause nationale 2025.
La crise des établissements de santé clôt cette première partie. L'hôpital public comme le secteur privé sont épinglés à plusieurs titres. Le premier souffre d'un binôme directeur-président de la Commission Médicale d'Établissement (CME) qui doit être renforcé et les groupements hospitaliers de territoire manquent de moyens et sont davantage perçus comme un outil de coopération. Les établissements privés à but lucratif se spécialisent dans les actes programmés et rentables, participant peu à la permanence des soins, ce qui crée une concurrence inéquitable avec le secteur public, chargé des missions les plus complexes et les moins rémunératrices. Les établissements privés à but non lucratif, bien que participant au service public hospitalier, restent fragilisés par des modalités de financement inadaptées.
Le rapport envisage les solutions pour les problématiques relevées.
Ainsi, il préconise de réduire la part des concours et d’augmenter le contrôle continu, tout en diversifiant les enseignements (sciences humaines, gestion). Il propose de développer l’alternance dès la deuxième année de médecine, de réduire la durée totale des études à huit ans, et de faciliter le redoublement en première année. Le développement massif de la formation continue et des passerelles pour les professionnels paramédicaux est recommandé, afin de renforcer l’attractivité et la mobilité professionnelle.
La création d’un service public des soins de premier recours, géré au niveau intercommunal sous la tutelle d’un sous-préfet à l’accès aux soins, est proposée. Cette réforme vise à clarifier la chaîne de décision, à déconcentrer les moyens et à intégrer les ARS dans les services préfectoraux. Les contrats locaux de santé doivent devenir l’outil principal de territorialisation, en fusionnant les dispositifs existants et en associant obligatoirement toutes les structures de coordination. Le département devrait devenir l’autorité de tutelle unique sur les établissements sociaux et médico-sociaux.
Pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales d'accès aux soins, le rapport recommande de supprimer les certificats médicaux non essentiels, de revaloriser l’indemnité des infirmiers en pratique avancée (IPA) et et d’assouplir les protocoles pour renforcer leur rôle. La question des médecins étrangers (PADHUE) pourrait être simplifiée en confiant aux présidents de CME, en lien avec l’Ordre des médecins, la titularisation des praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) justifiant d’une durée minimale d’exercice. Le concept de "Grande Sécurité sociale" vise à améliorer la couverture des publics précaires et à soulager les finances de la branche maladie. Ce scénario entraînerait une augmentation des remboursements de l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO) de près de 19 milliards d'euros par an, pour un coût total estimé à 22,5 milliards d'euros pour les finances publiques. La médiation en santé et les centres de soins participatifs, qui aident les patients vulnérables, doivent voir leurs financements renforcés et pérennisés. Ces centres, souvent implantés dans des territoires défavorisés, offrent une prise en charge sanitaire et sociale de premier recours adaptée aux populations précaires. La prévention doit être un outil actif sur laquelle les collectivités territoriales doivent contractualiser sur de grands thèmes. La lutte contre le cancer, le développement du sport-santé doivent être poursuivis. Concernant la dépendance, le rapport propose d’accroître le recours à l’hospitalisation à domicile, de développer les équipes mobiles, et d’instaurer une assurance dépendance obligatoire pour limiter le reste à charge des personnes en situation de dépendance lourde. En matière de santé périnatale, il est recommandé de sortir des logiques de seuils d’activité pour privilégier la sécurité des soins.
S'agissant des établissements de santé, les propositions pour les hôpitaux sont familières : renforcer le pouvoir des chefs d'établissement par un pouvoir de sanction et une capacité d'intéressement, construire une culture commune de la gouvernance entre praticiens et directeurs administratifs, renforcer l'attractivité de l'hôpital public. Pour les soins non-programmés, les recommandations visent à réglementer le centres de soins non-programmés, renforcer la régulation téléphonique des urgences notamment en élargissant les régulateurs et effecteurs des soins non programmés en impliquant les infirmiers, les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes et sanctionner les carences dans l'organisation de la permanence des soins en établissements de santé car elle pèse principalement sur le secteur public et le privé non lucratif alors même qu'elle relève de la responsabilité collective des établissements. Si le directeur général de l'ARS dispose depuis peu de pouvoirs renforcés pour organiser la PDSES, le rapport souligne l'absence de sanction juridique, administrative ou financière automatiquement prévue en cas de refus ou de non-exécution et propose un malus sur les dotations forfaitaires.
Enfin, un financement plus adapté doit être privilégié pour la psychiatrie et les urgences en mêlant tarification à l’acte, dotation populationnelle liée aux besoins de santé identifiés pour le territoire et sa population, et enfin financement à la qualité qui reste encore marginal. Ce dernier est, selon le rapport, une puissante incitation financière pour l’amélioration de la qualité des soins mais suppose de simplifier l'IFAQ et d'augmenter sa part dans le financement des établissements.
Plus largement, la revalorisation des indemnités pour travail de nuit est encouragée. L'intérim doit être encore mieux régulé.