Dans la limite de 80 jours réglementaires, un praticien hospitalier en cessation d’activité pour mise à la retraite, a droit à l’option de l’indemnisation prévue par les textes

  • Cour administrative d'appel Bordeaux CHU de la Réunion 17/11/2015 - Requête(s) : 14BX03137

I – LE TEXTE DE L'ARRȆT


1. Le 9 avril 2013, après avoir pris connaissance des dispositions du décret n° 2012-1481 du 27 décembre 2012, M. A…, praticien hospitalier, a informé le service du personnel du centre hospitalier universitaire (CHU) de la Réunion de sa décision d'exercer son droit d'option en vue de l'indemnisation de 80 jours de repos non pris et inscrits sur son compte épargne-temps. Par un courrier du 18 avril 2013, le directeur de l'établissement a rejeté cette demande en indiquant que ces jours devaient être soldés sous forme de congés avant sa cessation d'activité. M. A… a alors confirmé sa demande en lui adressant, par courrier du 19 avril 2013, un formulaire d'option resté sans réponse. Par le jugement du 26 juin 2014, dont le CHU de la Réunion relève appel, le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé la décision du 18 avril 2013 et la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande du 19 avril 2013 et condamné le CHU de la Réunion à payer à M. A…, d'une part, un montant correspondant à l'indemnisation de 80 jours, d'autre part, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.


Sur l'exception d'incompétence :


2. Aux termes de l'article R. 811-1 du Code de justice administrative : « Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : 1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi. 2° Sur les litiges en matière de consultation et de communication de documents administratifs ou d'archives publiques ; 3° Sur les litiges relatifs aux refus de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice ; 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; 5° Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ; 6° Sur les litiges relatifs au permis de conduire ; 7° Sur les litiges en matière de pensions ; 8° Sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-1) ». Ce montant est de 10 000 euros et s'apprécie au regard des sommes demandées dans la requête introductive d'instance, compte non tenu des demandes d'intérêts et des sommes demandées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.


3. Le litige en cause, relatif à la situation d'un agent public et comportant des conclusions indemnitaires d'un montant de 19 200 euros net, supérieur au seuil déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 du Code de justice administrative, n'entre dans aucune des catégories énumérées à l'article R. 811-1 précité de ce code, où le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Le jugement du 26 juin 2014 est donc susceptible d'appel devant la cour. Par suite, l'exception d'incompétence opposée par M. A… doit être écartée.


Sur la légalité des décisions contestées :


4. Aux termes de l'article R. 6152-807-2 du Code de la santé publique : « Lorsqu'au terme de l'année civile, le nombre de jours inscrits sur le compte épargne-temps est supérieur au seuil mentionné à l'article R. 6152-807-1, le praticien opte, pour les jours excédant ce seuil et dans les proportions qu'il souhaite : 1° Pour une indemnisation dans les conditions fixées à l'article R. 6152-807-3 ; 2° Pour un maintien sur le compte épargne-temps dans les conditions fixées à l'article R. 6152-807-4. L'option du praticien intervient au plus tard le 31 mars de l'année suivante et est irrévocable. En l'absence d'exercice d'une option par le titulaire du compte, les jours placés sur le compte et excédant le seuil mentionné au premier alinéa sont maintenus sur le compte du praticien ». En vertu des dispositions combinées des articles R. 6152-807-3 du même code et 2 de l'arrêté du 27 décembre 2012 pris en application du décret n° 2012-1481 du 27 décembre 2012, chaque jour est indemnisé à hauteur de 300 euros brut par jour. Enfin, en vertu de l'article R. 6152-807 dudit code, la demande d'exercice de tout ou partie du droit à congé acquis au titre du compte épargne-temps ne peut être rejetée qu'en raison des nécessités du service.


5. Le compte épargne-temps a pour finalité de permettre à l'agent de différer dans le temps la prise d'une partie de ses congés annuels et de ses journées de repos instituées en contrepartie de la réduction du temps de travail. Les dispositions susmentionnées du Code de la santé publique prévoient, pour le cas où il ne souhaite pas utiliser ces jours conformément à leur finalité, une possibilité d'en obtenir une contrepartie financière.


6. Aux termes de l'article R. 6152-813 du Code de la santé publique : « Lorsqu'un praticien cesse définitivement d'exercer son activité, les jours accumulés sur son compte épargne-temps doivent être soldés sous forme de congés avant la date de cette cessation. En pareil cas, la direction de l'établissement ne peut s'opposer à sa demande. Dans le cas où l'impossibilité de solder avant cette date les jours inscrits sur le compte résulte d'un éloignement du service consécutif à un placement en recherche d'affectation, à un congé pour maladie, à une nomination à titre permanent dans un corps de personnels enseignants et hospitaliers ou à des impératifs de continuité ou de permanence des soins attestés par le directeur, les jours inscrits au compte épargne-temps font l'objet d'une indemnisation selon les dispositions fixées par l'article R. 6152-807-3 ». Pour rejeter la demande de M. A…, le directeur du centre hospitalier s'est fondé sur ces dispositions et a, en outre, rappelé à l'intéressé qu'en janvier 2013, préalablement à son affectation au sein de l'unité de victimologie, il s'était engagé à épuiser ses droits à congés avant son départ à la retraite. La méconnaissance de cet engagement, à le supposer établi, n'est pas au nombre des motifs prévus par les dispositions, citées au point 4 du Code de la santé publique prévoyant, pour le cas où l'agent ne souhaite pas utiliser ces jours conformément à leur finalité, la possibilité d'en obtenir une contrepartie financière. Le requérant soutient sans être contredit sur ce point qu'au 31 décembre 2012, il avait épargné 150 jours et qu'aux dates des 9 et 19 avril 2013, auxquelles il a entendu exercer son droit d'option, il remplissait donc les conditions requises pour l'indemnisation dans la limite de 80 jours au-delà du 21e jour constaté dans le compte épargne-temps. Si le centre hospitalier fait valoir que M. A… a, au cours de la période du 26 juillet 2013 au 14 mars 2014, bénéficié de 149,5 journées de repos au titre de la réduction du temps de travail, cette circonstance postérieure aux décisions contestées est sans incidence sur leur légalité. Enfin, la circulaire ministérielle du 15 mars 2013, dépourvue de caractère réglementaire, prise pour l'application du décret du 27 décembre 2012 ne peut être utilement invoquée. En rejetant la demande de M. A… tendant à l'indemnisation de 80 jours sur son compte épargne-temps, le directeur du centre hospitalier (qui n'invoque d'ailleurs aucune nécessité de service au sens de l'article R. 6152-807 précité) a entaché d'illégalité ses décisions. Il en résulte que le CHU de la Réunion n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis les a annulées.


Sur les conclusions indemnitaires de M. A… :


7. Il revient au juge de plein contentieux de faire application des circonstances de fait en vigueur à la date de sa décision. Il résulte de l'instruction qu'à la date du 26 juin 2014 à laquelle le tribunal a condamné son employeur à lui payer un montant correspondant à l'indemnisation de 80 jours, M. A… avait soldé son compte épargne-temps sous forme de congés rémunérés. Et le CHU de la Réunion fait valoir que de ce fait, l'intéressé, qui a perçu pendant ses congés pris au titre de la réduction du temps de travail l'intégralité de son traitement, ne peut être regardé comme ayant effectivement subi, du fait de l'illégalité des décisions en cause, un préjudice financier. Toutefois, il est constant que M. A… a, dès le 6 mai 2013, été radié contre son gré du planning hebdomadaire du service et placé d'office en position de congé. Le 17 juillet suivant, il a d'ailleurs saisi le juge des référés du tribunal administratif d'une demande d'injonction de faire cesser cette situation d'inactivité forcée, demande rejetée pour défaut d'urgence. Compte tenu de ce que l'absence de service fait ne lui serait, dans les conditions susmentionnées, pas opposable, l'intéressé, qui ne pourrait légalement se voir réclamer les rémunérations payées pendant les congés en cause, doit être regardé comme ayant effectivement subi, pour avoir été empêché d'exercer son droit d'option pour l'indemnisation, un préjudice financier du montant de 24 000 euros brut pour 80 jours résultant de l'arrêté du 27 décembre 2012. Il en résulte, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les fins de non-recevoir, que le CHU de la Réunion n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis lui a enjoint de payer à M. A… un montant correspondant à l'indemnisation de 80 jours inscrits sur son compte épargne-temps.


Sur l'application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :


8. M. A… n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées à son encontre au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de la Réunion, sur le fondement des mêmes dispositions, le paiement au requérant de la somme de 1 500 euros.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête du centre hospitalier universitaire (CHU) de la Réunion est rejetée.


Article 2 : Le CHU de la Réunion paiera à M. A… la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.


CAA Bordeaux, CHU de la Réunion, 17 novembre 2015, n° 14BX03137



II – LES TEXTES CITÉS EN RÉFÉRENCE


Articles 4 à 8 du décret n° 2002-788 du 3 mai 2002 relatif au CET


Article 4 :

Lorsque, au terme de l'année civile, le nombre de jours inscrits sur le compte épargne-temps est inférieur ou égal à un seuil, fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la Santé, du Budget et de la Fonction publique et qui ne saurait être supérieur à vingt jours, l'agent peut utiliser les droits ainsi épargnés sous forme de congés, dans les conditions fixées par le décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 susvisé, à l'exception du premier alinéa de son article 3 et sous réserve des dispositions du présent décret.


Article 5 :

I. - Lorsque, au terme de l'année civile, le nombre de jours inscrits sur le compte épargne-temps est supérieur au seuil mentionné à l'article 4, l'agent titulaire opte, pour les jours excédant ce seuil et dans les proportions qu'il souhaite :

a) Pour une prise en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique dans les conditions définies à l'article 6 ;

b) Pour une indemnisation dans les conditions définies à l'article 7 ;

c) Pour un maintien sur le compte épargne-temps dans les conditions définies à l'article 8.

Les jours mentionnés au a et au b sont retranchés du compte épargne-temps à la date d'exercice de l'option.

En l'absence d'exercice d'une option par l'agent titulaire, les jours excédant ce seuil sont pris en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique.

II. - L'agent non titulaire mentionné à l'article 2 opte, dans les proportions qu'il souhaite :

a) Pour une indemnisation dans les conditions définies à l'article 7 ;

b) Pour un maintien sur le compte épargne-temps dans les conditions définies à l'article 8.

Les jours mentionnés au a sont retranchés du compte épargne-temps à la date d'exercice de l'option.

En l'absence d'exercice d'une option par l'agent non titulaire, les jours excédant ce seuil sont indemnisés dans les conditions prévues au a.

III. - L'agent exerce son droit d'option au plus tard le 31 mars de l'année suivante et son choix est irrévocable.


Article 6

I. - Les jours mentionnés au a du I de l'article 5 sont pris en compte au sein du régime de retraite additionnelle de la fonction publique dans les conditions suivantes.

Chaque jour est valorisé en application de la formule : « V = M/(P+T) », dans laquelle :

« V » correspond à l'indemnité versée au bénéficiaire et constituant l'assiette des cotisations au régime de retraite additionnelle de la fonction publique mentionnée au III ;

« M » correspond au montant forfaitaire par catégorie statutaire mentionné à l'article 7 ;

« P » correspond à la somme des taux de la contribution sociale généralisée instituée par l'article L. 136-1 du Code de la sécurité sociale et de la contribution au remboursement de la dette sociale instituée par le I de l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, dont l'assiette est définie par l'article L. 136-2 de ce même code ;

« T » correspond aux taux de cotisation au régime de retraite additionnelle de la fonction publique supportés par le bénéficiaire et l'employeur et définis au III.

II. - L'indemnité mentionnée au I n'est pas prise en compte dans l'assiette des éléments de rémunération auxquels s'applique la limite mentionnée au deuxième alinéa de l'article 2 du décret n° 2004-569 du 18 juin 2004 relatif à la retraite additionnelle de la fonction publique.

III. - Par dérogation à l'article 3 du décret du 18 juin 2004 précité, l'indemnité mentionnée au I donne lieu à une cotisation à la charge du bénéficiaire dont le taux, égal à 100 %, est diminué de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale.

L'employeur supporte une cotisation dont le taux est identique à celle mise à la charge du bénéficiaire.


Article 7

Chaque jour mentionné au b du I et au a du II de l'article 5 est indemnisé à hauteur d'un montant forfaitaire par catégorie statutaire fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la Santé, du Budget et de la Fonction publique.

Cette indemnisation n'est pas soumise aux majorations et indexations pouvant être versées aux agents en poste dans les départements et collectivités d'Outre-Mer.


Article 8

Les jours mentionnés au c du I et au b du II de l'article 5 sont maintenus sur le compte épargne-temps sous réserve :

1° Que la progression du nombre de jours inscrits au-delà du seuil mentionné à l'article 4, qui en résulte, n'excède pas un plafond annuel ;

2° Que le nombre total de jours inscrits sur le compte n'excède pas un plafond global.

Les plafonds mentionnés aux 1° et 2° sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la Santé, du Budget et de la Fonction publique.

Les jours ainsi maintenus sur le compte épargne-temps peuvent être utilisés sous forme de congés, pris dans les conditions mentionnées à l'article 4.


Arrêté du 27 décembre 2012 pris en application du décret n° 2012-1481 du 27 décembre 2012

Article 1

Le seuil mentionné à l'article R. 6152-807-1 du Code de la santé publique est fixé à vingt jours.

Article 2

Le montant prévu aux articles R. 6152-807-3 et R. 6152-812 du Code de la santé publique est fixé à 300 € bruts par jour.

Article 3

En application de l'article R. 6152-807-4 du Code de la santé publique, la progression annuelle maximale du nombre de jours mentionnée au 1° de cet article est de vingt jours.

Article 4

Le plafond global de jours pouvant être inscrits sur le compte épargne-temps mentionné au 2° de l'article R. 6152-807-4 du Code de la santé publique est fixé à trois cents jours. À compter du 1er janvier 2016, ce plafond global est fixé à deux cent huit jours.

Un dépassement de ce plafond global pourra être autorisé à compter du 1er janvier 2016 sans que le nombre de jours maintenus sur le compte puisse excéder trois cents jours.

Article 5

Pour l'exercice de l'option mentionnée au premier alinéa de l'article 19 du décret du 27 décembre 2012 susvisé, le nombre total de jours pouvant être utilisés par le praticien au titre du 1° du même article est fixé à quatre-vingts jours.

Article 6

Le directeur général de l'offre de soins est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.



III – COMMENTAIRE


Le contentieux lié aux jours de RTT non pris et non rémunérés est intéressant pour les directeurs d'hôpital qui sont pris entre la réglementation RTT datant de l'an 2000 et l'absence de moyens de financement accordés en conséquence par le ministre décisionnaire. Un décret n° 2002-1358 du 18 novembre 2002 a créé un compte épargne-temps (CET) pour les personnels médicaux permanents ou temporaires (article R. 6152-802 et s. du Code de la santé publique). Lorsque le PH ne peut prendre, au titre des congés, tout ou partie des jours épargnés en CET, il a droit à une indemnisation de ces jours dans une certaine limite (de 80 jours) pour un montant de 300 euros par jour.


Le conflit entre le PH et le CHU de la Réunion porte sur la légalité de la prise forcée de congés pour solder le CET. Or, selon les textes, la prise d'option à une rémunération est de droit pour le praticien, même s'il quitte définitivement ses fonctions en raison de son départ à la retraite. Le fait de l'avoir forcé à prendre des congés pour ne pas lui verser l'indemnité compensatoire de 300 euros par jour est illégal et entraîne la responsabilité du CHU. En conséquence et dans la limite de 80 jours, le tribunal va octroyer le dédommagement à ce praticien pour non-respect du droit d'option par le CHU entre la prise en jours de congé de CET ou une rémunération des jours inscrits au CET.


Cette décision peut apparaître sévère vis-à-vis du CHU ; mais elle semble étayée par les fautes de non-respect de la loi par ledit CHU qui profite au praticien.