Le guide anticorruption pour les établissements publics de santé

Ce guide pratique (octobre 2024) s’adresse aux établissements publics de santé et vise à accompagner la mise en place ou la mise à jour d’un dispositif anticorruption. 

Dans son avant-propos, il met en lumière l’importance de lutter contre la corruption dans le secteur de la santé, un domaine crucial pour le bien-être des citoyens et fortement exposé en raison des flux financiers importants et des enjeux éthiques qu’il mobilise. La loi Sapin 2, adoptée en 2016, a instauré un cadre juridique spécifique et confié à l’Agence Française Anticorruption (AFA) la mission de conseiller et de contrôler les établissements, tout en encourageant la sensibilisation aux pratiques anticorruption. Ce guide, élaboré en collaboration avec des professionnels de santé, propose des outils méthodologiques et des cas pratiques pour renforcer la protection des établissements contre les atteintes à la probité.

Dans une première partie, le guide aborde les étapes nécessaires pour mettre en place un dispositif de maîtrise des risques d’atteinte à la probité. Le préambule souligne que le secteur hospitalier est particulièrement vulnérable à la corruption, notamment en raison de l’importance des budgets alloués aux commandes publiques, des partenariats fréquents avec des industriels de la santé et de la gestion d’activités complexes. Les principaux risques identifiés incluent la corruption, la prise illégale d’intérêts, le détournement de fonds publics et le favoritisme. La mise en œuvre d’un dispositif anticorruption est essentielle pour réduire les risques financiers, juridiques et réputationnels, tout en renforçant la confiance publique. Cette démarche peut s’articuler avec d’autres dispositifs de gestion des risques déjà en place, comme la certification des comptes ou les certifications HAS.

Le premier pilier du dispositif repose sur l’engagement de l’instance dirigeante. Il est attendu que le directeur de l’établissement adopte une politique de « tolérance zéro » envers les atteintes à la probité, mobilise les moyens nécessaires et veille à la mise en œuvre d’un cadre organisationnel solide. Cet engagement doit inclure la promotion d’une culture de la probité, la formation des équipes, la définition de mesures préventives et la prise de sanctions en cas de violations. Les instances de gouvernance, comme le directoire ou le conseil de surveillance, peuvent également être impliquées pour orienter et valider la stratégie anticorruption. L'AFA a publié une analyse des condamnations pénales en matière d’atteinte à la probité en décembre 2024, portant sur 504 décisions de justices rendues en 2021 et 2022. La fonction publique hospitalière représente 3,7% de la répartition des affaires dans le secteur public. Dans les “Chroniques jurisprudentielles de 2022”, l'on peut ainsi relever la condamnation d’un agent public (responsable des services techniques d’un établissement hospitalier) pour prise illégale d’intérêts, favoritisme et recel d’abus de biens sociaux (ABS) pour avoir signé des contrats pour 1 2 millions d’euros au profit d’une société X, dont il détenait un quart des parts ; les faits s'étaient produits entre 2007 et 2011 (Tribunal judiciaire de Marseille, 23 mai 2022, appel en cours). Le Tribunal judiciaire de Bordeaux a, de son côté, condamné une professeure universitaire praticienne hospitalier pour pour des faits de prise illégale d’intérêts commis entre janvier 2014 et décembre 2018 ; il lui était reproché d'avoir participé et dirigé les réunions de la COPSIT (commission des produits de santé et innovations thérapeutiques) conduisant notamment à des achats de médicaments pour le compte
du CHU, alors qu’elle était experte et consultante pour l’industrie pharmaceutique (notamment d’un laboratoire, principal fournisseur du CHU en médicament) et recevait de cette dernière des fonds, soit à titre personnel, soit en qualité de vice présidente de l’association pour le développement et la recherche en pharmacie clinique Par ailleurs, le CHU n’avait reçu aucune demande d’autorisation de cumul d’activités. Pour ces faits, elle est condamnée à une peine d’amende de 100 000 euros dont 75 000 euros avec sursis partiel, et à la peine complémentaire de privation de son droit d’éligibilité pour une durée de deux ans (TJ de Bordeaux, 5 septembre 2022). Autre illustration avec une décision du Tribunal judiciaire d'Amiens en date du 8 décembre 2022 qui a relaxé un agent du Trésor Public (agent public) exerçant au sein d’un établissement public hospitalier poursuivi pour des faits de trafic d’influence passif commis entre septembre et octobre 2021 pour avoir proposé à la partie civile, afin de réduire sa dette hospitalière, un arrangement en lui tenant des propos inappropriés et à connotation sexuelle. Les faits n'étaient pas, selon le tribunal, suffisamment caractérisés.

Le deuxième pilier consiste en la cartographie des risques d’atteinte à la probité. Cet outil permet de recenser, évaluer et hiérarchiser les risques auxquels l’établissement est exposé, afin de planifier des mesures de prévention adaptées. La démarche implique une analyse des processus à risque, comme la commande publique, la gestion des ressources humaines, les partenariats avec des industriels de la santé ou encore la gestion des associations satellites. Une fois les risques identifiés, ils sont évalués selon leur probabilité et leur impact, puis hiérarchisés pour prioriser les actions à mettre en œuvre. Un plan d’action est ensuite déployé et suivi, dans une logique d’amélioration continue.

Le troisième pilier porte sur la mise en place de mesures concrètes de prévention, de détection et de sanction. Cela inclut l’élaboration d’un code de conduite, la mise en œuvre de dispositifs d’alerte interne, la formation des équipes, ainsi que la réalisation d’audits réguliers. Les contrôles internes sont renforcés pour identifier les comportements à risque, et des sanctions sont appliquées en cas de manquements, avec un signalement aux autorités compétentes si nécessaire.

La seconde partie du guide présente plusieurs cas pratiques illustrant des situations où les établissements peuvent être confrontés à des risques d’atteinte à la probité. Ces cas abordent des thématiques variées telles que les commandes publiques, les cadeaux et invitations, les relations avec les entreprises ou les collectivités territoriales, la gestion des associations, les ressources humaines, les prestataires de services aux patients et la gestion des logements de fonction. Un premier exemple met en lumière les risques liés à la commande publique. Dans le cadre de l’acquisition d’équipements médicaux, un établissement peut être confronté à des tentatives de favoritisme ou de trafic d’influence, notamment lorsque des industriels cherchent à promouvoir leurs produits en contournant les procédures de mise en concurrence. Ces pratiques peuvent prendre la forme de justifications fallacieuses de l'exclusivité d’un produit ou de l’insertion de critères biaisés dans les appels d’offres. Ces infractions, si elles ne sont pas détectées, peuvent compromettre l’équité des marchés et générer des surcoûts pour l’établissement. Un autre cas illustre les risques liés aux cadeaux et invitations. Par exemple, un fournisseur peut inviter un médecin prescripteur à un congrès international sous couvert d’un partenariat scientifique, en espérant influencer les décisions d’achat ou de prescription de ce dernier. Ce type d’initiative peut créer un conflit d’intérêts si le professionnel de santé accepte l’invitation sans en référer à son établissement, voire, dans certains cas, enfreindre les règles relatives à l’interdiction de recevoir des avantages en nature. Ces pratiques mettent en péril l’intégrité des décisions médicales et peuvent aboutir à des sanctions disciplinaires ou pénales. Autre risque, ceux liés à la gestion des logements de fonction. Certains logements attribués aux agents hospitaliers peuvent faire l’objet de favoritisme ou être utilisés de manière abusive, notamment au regard des critères en permettant la jouissance pour nécessité de service.

En complément, le guide propose des annexes qui détaillent les dispositions légales et réglementaires en matière d’anticorruption, les règles encadrant les avantages dans la fonction publique hospitalière et les infractions relatives à la probité.

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