Temps de travail : oui aux deux dimanches consécutifs mais pas à 3

L'arrêt de la CAA de Toulouse n°22TL21490 du 2 juillet 2024 ne passe pas inaperçu depuis quelques semaines. L'aspect le plus intéressant concerne le droit au repos dominical. Mais cette décision s'insère dans la lignée de l'arrêt du Conseil d'État du 18 juin 2024 et publié au Lebon.

Les deux concernent le droit hospitalier.

De quoi s'agit-il ?

 

Dans les deux arrêts, il était question du non-respect du repos dominical. La règlementation est assez simple en l'occurrence en ce que l'article 6 du décret n°2002-9 du 4 janvier 2002 expose que “Le nombre de jours de repos est fixé à 4 jours pour 2 semaines, deux d'entre eux, au moins, devant être consécutifs, dont un dimanche.

L'on comprend que sur une temporalité de deux semaines, un dimanche doit être un repos, associé soit au samedi soit au lundi puisqu'il doit y avoir 2 jours consécutifs.

Ce même article 6 précise encore que “Les agents bénéficient d'un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum et d'un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum ” sauf dérogation réduisant la durée du repos quotidien à 11 heures consécutives minimum par décision du chef d'établissement après accord de négociation. 

Cette dernière disposition est conforme à la réglementation européenne car aux termes de l'article 3 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives ". Son article 5 dispose que : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l'article 3 ".

 

Dans l'arrêt n°463484 du Conseil d'État, un agent éducatif en CDD au sein de l'institut départemental de l'enfance et de la famille se plaignait que son droit au repos n'avait pas été respecté. Selon la Haute juridiction : 

La méconnaissance des garanties instituées tant par le droit de l'Union européenne que par le droit national en matière de durée maximale journalière et hebdomadaire de travail et de durée minimale journalière et hebdomadaire de repos est susceptible de porter atteinte à la sécurité et à la santé des intéressés en ce qu'elle les prive du repos auquel ils ont droit. Dès lors, cette méconnaissance leur cause, par elle-même et quelles que soient leurs conditions de rémunération, un préjudice dont ils peuvent demander la réparation, indépendamment de celle des autres préjudices qu'ils justifieraient avoir subis à raison de cette privation. Tel n'est pas le cas, en revanche, de l'exigence relative au repos dominical, dont la méconnaissance n'ouvre droit qu'à réparation des seuls préjudices dont l'intéressé établit qu'ils en ont résulté pour lui.”

Autrement dit, la méconnaissance du repos quotidien ou hebdomadaire constitue un préjudice dont on peut demander réparation mais le repos dominical, qui n'apparaît pas dans la directive, ne peut ouvrir droit à réparation que si l'on démontre des préjudices du fait de sa méconnaissance.

Dès lors, et sur ce dernier point, le fait d'avoir travaillé 3 dimanches consécutifs méconnaît l'article 6 du décret du 4 janvier 2002 mais faute pour le requérant d'établir l'existence de préjudices personnels, il n'y a pas d'indemnisation.

 

Pour la CAA de Toulouse, saisie par le syndicat Sud Santé Sociaux de Haute-Garonne, la question était également de savoir si on pouvait travailler 2 dimanches consécutifs. En cause, le guide de gestion du temps de travail du CHU de Toulouse qui prévoyait que “les droits aux 4 repos hebdomadaires doivent être respectés sur la quatorzaine” ; le guide permettait aux agents, en période de congés annuels, “d'échanger entre eux des vacations, à titre exceptionnel et sur validation de l'encadrement, afin de permettre les départs en congés sur un week-end et de favoriser ainsi la qualité de la période de congés”.

Pour les juges toulousains, ces dispositions ne sont pas contestables car l'article 6 “renvoie à une semaine calendaire prédéterminée” et non glissante. De fait, “ces dispositions n'interdisent pas de travailler deux dimanches consécutifs”. La CAA de Lyon avait eu l'occasion de préciser que l'on ne pouvait pas décompter “le temps de repos d'heure en heure équivalant en durée à une période de 48 heures qui n'inclurait pas deux jours pleins” (CAA de Lyon, 9 octobre 2018, n°17LY01561, plusieurs décisions).

 

En résumé : 

- travailler 3 dimanches consécutifs méconnaît l'article 6 du décret du 4 janvier 2002 mais cette seule méconnaissance ne suffit à obtenir réparation car il faut prouver les préjudices qui en ont résulté (Conseil d'État, 18 juin 2024) ;

- il faut que 2 repos, dont 1 dimanche soient consécutifs sur 2 semaines (CAA de Toulouse, 2 juillet 2024). Mais l'article 6 ne précise pas s'il s'agit du 1er dimanche ou du second dimanche des deux semaines. Dès lors, rien n'empêche la construction suivante : 

semaine 1 : repos dimanche-lundi

semaine 2 : dimanche travaillé

semaine 3 : dimanche travaillé

semaine 4 : repos dimanche-lundi

Il y a bien 2 jours consécutifs de repos dont 1 dimanche pour deux semaines. Et il y a aussi deux dimanches travaillés consécutivement (mais sur deux périodes de référence distinctes).
 

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