Nomination du directeur de l'hôpital des Quinze-Vingts : le TA valide le dernier arrêté

Le tribunal administratif de Paris dément l'adage “jamais deux sans trois” dans son jugement du 03 novembre 2025 relatif à la très contestée nomination du directeur de l'hôpital des Quinze-Vingts.

Le nouveau directeur nommé par arrêté du 24 mars 2021 occupait précédemment un poste de directeur-adjoint à l'ARS IdF, et les conditions de sa nomination ont été attaquées avec succès devant le TA de Paris qui a annulé ce premier arrêté le 12 juin 2023 (voir “L’annulation de la nomination d’un directeur en situation de conflits d’intérêts”, commentaire du TA de Paris, 12 juin 2023, n° 2107162, FJH n°071, p.329, 2023). 

Un nouvel arrêté de nomination était alors pris en date du 18 octobre 2023, aussitôt contesté puis à son tour annulé par le TA de Paris le 10 juin 2024 (voir notre veille “Nomination d'un directeur et incompatibilité territoriale dans les lignes directrices de gestion”). La CAA de Paris a, à son tour, confirmé cette annulation dans son arrêt n°24PA02622 du 10 juillet 2025 (voir notre veille “L'annulation de la deuxième nomination du directeur de l'hôpital des Quinze-Vingts est confirmée en appel”).

En août 2024, un troisième arrêté de nomination était pris, contesté encore devant le TA de Paris qui, dans sa décision du 03 novembre 2025, l'a admis.

S’agissant d’abord des griefs de procédure, le syndicat SYNCASS-CFDT contestait la régularité de la composition de l’instance collégiale chargée de la présélection. Le juge constate au contraire que l’une des membres, Mme D., avait bien été désignée par un arrêté du 3 janvier 2024, pris conformément au décret du 31 juillet 2020. Le moyen est donc écarté sans difficulté. De même, la critique portant sur l’absence prétendue d’audition des candidats par l’autorité de recrutement est rejetée, le tribunal relevant que les deux candidats restés en lice, dont M. A., avaient été auditionnés par l’ARS d’Île-de-France le 7 août 2024, en conformité avec l’article 11 du décret précité.

Le syndicat invoquait ensuite la violation de l’autorité de la chose jugée, au motif que la nomination précédente de M. A. au même poste avait été annulée par un jugement de 2024, confirmé par la cour administrative d’appel. Le tribunal écarte là encore le moyen, en soulignant qu’il n’existe pas d’identité d’objet entre les deux litiges : la décision attaquée dans la présente instance est distincte de celle annulée en 2024, et elle résulte d’une nouvelle procédure complète de sélection et de nomination. Le simple fait que le même agent soit candidat au même emploi ne suffit pas à caractériser cette identité d’objet. Le juge précise d’ailleurs que, dans la précédente affaire, la question de l’expérience de M. A. avait été examinée uniquement dans le cadre d’une dérogation aux lignes directrices de gestion ; or une telle dérogation n’était plus en cause dans la procédure ici examinée.

Le point central du litige résidait toutefois dans l’accusation d’une atteinte au principe d’égal accès aux emplois publics. Selon le syndicat, l’administration aurait privilégié la candidature de M. A. en raison de l’expérience acquise dans des fonctions dont la nomination était pourtant illégale, créant ainsi un avantage indu. Le tribunal adopte à ce sujet une position nette : il rappelle que la jurisprudence du Conseil d’État admet, de manière constante, que "l’effet rétroactif qui s’attache à l’annulation prononcée par le juge de l’excès de pouvoir, et selon laquelle une décision illégale est réputée n’être jamais intervenue, est, en principe et sauf cas particulier, sans incidence sur la nécessité de prendre en compte le comportement de l’agent dans les fonctions auxquelles il a été nommé, même illégalement, et ce que ce soit au titre d’une décision de notation ou de tout type de mesure de gestion de la carrière de l’agent" (Conseil d’État, 14 octobre 1977, Sieur Barat, n°02098 ; Conseil d’État, 13 avril 2018, Commune de Gennevilliers, n° 410411). Le tribunal observe que, dans cette nouvelle procédure, la prise en compte de cette expérience ne constituait pas une dérogation aux lignes directrices de gestion, mais relevait du pouvoir d’appréciation normal de l’autorité de nomination.

Les éléments retenus par l’administration – la bonne connaissance des enjeux du CHNO, la clarté du projet stratégique présenté par M. A., son expérience de chef d’établissement, ainsi que la moindre adéquation du profil de la candidate concurrente – correspondaient pleinement aux critères fixés par les lignes directrices de gestion, qui mettent l’accent sur l’expérience managériale, la compréhension des enjeux institutionnels et la capacité à conduire un projet d’établissement. Le tribunal insiste également sur le contexte particulier de la procédure, marqué par un nombre très réduit de candidatures, ce qui renforce la légitimité d’une appréciation fondée sur les compétences démontrées par les candidats.

En définitive, le tribunal considère que l’administration n’a pas méconnu le principe d’égal accès aux emplois publics.

La nomination se trouve ainsi confirmée.